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En librairie

Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Bassin du lac Tchad et Paris, juillet 2012

Le braconnage transfrontalier et le trafic de bétail

Un phénomène à l’origine d’une immense insécurité et d’un sentiment de terreur dans les campagnes et sur les routes.

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La prise d’otage, phénomène plus récent dans le banditisme transfrontalier rural, traduit aussi une évolution dans les pratiques de razzias, dont les dimensions économiques et culturelles ont été évoquées plus haut. En effet, une fois l’esclavagisme aboli sous la période coloniale dans cette région, le bétail avait supplanté l’esclave dans les trafics transfrontaliers tandis que les razzias de troupeaux et leur exportation mobilisaient tous les réseaux familiaux éparpillés au- delà des frontières des États.

En effet, si des bandits leur ravissaient du bétail, les pasteurs peuhls mbororo eux-mêmes avaient l’habitude d’opérer des razzias de longue distance chez leurs congénères éleveurs appartenant à des clans adverses, souvent par règlement de compte, dans l’objectif de reconstituer leurs propres troupeaux volés ou décimés par la sécheresse ou des épizooties. Progressivement, les longues migrations avec des troupeaux ont été rendues périlleuses par l’apparition de bandes armées et de militaires en déshérence. Les marchés au bétail étaient devenus le lieu privilégié d’écoulement du bétail volé de l’autre côté de la frontière, en faisant la cible des voleurs et des brigands. Ainsi, le vol de bétail se substitua aux razzias qui prirent une autre ampleur avec l’implication des bandes armées et d’anciens militaires professionnels. Par peur de traverser de longues distances avec des millions de francs CFA sur eux, les éleveurs se tournèrent vers les banques et les coopératives d’épargne et de crédit qui s’installèrent aux abords des marchés. Parfois la vente du bétail était négociée et effectuée à distance comme sur une place boursière afin d’écarter les risques de razzias, de vol de bétail et d’argent. Les banques ont sécurisé les flux financiers de la transhumance et l’épargne dans les campagnes, que l’informatisation et la téléphonie mobile ont renforcés. Depuis l’introduction du téléphone portable dans les années2000, des transactions sont même effectuées sous forme monétique (paiement par téléphone) pour éviter le transport de l’argent liquide.

Paradoxalement, tout en sécurisant les flux financiers, l’usage des nouvelles technologies a introduit une nouvelle forme de criminalité en ville et durci l’insécurité qu’enduraient déjà les paysans éleveurs. L’escroquerie et l’extorsion des fonds se sont développées sur Internet et les prises d’otages, surtout d’enfants, sont devenues courantes pendant la décennie 1996-2007 en RCA, au Cameroun et au Tchad. L’ampleur du phénomène était telle qu’entre les mois de janvier et mai 2004, 300 enfants d’éleveurs Mbororo avaient été pris en otages rien qu’en Centrafrique, et plus de 490 millions de francs CFA demandés en rançon (1), soit plus d’un million de francs CFA par enfant. Alors que la prise d’otages d’enfants contraignait les parents à vendre leurs troupeaux et à vider leur compte en banque pour payer la rançon, ces razzias et les coupeurs de route avaient entraîné des exodes croisés des réfugiés de l’insécurité de la RCA vers le Cameroun et le Tchad ou vice versa, essentiellement des éleveurs peulhs mbororo pris en étau entre les bandits-coupeurs de route d’un côté et les militaires et les groupes armés rebelles de l’autre (2) au cours de l’offensive armée qui conduisit Bozizé au pouvoir en RCA. Le Haut Commissariat aux réfugiés avait décompté quelque 20 000 personnes déplacées dans les zones frontalières de ces trois pays entre avril 2005 et juillet 2006.

Ces prises d’otages et l’exécution de certains d’entre eux en cas de non-paiement de rançon ont réellement constitué le sommet de l’insécurité, créant la terreur dans les campagnes et sur les routes dans les trois pays de la zone Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) / Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Ce qui a contraint les pays concernés à réagir par des opérations de ratissage, de rafle ou d’escorte des voyageurs.

Notes

  • (1) : Témoignage d’un responsable d’une association d’éleveurs, tire de : I. Saïbou, « La prise d’otages aux confins du Cameroun, de la Centrafrique et du Tchad. Une nouvelle modalité du banditisme transmigrant », Polis, revue camerounaise de science politique, 2007, p. 7.

  • (2) : D’après un interlocuteur, les armées centrafricaines ont étalé leur inefficacité dans la lutte contre les coupeurs de route. Les militaires poursuivaient les malfaiteurs dans les brousses mais ne s’occupaient que du butin (bétail et argent). Les rebelles, eux, traquaient les militaires occupés par l’argent et le bétail et s’emparaient de leurs armes. Entretien à Maroua, le 2 août 2011.