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, Phnom Penh - Cambodge, julio 2005

François PONCHAUD, l’ami des Cambodgiens

Prêtre des Missions Etrangères de Paris (MEP) et vicaire général du diocèse de Kompong Cham.

Keywords: Cultura y paz. Pluralismo cultural y ética de paz | Juicio de los responsables de crímenes contra la humanidad | Diálogo interreligioso por la paz | Cristianismo | Budismo | Iglesia católica | Reconstruir la paz. Después de la guerra, el desafío de la paz. | Favorecer los encuentros multiculturales | Juzgar a responsables de crímenes contra la humanidad | Reconstruir una sociedad | Aplicar la justicia, factor esencial de reconciliación social | Asia | Camboya

Prêtre des Missions Etrangères de Paris (MEP), vicaire général du diocèse de Kompong Cham (l’Eglise du Cambodge est divisée en trois diocèses : Phnom Penh, Battambang et Kompong Cham), François Ponchaud, qui est arrivé au Cambodge il y a exactement 40 ans et a écrit, notamment, « Cambodge, année zéro » après la prise du pouvoir par les Khmers rouges en 1975, ouvrage de référence, est certainement l’un des meilleurs connaisseurs du pays et des Cambodgiens. Basé à Phnom Penh, où il est retourné en 1993, il se consacre depuis toujours à l’inculturation de la religion catholique au Cambodge en même temps qu’à l’approfondissement de la connaissance du bouddhisme dans le double but de faire avancer « le dialogue entre les forces de l’Esprit » et de contribuer à la survie du peuple cambodgien (cf. son petit ouvrage « Ensemble, à la recherche de la lumière »  - 2004). A la tête d’une petite équipe de Khmers, qu’il contribue à former, et de quelques compatriotes, après avoir traduit la Bible en khmer, il conçoit des ouvrages de catéchèse et de vulgarisation destinés à accompagner la formation spirituelle et intellectuelle des Cambodgiens en insistant sur la compréhension des symboles et des mythes de base ainsi que sur la connaissance de l’histoire. On le sent aujourd’hui inquiet face à la situation très difficile du pays, très critique à l’égard du nouveau pouvoir qui se moque éperdument du peuple cambodgien comme à l’égard du manque de discernement de la communauté et des organismes internationaux, et même quelque peu amer face au témoignage insuffisant qu’apporterait, selon lui, sa propre église dans une telle situation.

Nous l’avions rencontré pour la première fois en 1979, à Genève, à l’occasion d’une conférence internationale en faveur des réfugiés du Sud-est asiatique puis fait intervenir dans les colloques de Grenoble, en 1980, « Ouvrir le Cambodge, ouvrir le monde » , et dans celui de Paris, en 1992, à la Fondation Charles-Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme (FPH), « Les Cambodgiens face à eux-mêmes » après les accords de paix signés sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies. En 1994, il a donné son témoignage dans le cadre d’une conférence organisée par la FPH pour permettre aux Rwandais de penser le retour à la paix. Ayant été particulièrement sollicité par les médias, ce printemps, à l’occasion du 30ème anniversaire de l’entrée des Khmers rouges à Phnom Penh, il éprouve le besoin de préciser sa position à l’égard du jugement des ex-responsables khmers rouges dont il est beaucoup question depuis que l’ONU a constaté que les financements principaux nécessaires à la tenue du procès sont réunis. En fait, si beaucoup pensent que ce procès pourrait contribuer à la consolidation de la paix et à la reconstruction humaine du Cambodge, d’autres, au moins aussi nombreux, considèrent qu’il n’aura certainement pas lieu tellement les compromissions internationales et les responsabilités autres que khmères rouges ont été importantes dans cette tragédie. Pour F. Ponchaud, dans cette affaire « éminemment politique » , il y a contradiction entre paix et justice puisque le Premier ministre Hun Sen, agissant « en homme politique responsable » , a d’abord « choisi la paix plutôt que la justice » , alors que « pour que le jugement soit équitable, tous les acteurs du drame devraient passer en justice » . En effet, « le silence de la communauté internationale » , à l’époque, est avéré. Deux autres problèmes sont très importants : le lien entre le jugement des ex-responsables khmers rouges et le devoir de mémoire qui ne peut ignorer les traits spécifiques de la société et de la culture khmères qui conduisent au constat que « la vie politique cambodgienne ne sait pratiquer que l’exclusion, souvent la mort, rarement la concertation. On n’accepte pas la contradiction. Cela était vrai du temps de Sihanouk, des Khmers rouges et actuellement »  ; le jugement des Khmers rouges ne suffira pas pour l’établissement d’un état de droit parce qu’ « il faut que la communauté des donateurs d’aides regarde les choses en face, et n’attribuent des aides qu’au vu des résultats… mais là encore les intérêts géostratégiques interviennent » . D’ailleurs, à propos de stratégie, le chantier de l’énorme ambassade que les Etats Unis sont en train de construire au centre de Phnom Penh pose question et le bruit courant également que les Américains envisageraient d’installer une base en eaux profondes à Ream, on peut se demander si tout cela ne relèverait pas d’une politique d’ « encerclement » de la Chine ?

Un déplacement dans la région de Kompong Cham s’avère particulièrement intéressant à plusieurs titres. A la sortie de Phnom Penh, sur la presqu’île, qui a fait l’objet de méritoires travaux d’aménagement et d’embellissement en face de la capitale – il s’agit des réalisations du maire de celle-ci qui a été démis car il faisait manifestement de l’ombre au Premier ministre ! – on aperçoit l’ancien séminaire vidé par les Khmers rouges et que le pouvoir a proposé à l’Eglise de récupérer moyennant … 1 million de dollars ! Le long de la route plusieurs usines textiles semblent fermées, témoignage de l’effet désastreux produit sur l’économie cambodgienne par l’ouverture du marché international du textile et par la politique chinoise dans ce domaine depuis le début de l’année. Des briqueteries, par contre, semblent tourner à plein ; ce qui est à rapprocher des efforts visibles de reconstruction un peu partout et surtout en ville. Au marché de Kompong Cham, la ville des Chams, nous croisons des jeunes filles de cette ethnie, ce qui est un peu inhabituel compte tenu de leurs traditions. La tenue est reconnaissable et la coiffe, en particulier, plus discrète qu’un voile, est le signe d’un Islam édulcoré et modéré. Faut-il voir dans cette sortie l’indication d’une certaine émancipation ? En même temps, l’actualité est inquiétante car, dans cette région, des rumeurs font état de la présence de prêcheurs fondamentalistes venus du Koweit ou Wahabites, d’Arabie saoudite. Les autorités auraient pris récemment des mesures d’emprisonnement voire d’expulsion à l’égard de certains, qui s’apparentent davantage à des gesticulations destinées à faire bonne figure dans le cadre de la politique internationale de lutte contre le terrorisme – y compris, très certainement, pour donner des gages aux Américains. Particulièrement graves seraient, en tous les cas, les dégâts que causerait ce fondamentalisme dans la population cambodgienne en incitant une de ses communautés les plus anciennes, et qui a déjà terriblement souffert de ses particularismes sous le régime khmer rouge, à se distinguer de nouveau du reste de la nation khmère. A l’évêché de Kompong Cham, le préfet apostolique du diocèse qui fait office d’évêque, le père Antony, est un Indien de Bangalore. Il a été envoyé au Cambodge par son évêque il y a 8 ans. Il parle très bien le khmer – le français également ! – et est bien intégré. Il est très représentatif du caractère cosmopolite de l’Eglise du Cambodge où 17 nationalités sont représentées. Surprise : plus au nord, sous son autorité, c’est un prêtre colombien (ils sont 4 au Cambodge, plutôt bien intégrés) qui s’occupe d’une petite communauté chrétienne d’une ethnie montagnarde qui avait fui, après 1975, les Hauts Plateaux du Viet Nam. Depuis 2001, un pont construit par les Japonais, remplace l’ancien bac, permet de passer sur l’autre rive du Mékong et transforme la vie de la région. L’ouvrage est remarquable ; il a été construit en un temps record et témoigne, à la fois, d’une maîtrise technique qui se manifeste en de nombreuses régions du Cambodge par des travaux de reconstruction de routes et de consolidation de digues en particulier, et d’une très importante politique de dons du Japon. La traversée de la plantation d’hévéas de Chup nous replonge dans l’univers de cette activité qui a fait la richesse du Cambodge jusqu’au début des années 70 lorsque les rendements battaient des records. Les plantations sont moins bien entretenues qu’à cette époque, mais à un croisement aussi perpendiculaire que l’alignement des arbres, des équipes de femmes sont en train d’empierrer à la main deux pistes de latérite ; la main d’œuvre n’est pas chère au Cambodge et F. Ponchaud a raison de souligner le caractère émouvant de la scène. En ce qui concerne l’activité elle-même, elle se caractérise désormais par la multiplication des exploitations familiales. Dans Cambodge Soir, le jour même, un long article décrit les nouvelles perspectives qui s’ouvrent à la reprise de cette culture au Cambodge depuis l’importante remontée des cours et à condition que des progrès soient faits au niveau de la qualité et pour rendre ce secteur plus transparent. L’Agence française pour le développement (AFD) et le GRET y contribuent en aidant à la restructuration des exploitations, en encourageant l’utilisation des bons « clones » pour améliorer les rendements et faire aussi de cette activité un outil de lutte contre la pauvreté.

C’est aussi dans cette région que F. Ponchaud a entrepris d’importants travaux de creusement de canaux et de réservoirs (sra) pour permettre une meilleure alimentation en eau des rizières. D’ailleurs, les pluies, bien que limitées de ces derniers jours – le régime de celles-ci ne peut pas ne pas être modifié par la quasi-disparition des forêts du Cambodge ! – lui permettent de vérifier la justesse de ses calculs : les paysans se sont mis à repiquer le riz et travaillent dur pour rattraper le retard d’un mois environ ; les rizières vont pouvoir reverdir et on récoltera en décembre ou en janvier prochains. Il a fallu vaincre une certaine réticence des paysans à qui ces travaux communautaires pouvaient rappeler les sinistres corvées khmères rouges, mais le principe est d’inciter par de petites aides financières à un minimum de mobilisation, pour refaire également des routes en terre praticables et améliorer une situation qui reste très difficile à l’image de la plupart des campagnes cambodgiennes et pousse les paysans vers les villes. De fait, les jeunes de Trapeang Kandaol sont presque tous partis s’employer à Phnom Penh. Ce n’est qu’une petite poignée d’adultes, plutôt âgés, qui participeront à la messe au petit matin ; une femme aux cheveux blancs, qui est d’abord allée travailler dans la rizière, dit que de prendre ce temps lui donne « de la force dans le cœur » . La parabole du « bon grain et de l’ivraie » permettra d’évoquer la période des Khmers rouges : « Pol Pot aussi a voulu extirper l’ivraie, mais il en a trop fait !  » F.Ponchaud est même sollicité par les bonzes des pagodes environnantes pour financer certains travaux mais il s’étonne de leur pratique qui consiste à privilégier la construction des pagodes, surtout lorsqu’il y en déjà et de rutilantes, au lieu de s’investir et d’investir davantage dans la réponse aux besoins matériels des populations ; mais le système des « mérites » que l’on gagne ainsi est profondément ancré dans la mentalité et la société cambodgiennes. A Trapeang Kandaol, en plein milieu des rizières, F. Ponchaud a entrepris la construction d’une école maternelle et le but est de préparer les plus jeunes à acquérir un minimum d’instruction. Plus au sud, à Neak Luong, le bac qui permet de franchir le Mékong entre Saigon et Phnom Penh, là où des communautés vietnamiennes ont toujours été nombreuses et où s’étaient produits des pogroms antivietnamiens en 1970, une autre école maternelle est en chantier. Elle permettra d’éduquer ensemble des petits vietnamiens et des petits khmers et de les aider à prendre conscience de leur appartenance à une même communauté nationale. Il faut se préoccuper de la formation d’une équipe de monitrices de maternelle. Notons que la fille d’une des paysannes rencontrées à Trapeang Kandaol, qui est très active à Phnom Penh, partira dans quelques jours participer aux Journées mondiales de la jeunesse à Cologne et qu’à Neak Luong, il y a peu, ce sont des artisans vietnamiens qui ont décidé d’apprendre le khmer pour pouvoir mieux s’intégrer.

 

 

Bibliographie :

« Cambodge, année zéro » François Ponchaud, Julliard, Paris, 1977

« La cathédrale de la rizière » François Ponchaud, Fayard, Paris, 1990

« Prêtre au Cambodge – François Ponchaud, l’homme qui révéla au monde le génocide » Benoît Fidelin, Albin Michel, Paris, 1999

« Ensemble, à la recherche de la lumière » François Ponchaud, Phnom Penh, 2004

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