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, Paris, 2005

Confrontation des stratégies mises en œuvre lors de la transition politique

Confrontation des caractéristiques les plus marquantes concernant les stratégies mises en oeuvre lors des transitions politiques de l’Argentine, du Costa Rica et de Cuba.

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I. L’accession au pouvoir

En Argentine, Alfonsín est élu président de la République à l’issue d’élections libres avec 52 % des voix contre 44 % pour le candidat péroniste Italo Lúder. Le candidat victorieux avait tout mis en œuvre pour apparaître comme l’incarnation même de la démocratie et de la stabilité politique, en centrant sa campagne électorale autour de la volonté de construire un Etat de droit dont les piliers devaient être la liberté et la justice sociale.

Au Costa Rica il n’y a pas eu d’élections dans un premier temps puisque Figueres n’a pas hésité à s’emparer du pouvoir, une fois gagné le conflit de 1948. Figueres mit en place un gouvernement de fait et personne n’eut son mot à dire : à peine entré victorieux dans la ville de San José, il prit le parti d’ignorer la légitimité du candidat qui avait gagné les élections de 1948. Ces dernières, rappelons-le, avaient été annulées, fournissant ainsi aux figueristes une justification pour combattre les populistes (aux côtés des partisans d’Otilio Ulate, le candidat lésé). Les figueristes auraient, selon certains, déclenché cette guerre afin d’accéder au pouvoir.

Quant à Cuba, la révolution castriste n’avait d’autre but que de destituer Batista. Et si Castro avait maintes fois affirmé que son objectif n’était pas de prendre la place de Batista mais de procéder rapidement à des élections démocratiques, force est de constater qu’il ne tarda pas à s’emparer du pouvoir, un pouvoir qu’il détient encore de nos jours.

Dès le départ nous nous trouvons donc dans des situations totalement différentes : si l’Argentine meurtrie par dix années de dictature sanglante, connaît une transition démocratique par le biais d’élections libres, le Costa Rica et Cuba prennent les armes pour destituer l’un, un dirigeant populiste corrompu, l’autre un dictateur communiste impitoyable.

II. « Délégitimation » des acteurs politiques

En Argentine, Alfonsín mit en œuvre, au moment de la première phase de transition à la démocratie, une stratégie de « délégitimation » des acteurs politiques traditionnels, de mise à l’index des différents groupes de pouvoir (forces armées, organisations syndicales et patronales). En effet, Alfonsín, désireux de conserver le monopole de l’initiative politique et de fixer seul les nouvelles règles du jeu politique, opta pour une politique non concertée. Il voulut tout assumer, afin d’imposer sa propre personne comme l’incarnation d’une stratégie politique personnelle.

S’agissant du Costa Rica il est intéressant d’observer que si la prise de pouvoir par Figueres fut différente de l’Argentine, ce dernier eut recours lui aussi lors de la transition, à une stratégie de « délégitimation » (d’Otilio Ulate) ; mais à la différence de l’Argentine, Figueres avec le soutien de l’armée, procéda à une vague de répression et de manipulation de l’ensemble des groupes et secteurs du pays qui avaient soutenu le calderonisme. Le gouvernement de fait alla toutefois encore plus loin en se retournant également contre ses compagnons stratégiques de guerre : l’oligarchie. Cette dernière lui retira aussitôt son soutien politique et le Parti social démocrate incarné par Figueres perdit de la sorte le soutien d’une grande partie de la population. La situation était alors bloquée :

  • d’un côté les ulatistes détenaient le soutien populaire mais ne contrôlaient pas les armes ;

  • de l’autre, les figueristes contrôlaient les armes mais ne bénéficiaient nullement du soutien populaire.

Enfin s’agissant de Cuba, la stratégie employée par Castro est simple : monopolisation du pouvoir dans toutes ses dimensions. Il n’est ni question de partage, ni question de redistribution de l’initiative politique, le Comandante règne seul, que cela plaise ou non. Sa stratégie, bien que des plus critiquables, a l’incontestable mérite de faire de lui aujourd’hui l’un des dictateurs les plus anciens encore au pouvoir. Mais la grande différence avec l’Argentine et le Costa Rica, c’est qu’à Cuba il ne fut jamais question de démocratie !

III. Conclusion

Il est donc d’ores et déjà très intéressant de constater que face à une même situation, trois choix politiques différents ont été opérés lors de la transition.

  • En Argentine il s’agit de redonner confiance à une population meurtrie, en prônant liberté et démocratie : la transition se fait par les urnes.

  • Le Costa Rica au contraire, connaît une transition bien plus radicale, puisqu’elle se fait par les armes.

  • Quant à Cuba, la Révolution a lieu pour sauver les Cubains d’un dictateur acharné, et le soutien populaire est alors massif.

Une fois au pouvoir, ces nouveaux gouvernements (légaux ou de fait), se rejoignent toutefois quant à la stratégie politique qu’ils adoptent :

  • Argentine et Costa Rica optent pour une stratégie de « délégitimation ».

  • Pour Fidel Castro, il n’est même pas question de « délégitimation », puisqu’il n’existe aucune option crédible en dehors de la sienne : sa stratégie sera donc celle de la monopolisation du pouvoir.

Les résultats sont semblables. Notons donc que, là aussi, les attitudes politiques des trois pays connaissent des similitudes à des époques différentes.

Pourtant, nous verrons que ce qui a fonctionné au moment de la transition n’a pas forcément été d’une grande réussite pendant la phase de consolidation démocratique.