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, Paris, 2005

Bilan social de santé démocratique : Costa Rica

Bilan social actuel de l’état de santé démocratique du Costa Rica via l’évaluation du soutien de la société à la démocratie et de la position de celle-ci face à un éventuel coup d’Etat.

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I. Le soutien à la démocratie

Si les Costariciens ont une confiance très élevée dans leurs institutions publiques, tel n’est pas le cas s’agissant des partis politiques.

La confiance dans un système et des institutions politiques, est donc indépendante de la confiance accordée à des partis. Et comme nous avons pu le voir en analysant le cas de l’Argentine, ce qui compte pour la démocratie et sa stabilité c’est l’appui du peuple concernant les institutions et le système politique en vigueur : en effet, nous avons vu qu’en Argentine, le rejet en bloc de la classe politique par les citoyens ne s’est pas traduit par une remise en cause du modèle démocratique.

Une fois cette distinction faite, analysons l’évolution au Costa Rica du soutien populaire à la démocratie comme forme de gouvernement.

Nous nous baserons à cette fin sur des études faites à partir du questionnaire (1) élaboré par Mitchell Seligson et destiné à mesurer le degré de soutien des Costariciens à la démocratie (2) :

Pour répondre aux questions une échelle de points allant de 1 à 7 est utilisée, le 1 correspondant au degré le plus bas et le 7 au plus haut :

  • A quel point croyez-vous que les tribunaux de justice du Costa Rica garantissent un procès équitable et juste ?

  • A quel point respectez-vous les institutions politiques du Costa Rica ?

  • A quel point croyez-vous que les droits élémentaires du citoyen sont bien protégés par le système politique du Costa Rica ?

  • A quel point êtes-vous fier du système politique costaricien ?

  • A quel point pensez-vous qu’il faille soutenir le système politique costaricien ?

A partir de ce sondage effectué à plusieurs reprises auprès des Costariciens, il faut noter une intensification de l’appui du peuple au système, puisqu’il est passé d’une moyenne de 61 points en 1999, à 68 points en 2004. Ce résultat est d’autant plus positif qu’il intervient dans une période de forte détérioration de l’appui manifesté au système des partis politiques, et de diminution de la participation électorale. Toutefois, il convient de souligner que cette amélioration n’inverse pas la tendance décroissante du soutien manifesté par les Costariciens au système sur le long terme : en effet, le résultat de 2002 est inférieur à celui obtenu il y a presque dix ans (72 points), et il l’est encore plus, par rapport à celui de 1985 (87 points).

En revanche, si nous comparons le résultat de 2004 (68 points), ceux des autres pays d’Amérique latine, le soutien du peuple au système reste élevé.

Les Costariciens manifestent un soutien plus ou moins élevé au système politique en fonction du travail effectué par leur président notamment concernant la lutte contre la pauvreté, la corruption et l’effort réalisé pour protéger les principes démocratiques.

II. Un résultat surprenant : la position des Costariciens face à un éventuel coup d’Etat

L’enquête nationale du mois de mars 2004 a donné des résultats assez surprenants quant à la question de savoir quelle serait la position des Costariciens face à un éventuel coup d’Etat dans certaines circonstances difficiles que devraient affronter la population. Ils montrent que dans cinq circonstances concrètes (3) qui pourraient être alléguées afin de justifier un coup d’Etat, 40 % des personnes interrogées seraient pour, face à trop de corruption, et 65 % soutiendrait un coup d’Etat en cas d’insatisfaction sociale importante.

Si l’on replace les réponses du pays dans le contexte de l’ensemble des réponses des pays d’Amérique latine, cela n’a rien d’alarmant étant donné qu’en général, les pays du continent ont une moyenne favorable à un coup d’Etat dans les mêmes conditions qui est de 50 %.

Toutefois d’un point de vue strictement national, ces résultats étonnent parce que l’histoire du Costa Rica montre un soutien croissant à la démocratie, le soutien le plus élevé de toute la région de l’Amérique centrale. Et c’est d’ailleurs en tenant compte de ces réalités que doivent être interprétés les résultats antérieurs : nous ne pouvons conclure de par ce sondage, que les Costariciens seraient favorables à un coup d’Etat sans procéder à des recherches plus approfondies. Mais de la même manière, il serait imprudent de conclure que les Costariciens se sont trompés, qu’ils n’ont pas compris le questionnaire et que leur soutien à la démocratie est inconditionnel. La vérité semble se situer entre les deux extrêmes : bien que le peuple costaricien soit profondément attaché aux valeurs de la démocratie, il n’empêche que dans certaines conditions, si la situation au niveau politique, social et économique du pays venait à empirer considérablement, (en prenant comme repères certains critères clefs tels que la corruption, la pauvreté et l’injustice sociale), ils seraient prêts à appuyer l’idée d’un coup d’Etat. Mais cette attitude n’aurait pas forcément pour but de retomber dans un régime autoritaire. L’objectif serait davantage de « marquer le coup » de telle sorte que la classe politique se sente dans l’obligation d’être bien plus ferme concernant le respect des principes démocratiques, sans quoi elle serait mise à l’index du pouvoir.

Le Costa Rica de 2004 n’est donc pas moins démocratique qu’auparavant : bien au contraire. Mais comme à peu près tous les pays du continent latino-américain, il doit aujourd’hui affronter certains problèmes, tels que la pauvreté et l’insécurité, qui lui font envisager, dans un cas extrême, des solutions qui pourraient être extrêmes elles aussi.

Qu’il s’agisse de l’Argentine ou du Costa Rica, la démocratie semble avoir gagné la bataille contre la dictature et l’autoritarisme. La gestion des conflits par la démocratie existe donc, même de manière imparfaite.

Notes :

(1) : “Encuesta nacional sobre valores, actitudes y opiniones”, mois de mars 2004

(2) : J.Vargas-Cullell, L. Rosero-Bibxy. M. Selligson, op.cit., p.30

(3) : 1/ Face à une insatisfaction sociale importante ; 2/ Face à un taux de chômage très élevé ; 3/ Face à un niveau élevé de délinquance ; 4/ Face à un taux d’inflation très élevé ; 5/ Face à trop de corruption.