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En librairie

Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Morgane Auge, Pierre Bardin, Emmanuel Bargues, Christelle Bony, Claire Grandadam, Nicholas Zylberglajt, juin 2006

Quelle expérience de l’exil et quelle organisation de la solidarité en France dans les années 1970 ?

Les contours de l’étude relative aux Réseaux de solidarité pour les exilés argentins

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Les contours flous d’une mission a priori claire et bien délimitée

L’exil est un mot qui frappe, qui met sur scène des histoires de vie, des choix et des souffrances. Parler d’exil au singulier ne fait pas sens. Il n’y a pas eu un mais des exils. Le projet qui a été commandité aux élèves de Sciences Po par le Ministère des affaires étrangères était a priori clair et assignait une mission bien délimitée. Il s’agissait d’examiner de quelle manière les réseaux de solidarité avec les victimes du coup d’Etat argentin de 1976 se sont constitués en France et ont contribué à des mobilisations débouchant sur des modifications profondes dans la perception internationale de la protection des droits de l’Homme. L’objectif plus global de la mission consistait à reconstituer la mémoire d’une période de solidarité active avec des demandeurs d’asile, qui a été un tournant historique dans la perception de la question des droits de l’Homme.

Cette idée de départ s’est transformée, précisée, améliorée. Nous nous sommes trouvés aussi face à certains obstacles, à commencer par la nécessité de réviser certains des termes du descriptif de la mission qui nous avait été confiée. En effet, il laissait entendre que le cas argentin avait provoqué une “modification profonde” de la perception internationale des violations de droits de l’Homme. Au fur et à mesure que nous interviewions des témoins, cette affirmation devenait de plus en plus relative. Nous devions d’autre part étudier la “constitution d’une solidarité active” en France, alors que les témoignages recueillis nous conduisaient à nuancer cette affirmation. Un travail questionnement a donc été nécessaire pour comprendre véritablement ce qu’avait été l’exil argentin en France. Une autre question fondamentale a aussi émergé, fruit d’une évolution de notre réflexion : les structures françaises ont-elles correspondu aux besoins éprouvés par les Argentins venus en France dans ces années 1970 ? Autrement dit, la multiplicité d’acteurs, de types d’intervention, de motivations, était-elle la marque de l’existence d’un réseau d’accueil dense et développé ou au contraire, celle d’un manque de coordination des efforts fournis de part et d’autre ?

Réfugiés ou exilés ?

Afin de répondre à ces questions, il convenait d’abord que nous distinguions les termes de réfugié et d’exilé. Car, selon les termes de référence initiaux de la recherche, nous pensions avoir à traiter essentiellement de “réfugiés” et nous nous sommes trouvés plus souvent face à des “exilés”. Or, tandis que le fait d’être un « réfugié » correspond à un statut juridique international défini par les conventions de Genève de 1951 et 1954, qui accordent certains droits, obligations et protections, le deuxième correspond à un état de fait, à savoir, le départ du pays d’origine pour s’installer dans un pays tiers. Selon la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, un réfugié est une personne qui “craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays.” Un réfugié est certes aussi un exilé, mais ce dernier n’a pas forcément le statut de réfugié, lequel est accordé par un Etat. En France, environ 50% des Argentins exilés dans les années 1980 ne possédaient pas le statut de réfugié.

La diversité des parcours ayant conduit en France

Une autre question méritant éclaircissement est celle des parcours ayant conduit en France : dans quelle mesure les Argentins ont-ils suivi des chemins similaires ? Quels étaient les points de départ ? Sont-ils partis légalement ou clandestinement ? Elle nous ramène à notre réflexion précédente : il n’y a pas eu un exil en France, mais des exils très différents. Les exilés sont arrivés souvent par l’une des voies classiques de l’immigration, notamment comme simples touristes. D’autres ont bénéficié de l’aide d’organisations argentines (opposantes en général) qui oeuvraient clandestinement au départ de leurs membres. D’autres encore ont pu jouer sur leurs origines européennes - l’Argentine est un pays d’immigration-, ou sur leurs croyances religieuses pour trouver un accueil auprès d’une communauté donnée. Il convient de garder à l’esprit l’hétérogénéité des situations pour mieux comprendre ce qu’a pu être l’exil argentin en France dans les années 1970. A cette hétérogénéité des voies suivies pour arriver, s’est ajoutée une grande diversité des réseaux d’accueil ou des réseaux militants prenant en charge, lorsque cela a été le cas, les exilés en France. Là encore, il n’est pas possible de parler d’un réseau mais de plusieurs réseaux, aux actions et objectifs souvent très différents. Certains se sont consacrés à l’accueil, au sens strict, aidant les Argentins à trouver un hébergement ou un travail par exemple ; d’autres ont surtout contribué à diffuser de l’information sur la situation en Argentine de cette époque, à sensibiliser l’opinion publique et à organiser des actions militantes.

Par ce travail, nous souhaitons donc nous interroger sur l’expérience de l’exil ainsi que sur l’organisation de la solidarité en France dans les années 1970, tant dans le but de faire un travail de mémoire sur cette période que dans celui de tirer des leçons de ce qui s’est passé à l’époque.