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, La Corniche Bizerte, juillet 2007

La découverte d’un nouvel aquifère au Darfour fait naître l’espoir

Mots clefs : La responsabilité des autorités politiques à l'égard de la paix | Utilisation responsable et durable des sols | Exploitation durable et responsable de l'eau | Chercheurs pour la paix | Préserver l’environnement pour éviter le conflit | Soudan

Réf. : Lydia Polgreen, « New aquifer in Darfour raises hopes », the New York Times-Le Monde, 28 juillet 2007, p.1 et 4.

Langues : anglais

Type de document :  Périodique

L’annonce de la découverte d’un grand lac souterrain dans le nord du Darfour faite par des chercheurs de l’Université de Boston – dont le célèbre géologue égypto-américain Fouad El Baz - a été reçue avec enthousiasme et espoir car le Darfour n’est hélas rien d’autre qu’une terre nue, désolée et assoiffée, abreuvée de sang et mise en lambeaux par les guerres au cours des quatre dernières années. Cette découverte inespérée pourrait-elle la délivrer de ce conflit cataclysmique qui a fait 200 000 victimes et bouté hors de leurs demeures 2,5 millions de personnes ?

Cet espoir se fonde sur un argument avancé par un rapport des Nations Unies publié en juin 2007 et une opinion – due à la plume de Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU - parue sur le Washington Post et qui affirme que la dégradation de l’environnement et les symptômes du réchauffement planétaire sont à la base de la crise du Darfour.

Le rapport des N.U soutient qu’« il y a un lien particulièrement fort entre la dégradation du sol, la désertification et la guerre au Darfour ». Ce document note, qu’au cours de 80 dernières années, les précipitations ont diminué du tiers dans le nord Darfour et relève que « la croissance exponentielle de la population et le stress environnemental qui en découle ont créé les conditions pour l’apparition des conflits qui pouvaient être allumés et se poursuivre par des différences politiques, tribales ou ethniques » et ajoute que le Darfour « peut être considéré comme un exemple tragique d’un désastre social provoqué par l’effondrement écologique ».

L’idée qu’un meilleur approvisionnement en eau pourrait mettre un terme à la crise – grâce au forage d’un millier de puits alimentés par le lac souterrain - ne manque pas d’attrait. Mais comme l’histoire du Soudan n’est qu’une triste litanie de guerres civiles, de famines, de coups d’Etat et de despotisme, le scepticisme a de bonnes raisons pour se manifester.

Pour Alex de Waal, un savant qui a étudié l’impact des changements climatiques au Soudan et qui a été témoin de la famine qui a frappé ce pays en 1984-85 – famine qui est souvent considérée comme marquant le début de la crise écologique - « comme toutes les ressources, l’eau peut être source de bien ou de mal ; elle peut être une malédiction ou une bénédiction. Si le gouvernement agit vraiment pour créer des sortes d’oasis dans le désert et contrôler ceux qui s’y installent, on aura là une extension de la crise et non sa solution ».

Les sécheresses qui se sont abattues sur le Soudan dans les années 1980 et les migrations, ainsi que les autres changements sociaux qu’ils ont induits ont, sans doute aucun, joué un rôle dans le conflit en exacerbant la compétition pour l’eau et la terre entre les paysans – qui ne sont pas des Arabes - et les éleveurs - dont la plupart sont des Arabes. Mais une catastrophe environnementale ne peut se muer en cataclysme violent sans une main humaine puissante pour lui donner sa direction.

« Ces grands facteurs environnementaux, par eux-mêmes et en eux-mêmes, n’ont pas d’impacts » et ne peuvent être à l’origine d’un conflit selon de Waal. « La question est de savoir comment ils sont gérés » affirme-t-il.

En vérité, l’histoire enseigne que le lac récemment découvert peut tout aussi bien devenir une pomme de discorde qu’une solution pour l’arrêt des effusions de sang. Les gouvernements soudanais successifs et leurs précurseurs coloniaux ont adopté des politiques agricoles qui ont, presque sans coup férir, conduit à des conflits. Ils ont favorisé les grandes exploitations agricoles mécanisées et les systèmes complexes d’irrigation, contrôlés par le pouvoir ou ses alliés et ce, au détriment des petites exploitations pluviales qui forment la colonne vertébrale de l’économie rurale dans presque tout le pays.

Les gouvernements post-coloniaux – qui, à leur début, ont eu la bénédiction de la Banque Mondiale et du FMI - ont fait main basse sur de vastes étendues de terre au nom du développement agricole, transformant ainsi les paysans en ouvriers agricoles salariés de l’Etat ou de ses alliés, sur leurs propres sols.

Dans d’autres endroits - y compris dans certaines parties du Darfour - l’agriculture intensive mécanisée promue par le gouvernement et ses alliés - qui n’accordaient aucun intérêt à la protection des sols et de leur fertilité - a produit de grandes étendues vides et désolées. Pour un spécialiste du Soudan « le changement climatique et le manque de pluie sont bien moins importants que l’usage des sols préconisé par le gouvernement soudanais ainsi que par les politiques de développement de la BM et du FMI - politiques qui ont mis l’accent sur l’expansion de l’agriculture intensive, laquelle a véritablement ruiné les sols et rendu inutilisables de grandes superficies.»

Au cours de ces années, le gouvernement a exploité les tensions autour de l’eau et de la terre pour accomplir ses propres desseins et écraser une rébellion fomentée par des tribus non-arabes qui se sont soulevées pour réclamer une plus grande part du pouvoir et des richesses du Soudan, selon certains.

Le pétrole a certes joué un rôle à côté de celui du à l’agriculture intensive mécanisée et le rapport d’une ONG des droits humains note : « L’instabilité est à l’origine du conflit au Soudan et elle résulte des abus systématiques des élites économiques et politiques du Soudan central visant les pauvres (ou les gens récemment urbanisés).»

Dans cette analyse, au cœur du conflit du Darfour, comme de tous les conflits soudanais, il y a les élites qui ont contrôlé le Soudan et ses richesses au cours des 150 dernières années et les pauvres parmi les pauvres qui réclament des miettes.

Tant que cette équation n’est pas résolue, pour nombre d’analystes, les choses demeureront en l’état.

Commentaire

L’eau est une ressource entre les mains des hommes qui peuvent la manier en fonction des pouvoirs qu’ils détiennent et de leurs intérêts. C’est un truisme qui frise la banalité. A cet égard, c’est un bien éminemment politique… et, depuis la nuit des temps, les politiciens ne se gênent guère pour manier l’eau en fonction de la prochaine élection partout dans le monde et le Soudan ne saurait faire exception.

Il est cependant dommage que cette analyse ne replace pas le Soudan et la question de l’eau dans le cadre politique, stratégique et économique de la région dans son ensemble et des luttes d’influence et de géostratégie (Chine, Etats-Unis, Union Européenne, Russie, pays arabes…) qui se déroulent actuellement dans cette région particulièrement troublée du monde.

De même, l’article passe largement sous silence le rôle du colonialisme anglais dans cette dégradation des sols et des systèmes socio-économiques soudanais car les Anglais voulaient du coton pour les filatures de Manchester et ont largement encouragé cette monoculture… souvent à coups de fusil !

Il faut néanmoins espérer que la raison prédominera et que cette découverte d’un vaste lac souterrain dans ces terres gorgées de soleil et bien dégradées apportera enfin la paix et la prospérité.