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En librairie

Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Paris, septembre 2008

Formation à la Médiation dans les Balkans

Mise en place de formations à la médiation pour jeunes des différentes communautés qui peuplent les Balkans.

Mots clefs : Intervention civile de paix | Travailler la compréhension des conflits | Espaces de partage et de transfert d’expériences pour la paix | Conflit yougoslave | Guerre du Kosovo | Formation de médiateurs | Equipes de Paix dans les Balkans | Les Balkans | Kosovo

Après l’intervention de l’OTAN au Kosovo, le Conseil européen de la jeunesse (CEJ) a mis sur pied des formations à la médiation pour 30-35 jeunes (18 à 30 ans) issus des différentes communautés vivant dans cette région : serbes, croates, kosovars, roms, macédoniens, turques, askalies, monténégrins. Ces jeunes sont souvent des étudiants, pour beaucoup en psychologie ou en travail social. Des liens ont d’ailleurs été tissés avec l’université de Skopje (professeur Olga Skaric) et celle de Belgrade (Professeur Popadic)

Ce projet qui a eu cours de 2000 à 2003 à raison de 2 à 3 formations par an, a été initié par les jeunes eux mêmes. En effet, ce sont les jeunes avec lesquels le conseil européen de la jeunesse était en contact dans le cadre d’un réseau européen de jeunes médiateurs qui ont demandé ce programme au CEJ.

La première rencontre qui a eu lieu près d’Ohrid en république de Macédoine, quelques mois seulement après l’intervention de l’OTAN (mars 1999) a été particulièrement difficile à organiser. En effet, comment accepter de rencontrer l’autre, de vivre cinq jours de formation dans un même lieu, alors qu’une guerre vient d’avoir lieu, qu’elle vient de tuer des habitants de ma région, de mon village, de ma famille. Pendant près de trois jours, lors de la première session les délégations présentent refusèrent de se rencontrer, d’être dans une même salle. Le travail des formateurs a ici consisté à faire un travail avec chaque communauté permettant des mises en confiance. Progressivement grâce à des outils d’art thérapie (expression à travers le dessin, la peinture, le théâtre, la musique), ils ont pu exprimer sur le papier, jouer ce qu’ils avaient vécu, souvent l’innommable, l’indicible. Pour autant les relations restaient très factuelles. Vers la fin de la première session, des groupes multiculturels ont pu se constituer. Pour autant le besoin était avant tout de crier, crier sa douleur et pouvoir se sentir accueilli par une chaleur humaine et non plus être laissé seul dans ce chaos qui nous submerge et nous anéantit.

Toutes les médiations travaillées se sont appuyées sur des situations vécues par les participants eux mêmes. A chaque mise en situation, le stagiaire acceptait de revivre une situation douloureuse, une blessure, une violence qu’il avait vécue. Un autre participant acceptait alors d’être l’autre médian. Toutefois ce dernier même s’il n’avait pas vécu l’histoire, pouvait lui aussi se centrer sur une violence une blessure, un drame qu’il avait vécu. Beaucoup de ces médiations ont porté sur des vécus propres à leur communauté ou à leur vie. Citons par exemple les médiations qui ont pu avoir lieu sur la place des femmes dans la communauté Roms au Kosovo, les conflits générationnels…

Bien entendu, beaucoup de médiations ont pu avoir lieu sur le conflit lui même. Certains participants qui avaient perdu dans ce conflit des membres de leur famille ont pu crier leur souffrance, leur haine de l’autre ouvrant ainsi la porte à un travail de transformation.

Chaque session a pu avoir lieu grâce au soutien du Conseil européen de la jeunesse et du fonds européen pour les mesures de confiance. S’il s’est agi les deux premières années de former des médiateurs, la troisième année s’est axée davantage sur la formation de formateurs alors que la quatrième s’est centrée sur Mitrovica et le fossé creusé par la séparation de la ville en deux d’un côté les albanophones et de l’autre les serbophones.

Lors des formations de formateurs, il s’est agi de mettre les participants en situation. A chaque demi-journée, un participant anime la séance comme co-formateur. Le formateur n’était là que pour reprendre, approfondir l’animation de la formation réalisée par les jeunes.

Entre deux formations financées par le Conseil de l’Europe, les participants notamment serbes et macédoniens organisaient eux-mêmes leurs propres stages de formation marquant ainsi l’enthousiasme et le formidable espoir pour la paix qu’ont suscité ces formations.

Au total, cette douzaine de séminaires aura permis de former quelques 120 jeunes. Une petite dizaine a la capacité d’être formateur. Le réseau européen de jeunes médiateurs aujourd’hui, n’existe plus, mais des contacts interpersonnels continuent d’exister entre jeunes.

Un des grands acquis de ces formations est que les jeunes qui y ont participé peuvent les utiliser comme un outil dans le cadre de leur travail. Plusieurs jeunes psychologues nous ont dit utiliser l’approche de la médiation dans leur travail notamment avec des personnes en situation de précarité à Belgrade ou encore avec les populations Roms près de Skopje. En outre, EPB nous a aidés lors de l’organisation des sessions de formation et lors du recrutement des participants. Un membre du bureau d’EPB a de plus assuré les formations à la médiation durant ces quatre ans.

Commentaire

Ces formations, simples dans d’autres contextes, s’avèrent difficiles mais d’autant plus précieuses dans des contextes où le conflit est aussi latent. Elles permettent non-seulement de construire de compétences, mais aussi d’ouvrir le dialogue entre les communautés et d’abattre des barrières.