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Gaël Bordet, Paris, 2003

Médiation : négociation, transaction et compromis .

I. Définitions de la médiation

  • a. Sens commun : du latin « medius », au milieu de. « Entremise destinée à mettre d’accord, à réconcilier les parties » (« Le Robert »).

  • b. Sens philosophique : « dans une dialectique qui vise à donner une description complète du monde, chaque terme, sauf le premier et le dernier, est une médiation au sens d’action intermédiatrice entre un terme ou un être duquel on part, et un terme ou un être auquel on aboutit, cette action étant productrice du second, ou du moins condition de sa production. C’est la ’Vermittelung’ d’Hegel » (André Lalande, « Dictionnaire technique et critique de la philosophie ». PUF, Quadrige, 1997). Les sens suivants, s’ils partent de la philosophie hégelienne, prennent leur autonomie.

  • c. Sens politique et juridique : « La médiation se définit comme l’action de mettre en relation, par un tiers appelé « médiateur », deux personnes physiques ou morales, appelées « médiées », sur la base de règles et de moyens librement acceptés par elles, en vue soit de la prévention d’un différend ou de sa résolution, soit de l’établissement ou du rétablissement d’une relation sociale. » (Briant et Palau, « La médiation. Définitions, pratique et symbolique », Nathan université 128, 1999, p.12).

  • d. Sens sociologique : mise en interaction par un tiers (le médiateur), d’éléments distincts, voire opposés (valeurs, objectifs, vision du monde…), propres à deux acteurs ou à deux groupes sociaux, et cela sans nouer entre eux un lien fusionnel.

II. Commentaire critique.

En sociologie, les modalités de la médiation sont de trois ordres et il convient de bien les distinguer. Le plus généralement, ces trois types sont d’ailleurs concomitants, même si l’un d’entre eux prédomine.

  • La négociation : entente (toujours provisoire) entre les parties (sous forme de réciprocité) selon des critères déterminés, explicites et objectifs (règlements, coutume, code). S’y joue le calcul des intérêts pour un temps et dans un espace précis. Le tiers est un simple arbitre. Les objectifs qui motivent les acteurs sont à court terme et souvent connus : ils résident dans le seul calcul des intérêts. Ex : le simple calcul de la quantité d’eau allouée à chaque agriculteur d’une communauté villageoise.

  • La transaction : c’est une relation de réciprocité plus complète que la négociation avec, en quelque sorte, une valeur sociale ajoutée. Elle ne se réduit pas au calcul des intérêts entre les parties et introduit dans la relation, la question du sens et celle de la reconnaissance de l’interactant et de ses valeurs (c’est-à-dire, au sens sociologique, des objectifs à long terme et généralement implicites dans la relation). Les critères sont implicites tout autant qu’explicites et le tiers (contrairement à son rôle dans la négociation) n’est pas un simple arbitre, mais un médiateur qui est en mesure d’argumenter en fonction du sens des enjeux et des valeurs. Ex : l’organisation sociale dans une communauté villageoise homogène d’agriculteurs pour un usage de l’eau plus conforme aux traditions et reposant sur la coutume (exemples de valeurs : la fraternité, l’équité, etc.).

  • Le compromis : ce n’est plus simplement une relation de réciprocité, mais une médiation qui met en relation des positions diamétralement opposées et sans éléments de complémentarité entre elles. Cela va donc plus loin que la négociation et même que la transaction qui s’attachent aux rapports interpersonnels. Le compromis met en cause ce qui est au fondement des rapports sociaux et les traits culturels d’une société. En sociologie, le compromis concerne ainsi davantage les groupes communautaires qui ne partagent pas les mêmes valeurs, plutôt que des individus (ou alors ce sont des élites et des cadres intermédiaires). Ce qui est reste implicite dans la transaction, c’est-à-dire la vision du monde portée par chacune des parties, devient explicite dans le compromis et en constitue d’ailleurs l’élément mobilisateur. Les valeurs en elles-mêmes ne sauraient faire l’objet de négociations car, par nature, elles ne sont pas négociables. Ce qui fait l’objet du compromis, c’est le mode de coexistence de ces valeurs dans la société, c’est pourquoi un compromis est toujours précaire et provisoire. Si toutefois l’une des parties venait à faire des concessions sur ses valeurs, elle tomberait alors dans la « compromission ». Ex. recherche d’un mode de gestion de l’eau commun à différentes communautés villageoises d’agriculteurs qui n’ont ni les mêmes coutumes, ni les mêmes traditions et adoptent ainsi à l’égard de l’eau des pratiques distinctes.

Toutes ces modalités de la médiation sont des concepts relationnels car ils expriment une relation de réciprocité.

III. Pour aller plus loin.

  • Briant Vincent (de) et Palau Yves. « La médiation. Définitions, pratique et symbolique », Nathan université 128, 1999 (approche politique et juridique du concept de médiation).

  • Crespi, Franco. « Médiation symbolique et société », Librairie des Méridiens, bibliothèque de l’imaginaire, 1983 (histoire du concept, philosophique, religieuse et sociologique ; perspectives pour une compréhension de la dimension symbolique de la médiation).

  • Simmel, Georg. « Sociologie et épistémologie », PUF, 1981. (Recueil des études de Georg Simmel à travers lequel le sociologue de la médiation sociale présente sa théorie. La sociologie de la médiation se révèle d’une richesse et d’une complexité extraordinaires).