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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Paris, 2005

Sembradores de Paz

La démocratie en Amérique latine : moyen d’expression et de gestion politique des conflits actuels.

Existe-t-il véritablement en Amérique latine une gestion démocratique des conflits ? Comparaison de trois pays : Argentine, Costa Rica et Cuba

La démocratie est entendue ici au sens de démocratie « sociale » (1). En effet, nous considérons que dans un pays réellement démocratique, celle-ci ne se limite pas au plan politique mais s’étend également au domaine social.

Une fois cette précision apportée, nous partons du principe que l’une de ses fonctions est la gestion des conflits. La social-démocratie ne nie pas la réalité des conflits dans une société, mais elle considère que leur résolution devrait passer par le compromis, à l’image des règles qui gouvernent les relations entre deux pays démocratiques (2), et elle prône ainsi la mise en oeuvre de procédures de négociation entre les différents acteurs de la société.

Or les conflits d’aujourd’hui en Amérique latine sont de nature socio-économique. Il existe donc un lien entre la démocratie et les questions socio-économiques.

Les démocraties d’Amérique latine se caractérisent par leur faiblesse (ceci est à peu près incontesté de nos jours). Une faiblesse qui se traduit par un désenchantement social envers un système démocratique qui était censé :

  • Résoudre le problème de pauvreté.

  • Gérer un changement de régime politique (le passage pour certains pays d’un régime autoritaire à un régime démocratique).

  • Gérer un changement de développement économique (le passage du modèle de l’Etat centriste à l’économie de marché).

Dès lors, la question se pose de savoir s’il existe véritablement en Amérique latine une gestion démocratique des conflits. Si oui, qu’est ce qui entrave l’efficacité et la pleine réussite de la gestion par la démocratie des conflits dans cette région ?

Ce dossier propose une étude comparative de trois pays :

  • l’Argentine ;

  • le Costa Rica ;

  • Cuba.

Un rappel de l’histoire de chacun, indispensable à la compréhension de leur politique, constitue le point de départ de l’étude. Puis, seront décrites et analysées les transitions politiques des pays visés (Argentine : 1982-1983 ; Costa Rica : 1948 ; Cuba : 1959). Ces périodes de transition sont capitales car elles permettent de comprendre l’actualité des pays en cause et d’affirmer qu’il existe aujourd’hui une gestion démocratique des conflits.

En effet, si certains considèrent la démocratie en Amérique latine comme inconcevable et inapplicable, mon hypothèse est qu’au contraire il existe bien, au sein du continent latino-américain, des pays dotés d’un régime démocratique permettant non seulement l’expression sociale des conflits mais aussi la gestion politique de ces derniers. Et de la même manière que, selon Arnaud Blin, les démocraties ne se font pas la guerre entre elles, je considère que le système démocratique permet la gestion pacifique des conflits internes (3).

Si de nos jours la situation reste imparfaite, il s’agit moins d’une inefficacité intrinsèque de la démocratie que d’un problème d’articulation des priorités dans la gestion des conflits.

Pourquoi choisir de comparer ces trois pays en particulier ?

Le cas de l’Argentine est emblématique et suscite à la fois admiration et scepticisme : riche et cultivée, l’Argentine donne souvent l’impression de ne pas avoir su profiter de son énorme potentiel. Fortement marquée par l’influence européenne, l’Argentine nous est proche, elle nous ressemble. Mais elle a souffert, meurtrie par dix années de plomb qui marquèrent à jamais son histoire politique, sociale et économique. La transition démocratique de ce pays est directement liée au passé militaire qu’il a enduré et c’est tout l’intérêt de son étude. Enfin, des raisons plus personnelles ont guidé ce choix, car ayant moi-même vécu six années à Buenos-Aires, j’ai ressenti le besoin de comprendre une actualité souvent bouillonante. Ce dossier met l’accent sur l’opposition entre les militaires et la société civile. En effet, malgré d’incontestables relations de complicité entre les militaires et une partie de la population (tout du moins au début) ou entre les militaires et l’Eglise, il est ici principalement fait état de la souffrance de la société civile du fait des disparitions et tortures imputables aux militaires.

Quant au Costa Rica, il s’agit d’un pays à part : marqué par sa tradition démocratique, sa culture de la Paix, il se différencie des autres pays d’Amérique latine. Il est intéressant à étudier puisque ses choix politiques se sont souvent démarqués des autres. Ils l’ont conduit à échapper à la violence et à l’autoritarisme qui touchaient le reste du continent, notamment dans les années 1970-1980, décennie du règne des dictateurs. Et lorsque dans les années 1980 souffle un vent de démocratisation en Amérique latine, le Costa Rica, représenté par son président Oscar Arias (4), a joué un rôle déterminant dans la pacification et la conduite du processus de démocratisation incarné par le Traité Esquipulas. Le Costa Rica constitue donc une sorte de modèle à suivre. Pourtant, son étude m’a permis de découvrir une réalité plus complexe que le tableau idyllique souvent dépeint à son sujet. Dans ce dossier j’ai donc choisi de retenir le thèse de la « neutralisation » des classes pour deux raisons : tout d’abord parce qu’elle permet de démontrer que l’« oasis démocratique », dont on parle souvent pour décrire le Costa Rica, n’est pas sans faille, mais aussi car l’ensemble des sources auxquelles j’ai eu accès expliquaient la consolidation de la démocratie par cette théorie.

Enfin, Cuba, symbole même de la dictature… Pourquoi le modèle démocratique n’a pas réussi à triompher dans cette île ? Comment Fidel Castro est-il parvenu à s’imposer comme le plus ancien des dictateurs encore en vie et au pouvoir ? Pourquoi les Cubains n’ont pas eu le choix de la démocratie ? L’exception dictatoriale de l’île me semble particulièrement intéressante à étudier comme contre-exemple du processus de démocratisation suivi par les deux autres pays précités. Ce dossier abordant Cuba comme contre-exemple, met d’avantage l’accent sur les handicaps d’un régime peu respectueux des libertés individuelles que sur les réussites du système, en matière de santé et d’éducation notamment.

Après un rappel de l’histoire des trois pays, allant de leur indépendance à leur transition politique (I), l’étude portera sur l’analyse de ces transitions démocratiques (II). Cette analyse doit permettre de mieux appréhender la situation actuelle des uns et des autres ; une situation dont le bilan sera dressé afin de pouvoir conclure si oui ou non, il existe aujourd’hui une gestion démocratique des conflits en présence (III).

En conclusion je vous montrerai que le régime démocratique, en Argentine et au Costa Rica, a effectivement permis l’expression des conflits et leur gestion politique, tandis que l’absence de démocratie à Cuba, empêche encore à ce jour les conflits de s’exprimer et donc d’être gérés par la voir politique.

Autrement dit, la démocratie en tant que système politique permet une expression et une gestion démocratique des conflits y compris en Amérique latine.

Notes :

  • (1) : La « social-démocratie » : notion allemande ; politique qui part du pluralisme social et qui défend la « modération » politique.

  • (2) : Arnaud Blin, Géopolitique de la paix démocratique, Ed. Descartes et Cie, Paris, 2001, p.144.

  • (3) : Arnaud Blin, Géopolitique de la paix démocratique, Ed. Descartes et Cie, Paris, 2001, p.19.

  • (4) : Prix Nobel de la Paix en 1987.

Auteur du dossier :

Nathalie Delcamp

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