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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Fiche d’analyse

, France, juin 2015

Cameroun : Boko Haram, la guerre des autres ?

C’est la toute première fois, que la majorité des Camerounais connaît, à l’intérieur des frontières nationales, les affres de la guerre les origines de celle-ci. Mais la construction de la paix a un prix qu’il faut consentir, et cet effort de guerre, considérable, doit être d’abord africain, dans toutes ses implications.

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Les dernières résolutions du Conseil National de la Communication (CNC), comportent un certain nombre de mesures disciplinaires à l’encontre de quelques organes de presse. Les motifs des mesures suspensives d’antenne visant également certains journalistes, tiennent aux modalités de production et de diffusion d’une information douteuse, ne s’inscrivant pas dans les codes déontologique et éthique en vigueur. Il y a en particulier, l’appréhension, dans une lecture à géométrie variable, des présupposés de la guerre menée contre Boko Haram. La responsabilité de ces médias serait à situer, notamment, dans la prolifération dans l’opinion, de graves accusations portées contre certaines puissances étrangères (la France, et accessoirement les États-Unis), véritables commanditaires de cette rébellion armée, dont il faut bien admettre l’abomination des actes. Ces épanchements d’une presse adepte de sensationnalisme, sont très loin de susciter les conditions d’un débat de fond, engageant à la fois responsables politiques et société civile.

La guerre de trop

Il n’est guère aisé d’analyser, dans le chaudron de l’actualité, les trajectoires de la perception de la guerre contre Boko Haram, du point de vue des pouvoirs publics, et de celui d’une opinion tiraillée et malmenée, par de pseudo-analyses d’experts « conspirationnistes », en manque d’inspiration. Le déni, et une propension au procès en sorcellerie : voilà ce qui se dégage à priori, desdites prises de position.

Les pesanteurs générales du système sociopolitique local, alliées aux multiples « complications » du quotidien des Camerounais, imposent en effet, de s’ajuster en permanence aux contraintes de survie qui ne laissent personne indifférent. Cette guerre est à cet égard, la guerre de trop. Les problèmes de cette bien nommée région de l’extrême-nord, semblent loin des préoccupations immédiates d’une grande partie des Camerounais. Chacun y va, ainsi, de son endossement des causes et origines de la guerre. Il est vrai que c’est la toute première fois, que la majorité des Camerounais connaît, à l’intérieur des frontières nationales, les affres de la guerre, plus de 85% de la population ayant moins de 45 ans, et n’ayant pas été directement confrontés aux violences de la lutte armée anticoloniale.

Le simplisme des indexations est éloquent : Boko Haram serait le bras armé du complot d’une frange d’hommes politiques du nord, visant à arracher le pouvoir au Président Paul Biya, originaire du sud, dont la longévité à la tête de l’État (32 ans) aiguise les appétits de tous ceux qui sont déjà engagés dans la dynamique d’une succession présidentielle ; les pays occidentaux verraient d’un bon œil, que le Nigeria, première puissance économique du continent, pâtisse des effets de cette guerre qu’ils ont suscitée afin d’en retarder l’émergence définitive ; la guerre serait exclusivement une guerre religieuse nigériane, sans interaction avec les lignes de fond d’un pourrissement lent au Cameroun, qui situe pourtant les responsabilités à l’échelle politique, les responsables politiques n’ayant guère pris en compte les nombreuses alertes survenues, du battement de cœur du pays réel.

L’inconsistance de ces approches nie également, la responsabilité des composantes de la société civile, de ses compromissions, de ses nombreuses paresses et volontaires omissions.

Qui veut la paix prépare la guerre

La guerre contre Boko Haram n’est pas achevée, bien que des opérations militaires conjointes, aient contenu les velléités de cet acteur historique de nuisance, qui a poussé sur le terreau favorable de la misère, de la pauvreté et du désenchantement. L’avertissement est à la hauteur des drames que provoque cette tragédie, les mêmes causes induisant les mêmes effets. Cette guerre qui doit se gagner aussi, sur le plan des manières de penser et d’agir, crée des obligations qui s’apprécient d’un double point de vue.

Il y a en premier lieu; la nécessité d’un leadership opérant, tant au niveau national que sous-régional. Les responsabilités politiques sont criardes, dans la faiblesse d’analyse et de projection qui caractérise la vision des problématiques sécuritaires, dans un pays et une sous-région durement éprouvés par les différentes formes d’insécurité préexistantes. Des efforts sont toutefois entrepris, comme le montrent la tenue des derniers sommets s’y rapportant, et le commencement de mise en œuvre des résolutions qui y ont été prises. Le temps de réaction, de mobilisation des ressources, de leur adaptation aux besoins immédiats est cependant lent, beaucoup trop lent, les populations subissant durement, les contrecoups de la terreur de ces groupes armés. Parce que la construction de la paix a un prix qu’il faut consentir, et que cet effort de guerre, considérable, doit être d’abord africain, dans toutes ses implications. Il remet en cause, les crispations d’un souverainisme exacerbé et abscons, que rien ne peut justifier, au regard des conséquences encourues par la perclusion de volontarisme qu’il produit, au niveau des décideurs politiques.

Le second volet d’implication concerne l’ensemble des autres acteurs sociopolitiques. La construction de la paix ne procède pas de manière exclusive, des volontés des politiques. Les différentes composantes de la société civile y ont une part de responsabilité, dans l’élaboration et la consolidation du Pacte républicain et social, socle de l’État de droit. La lutte contre la pauvreté et la misère, sous toutes leur formes, doit être au cœur des actions du développement. Boko Haram a recruté un certain nombre de jeunes gens désocialisés, dans son champ d’action du nord-est du Nigeria et dans les pays frontaliers. Il faut en déterminer les raisons profondes, dans un contexte de sous-développement infrastructurel, de chômage et de repli identitaire. Ces bombes humaines en rupture sociale, interrogent, sur la distension des liens sociaux. L’interrogation est également persistante, quant aux parcours de ces jeunes gens, probablement affiliés à d’autres organisations terroristes, et à l’éventualité de leur retour dans la sous-région. Les corps sociaux médians ont donc un rôle à jouer, dans l’inventivité quotidienne de responsabilité et d’innovation, qui n’est pas, nous le répétons, l’exclusif monopole des autorités étatiques.

L’articulation de cette double dimension de responsabilité, est le point d’ancrage des deux faces d’une même pièce de monnaie : la paix durable et le développement durable.

Notes