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En librairie

Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Bruxelles, février 2005

Les médias indépendants dans la guerre

Les médias « citoyens » ont un rôle déterminant pour rapprocher les parties aux conflits et aider à sortir d’une situation de crise.

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Le rôle des médias

En zone de conflit, les médias ne sont jamais neutres : raconter la guerre, c’est déjà interférer avec son déroulement. Quand les médias sont aux ordres, alors ce sont des outils de propagande qui aggravent les tensions et renforcent la vision de l’autre comme ennemi. Images d’archives, fausses informations, manipulations et faits choisis construisent un discours qui légitime le choix de faire la guerre. L’existence de médias indépendants est donc cruciale : dès le début du conflit en ex-Yougoslavie, Tadeusz Mazowiecki, rapporteur spécial de la commission des droits de l’homme des Nations Unies avait jugé indispensable l’existence de tels médias en Serbie, Bosnie et Croatie pour contrecarrer les appels bellicistes des médias ultra-nationalistes.

Un média pour éduquer contre les préjugés et affronter ses responsabilités

Les médias ont un rôle à jouer pour sortir de l’enfermement des individus dans des stéréotypes forgés dans le conflit et pour le conflit, stéréotype ethnique ou religieux. L’information que l’on va chercher ailleurs peut lutter contre la méconnaissance de l’autre, contre la peur.

Ils ont un rôle à jouer pour rendre compte des limites de la grille de lecture agresseur/agressé. Chacun des groupes en conflit se sent en situation d’agressé, ce qui dédouane les dirigeants politiques de toute responsabilité. Ainsi dans certains cas l’agression est niée, minimisée, indûment justifiée par celui qui la commet, ce qui laisse dans l’ombre des médias les victimes de l’agression. A l’inverse, dans d’autre cas, elle est démesurément grossie pour renforcer la position du groupe victime… Pour sortir de ce déterminisme, les médias peuvent aider à ce que chacun s’interroge sur sa propre responsabilité ou sur la responsabilité du groupe dans lequel il se retrouve. Ils peuvent aider à percevoir l’autre aussi comme victime, à travers les injustices que l’autre a subies.

Ce retournement d’attitude entre la posture de la victime et celle d’une responsabilité partagée, c’est la possibilité pour celui qui l’accepte de devenir un « acteur de paix » au sein de son propre groupe, de peser dans les choix à venir.

Un média pour informer

Les rumeurs, tout particulièrement en période de conflit font des ravages. La vérifier, la démentir si elle est fausse et donner tout le crédit possible pour l’empêcher de se propager, la présenter avec toutes les précautions utiles si aucune certitude est possible… la confirmer si elle est vraie sont des règles indispensables à respecter. Les médias devront être un observateur vigilant en particulier des violations des droits humains et être attentifs aux signes d’escalade ou de réconciliation. Utiliser les mots les plus adaptés, les plus précis pour caractériser les faits et démêler les faits des opinions sont aussi parmi les priorités de l’information en temps de guerre. Victime des exactions de l’autre groupe, de l’ennemi, mais aussi, de ceux qui portent des armes et qui en usent, quels qu’ils soient, victimes du pouvoir autoritaire ou totalitaire, victimes de la situation économique provoquée par la guerre… l’information peut aider à passer du statut de victime au statut de citoyen en faisant part d’expériences de ceux qui font face, en portant à la connaissance de chacun leur droit.

Un média ouvert au débat politique

Les forces influentes dans un conflit, groupes armées, groupes politisées, mouvement religieux… ont besoin des médias. En dehors des cas extrêmes de pratiques génocidaires, un média indépendant peut en leur donnant la parole favoriser la démocratie : si le journaliste sait leur demander des explications, si les auditeurs peuvent donner leur point de vue, cela peut désacraliser les chefs de guerre et favoriser la citoyenneté. L’exercice est, il est vrai, délicat. Le débat contradictoire entre des responsables du conflit permet l’expression de leurs ressentiments, de leurs opinions, de leurs perspectives politiques. Les divergences, mais aussi les points communs seront alors plus clairs et les compléments que doit apporter le journaliste permettront de mieux comprendre les enjeux. Le public sera d’une certaine manière associée par la transparence d’un débat à une forme de négociation.

Caisse de résonance et lieu de parole

Un média indépendant peut faire écho des souhaits en faveur de la paix, souhaits souvent silencieux de la société civile : interview de personnes engagées, reportage sur une manifestation spontanée pour la paix… prendront une dimension importante si les habitants partagent cette même volonté… Il pourra mettre en valeur des initiatives de dialogue, de négociation ainsi que des actions concrètes rapprochant les groupes en conflit et vécues par les habitants entre eux. Le journaliste peut favoriser la parole de ceux qui n’osent pas exprimer leur souffrance, parce que leur bourreau est trop près ou trop fort : des paysans vont dénoncer des rançonnages aux check-point, des femmes vont révéler l’existence d’un camp de travail forcé…

Un média pour favoriser les points communs et les retrouvailles

Un « média citoyen » en temps de guerre à une mission à l’opposé des médias qui font peur : redonner confiance. Les groupes qui s’affrontent ont souvent des points d’accord que le journaliste peut mettre en évidence. Ils rencontrent des difficultés communes et sont affectés par les mêmes souffrances. Ils partagent aussi parfois des intérêts mutuels ou complémentaires, des habitudes semblables, des goûts communs… Tout cela peut être mis en avant. Les médias peuvent aussi aider à rapprocher les populations déparées, les familles divisés, ils peuvent servir à la transmission de nouvelle et aider à retrouver la trace des personnes disparues…

Les médias indépendants ont une fonction spécifique dans la transformation et l’évolution des sociétés en guerre: ils touchent aussi bien le public que les dirigeants. Ils peuvent favoriser la réflexion politique du haut vers le bas, mais aussi du bas vers le haut en donnant la possibilité à chacun de s’exprimer. Ils nécessitent des financements à la hauteur des enjeux et des choix technologiques adaptés aux situations rencontrées.

Notes

www.sfcg.org/programmes/cgp/cgp_radiopeace.html