Cyril Musila, Paris, mai 2003
Défis de l’application des accords de paix d’Arusha au Burundi
Les solutions théoriques aux causes profondes de la guerre civile parviendront-elles à trouver des mécanismes pratiques rassurants pour leur application ?
Le Burundi connaît des périodes de violences destructrices depuis l’époque de l’indépendance. Cela s’est notamment produit en 1965, 1972, 1988, 1993. Des assassinats politiques, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et le génocide ont émaillé l’histoire du pays, sur fond d’exclusions diverses.
Mais un accord de paix et de réconciliation a été signé en août 1998 à Arusha en Tanzanie, suite à d’âpres négociations et de fortes pressions internationales, avec Nelson Mandela en médiateur, sans la conclusion d’un cessez-le-feu et avec des réserves sur les points essentiels de la part des partis d’obédience tutsi. C’est néanmoins une base solide et incontournable pour résoudre la crise burundaise, malgré les lacunes évidentes. Bien qu’il ait permis que des tabous importants tombent, ayant été librement discutés et traités, son application a mis trois ans à démarrer (novembre 2001) après une période de fortes tensions et diverses manœuvres d’obstruction de part et d’autre.
La difficulté majeure à l’exécution de cet accord est que les solutions théoriques aux causes profondes à la base de la guerre civile ne trouvent pas de mécanismes pratiques rassurants pour leur application. Les questions primordiales de l’exclusion, des droits de l’homme et de démocratie sont bloquées à cause du lourd contentieux de violences sanglantes entre Burundais. L’impunité qui s’est installée entretient la peur et la méfiance qui créent un blocage psychologique entre les membres de deux principales ethnies (hutu et tutsi) qui se développent ainsi un double langage, de l’hypocrisie et le mensonge pour défendre les intérêts sectaires de chaque camp. La confiance fait ainsi défaut.
Par ailleurs, la signature de cet accord et la mise en place des institutions de transition sans cessez-le-feu est une faiblesse exploitée par les groupes armés pour discréditer et affaiblir les parties prenantes de cet accord. Ces dernières sont soupçonnées de s’être entendues pour partager les postes de responsabilités sans résoudre les problèmes fondamentaux de la guerre et de l’aggravation de la crise.
Le problème de la justice en période de transition est donc étroitement lié à ceux de la protection des droits de l’homme, de la démocratie, de la détention du pouvoir réel mais aussi des problèmes des conditions socio-économiques précaires auxquelles la société est exposée.