Fiche de défi Dossier : L’intervention Civile de Paix

Paris, 2006

Européanisation de la campagne du MAN « Israël-Palestine : pour une force internationale d’intervention civile »

Le MAN mène sa campagne sur deux fronts: au niveau national en France et au niveau européen avec l’aide de ses partenaires, une dimension stratégique indispensable

Mots clefs : Théorie de la non-violence | Résistance civile et pacifique à la guerre | Conflit israélo-palestinien | Intervention étrangère pour la paix | Campagne médiatique | Groupe de résistance non-violente | ONG et Fondations internationales | Organisations et acteurs politiques locaux non gouvernementaux | Armée nationale | Organisation des Etats Américains | Organisation non-violente | Nonviolent Peaceforce | Mouvement pour une alternative non violente (MAN) | Gérer des conflits | Elaborer une culture de la tolérance et de la négociation pour gérer des conflits | Favoriser l'intervention d'un tiers pour sauver la paix | S'opposer de façon non-violente à la guerre | Imposer une intervention étrangère pour faire respecter le droit | Palestine | Israël | Proche Orient

En mars 2004, le MAN (Mouvement pour une Alternative Non-violente) accompagné de partenaires français, israéliens et palestiniens a pris l’initiative d’une campagne intitulée « La violence n’est pas une solution ! Israël-Palestine : pour une force internationale d’intervention civile » . Cette force serait composée de volontaires internationaux sans armes, ayant reçu une formation à la résolution non-violente des conflits, qui auraient pour mission de mener, au sein des populations civiles, des actions d’observation, d’interposition et de médiation de proximité, afin de permettre aux acteurs de paix palestiniens et israéliens de se réapproprier les enjeux du conflit aujourd’hui confisqués par la logique de la violence et de créer les conditions d’une résolution politique du conflit acceptable par les deux parties en présence.

Sous forme d’un dépliant et de cartes-pétition, cette campagne a été diffusée en France à plus de 20000 personnes. Des démarches politiques ont de même été entreprises auprès des partis politiques, députés, ministère des Affaires Etrangères.

Afin d’effectuer une pression plus forte sur l’Union Européenne et donner plus de poids à cette campagne, le MAN a choisi de travailler en partenariat avec des associations et réseaux européens et mondiaux. Avec eux, une stratégie de lobbying a été mise en place pour sensibiliser et inciter les institutions de l’Union Européenne (Parlement Européen, Commission Européenne, Conseil Européen) à réaliser une étude de faisabilité sur l’envoi d’une force internationale d’intervention civile au Proche-Orient.

I. Partenariats européens et mondiaux

1) Nonviolent Peaceforce

  • Nonviolent Peaceforce est une ONG internationale qui a pour objet la mise en place d’une force de paix internationale, non-violente et formée. Cette structure est opérationnelle depuis 2002.

  • Les quatre objectifs de Nonviolent Peaceforce sont :

    • Travailler avec les organisations d’intervention civile de paix afin de développer la théorie et la mise en pratique d’une tierce partie non-violente ;

    • Augmenter de façon importante le vivier de personnes formées et disponibles pour une intervention civile de paix ;

    • Construire d’ici 2010 la base nécessaire pour la création et le maintien d’une force permanente d’au moins 2000 membres actifs, 4000 « réservistes » et 5000 personnes-soutiens ;

    • Envoyer des équipes d’intervention civile de paix non-violente dans des situations de conflits. Actuellement, des volontaires sont envoyés au Sri Lanka.

  • Nonviolent Peaceforce a été soutenue par sept Prix Nobel de la paix et est dirigé par un conseil exécutif international formé de 15 membres provenant de 11 pays. L’organisation est enregistrée en Belgique en tant qu’organisation internationale à but non-lucratif et est soutenue par 94 organisations membres dans 44 pays.

  • Avec des bureaux en Belgique, Etats-Unis, Equateur, Inde et au Sri Lanka, Nonviolent Peaceforce a aussi des représentants au Guatemala, Allemagne, Roumanie, Japon, Corée, Canada, Australie et en Grande-Bretagne.

  • Le MAN est membre de cette structure et est en lien directement avec les salariés du bureau européen.

  • Depuis 2002, Nonviolent Peaceforce étudie la possibilité de l’envoi d’une force non-violente de paix en Israël-Palestine. Une étude approfondie a été menée par une de leur consultante. La première étape est aujourd’hui la création d’un poste de coordinateur régional, qui aura pour mission d’étudier plus en profondeur l’envoi d’une force d’intervention civile, en lien avec les autorités locales et acteurs de paix locaux.

2) European Network for Civil Peace Services: EN.CPS

  • Créé à la Haye en 1999, EN.CPS est un réseau européen d’ONG avec comme objectif commun la promotion des services civils de paix, en tant qu’instrument de résolution non-violente des conflits, au niveau national ainsi qu’européen. Il a été décidé qu’EN.CPS serait un réseau informel permettant le partage d’information entre ses membres.

Objectifs de l’EN.CPS :

  • Construire une alternative forte, indépendante et impartiale pour la transformation non-violente des conflits

  • Participer aux discussions sur la prévention des conflits et la gestion des crises de l’Union Européenne, notamment par la création d’un corps civil de paix européen.

  • Influencer la politique européenne, par la participation d’EN.CPS à EPLO (European Peacebuilding Liaison Office – Bureau européen de liaison sur la construction de la paix)

  • Promouvoir le service civil de paix au niveau international

  • Soutenir le développement et les activités de Nonviolent Peaceforce, dont EN.CPS est membre.

  • La coopération multinationale des organisations permet un échange en terme de recherche, communication, lobbying (national et auprès des institutions européennes), campagnes, ainsi que le recrutement, la formation, et l’envoi de volontaires civils formés. Des projets communs sont en cours (envoi de volontaires, formation, campagnes…).

  • Ce réseau est géré par un coordinateur bénévole. Celui-ci est choisi chaque année lors de la rencontre annuelle, organisée par une des organisations membres dans son pays.

3) Autres partenariats

  • Lancement de la campagne en Italie : coordination d’associations italiennes

    • Suite à l’appel à partenariat européen lancé par le MAN dans cette campagne, une coordination d’ONG italiennes a été créé avec pour but le lancement de cette même campagne en Italie. En mai 2005, 30 organisations lançaient officiellement la campagne. La coordination regroupe notamment le Centro Studi Sereno Regis de Turin et le Movimento Nonviolento.

  • Autres soutiens : via le Forum Social Mondial de Porto Allegre

    • Lors de leur rencontre à Porto Allegre, plusieurs organisations européennes et du Moyen-Orient ont décidé de joindre leurs efforts sur plusieurs campagnes non-violentes. Parmi les projets communs proposés figuraient la campagne pour une force internationale d’intervention civile au Proche-Orient, ainsi que la formation d’acteurs de paix locaux irakiens et palestiniens.

  • Un groupe de travail sur ces 2 derniers projets s’est créé rassemblant le MAN, NOVA (Espagne, Catalogne) et Un ponte perCentro Gandhi (Italie).

II. Perspectives à la campagne

1) Promotion auprès des institutions européennes

  • Afin d’obtenir le soutien politique des institutions européennes et parvenir ainsi au déploiement de la force demandée, il s’agit dans un premier temps de faire une étude de faisabilité et de la leur soumettre. Cette étude pourra être menée en partenariat avec nos partenaires locaux, européens et les organisations internationales, qui organisent déjà des missions d’intervention civiles en Israël et en Palestine. Il est important de prendre en compte et de suivre le développement de l’Union Européenne en terme de gestion civile des crises. EPLO (European Peacebuilding Liaison Office), à Bruxelles, et dont est membre Nonviolent Peaceforce et EN.CPS, fait un travail important de présence auprès des institutions européennes sur ce domaine.

  • Par ailleurs, il est important que des sociétés civiles d’autres pays rejoignent la France et l’Italie dans la promotion de cette initiative auprès de leurs gouvernements et représentants à l’Union Européenne. Afin d’obtenir une adhésion des pouvoirs politiques, notamment européens, à ce projet, une forte mobilisation des citoyens européens en sa faveur est primordiale. Une présence lors du Forum Social Méditerranéen serait à ce titre justifiée.

2) Soutien à Nonviolent Peaceforce

  • Dans l’optique de voir cette force prise en charge et mandatée par une institution européenne, il nous semble envisageable de voir dans un premier temps des volontaires envoyés en grand nombre par une organisation de la société civile, telle Nonviolent Peaceforce. Nous joignons donc nos efforts aux leurs, afin de créer un poste de coordinateur régional et envisager l’envoi de premiers volontaires.

  • Nonviolent Peaceforce souhaite intégrer dans son analyse et plan d’action l’ensemble de la région du Proche-Orient, incluant la Jordanie, la Syrie et le Liban, et ne pas se cantonner à Israël et Palestine uniquement. Cette prise en compte régionale du conflit est importante pour une meilleure compréhension de la dimension géopolitique liée au conflit.

3) Actions de formation

  • Parallèlement aux démarches pour obtenir l’envoi d’une force d’intervention civile, par nos institutions et par Nonviolent Peaceforce, la société civile palestinienne et israélienne doit être renforcée. Cela passe notamment par des actions de formation à la non-violence auprès d’acteurs de paix et formateurs locaux.

  • De telles formations ont déjà été mises en place auprès d’acteurs de paix irakiens, et doivent se poursuivre auprès de Palestiniens. Une coopération entre partenaires catalans, italiens et français a ainsi été mise en place, avec le soutien des pouvoirs publics catalans.

La constitution d’une telle force d’intervention civile serait plus importante en nombre que les projets déjà mis en œuvre par des organisations telles que les Christian Peacemaker Team ou la Présence Temporaire Internationale à Hébron : une centaine de volontaires internationaux déployés sur les deux territoires. La mise en place de cette force doit donc s’exécuter dans le cadre d’une coopération étroite avec une autorité comme l’Union Européenne qui cherche à sortir de l’option militaire comme unique solution de gestion des crises internationales. Cette autorité permettrait également de délivrer un mandat qui offrirait à l’intervention une caution institutionnelle plus forte.

Le MAN en tant qu’organisation française ne peut, seule, mener ce travail indispensable de lobbying auprès des acteurs communautaires. C’est donc avec l’aide de ses partenaires européens, des réseaux auxquels elle participe que l’idée d’une intervention civile sous égide européenne en Israël-Palestine doit être promue et défendue.

Ensuite, au-delà de la constitution de cette force, la formation des volontaires doit également être appréhendée à un niveau européen, par l’intermédiaire de ces mêmes partenaires européens, et en France, du Comité ICP (Comité français pour l’intervention civile de paix). La stratégie d’européanisation de la campagne répond donc à des exigences institutionnelles d’une part et de recrutement-formation d’autre part.

En l’état actuel des choses, il faut considérer deux hypothèses de réalisation de ce projet. L’ « hypothèse haute » c’est-à-dire le déploiement de centaines de volontaires internationaux sur les deux territoires avec le mandat politique d’une instance intergouvernementale ; et l’ « hypothèse basse » qui pourrait être d’abord le déploiement d’une force d’intervention sur le seul territoire palestinien. Les conditions politiques ne sont pour l’instant pas réalisées pour envisager l’ « hypothèse haute » . Cependant, une première expérimentation pourrait être le fait d’une organisation non gouvernementale comme Nonviolent Peaceforce. Ce qui serait essentiel, c’est le positionnement éthique, politique et stratégique de cette force d’intervention qui afficherait clairement sa volonté d‘être une force de médiation entre les deux parties en présence, et non pas une force de soutien à une seule d’entre elles. L’articulation des niveaux national et européen apparaît donc aujourd’hui comme essentielle à la promotion d’une alternative non-violente à la résolution des conflits.

Que l’envoi d’une telle force se fasse avec le mandat d’une organisation intergouvernementale ou non-gouvernementale, le premier objectif à atteindre est d’organiser un programme de formation à la résolution non-violente des conflits qui permette à des volontaires de se préparer dans les meilleures conditions à participer à des missions civiles de paix, ce que le MAN a entrepris au niveau national avec le Comité ICP et au niveau européen avec ses partenaires des réseaux Nonviolent Peaceforce et EN.CPS.