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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Paris, décembre 2007

Entretien avec un Responsable du CBAC

Le CBAC - Capacity Building and Assessment Center - est une association chinoise indépendante.

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C’est dans l’idée qu’une société civile forte est la meilleure arme pour l’avènement de la démocratie et la lutte contre la pauvreté que PACT a été créée en 1971.

Cette ONG américaine a pour objectif de renforcer les compétences des organisations relevant de la société civile, avec pour mot d’ordre : « Building capacity worldwide ».

PACT est présente en Chine depuis 2001 pour soutenir les organisations locales dans le développement de leurs compétences pour accroître leur efficacité et l’affirmation d’une plus grande indépendance.

« En occident, les religions encouragent la charité. En Chine, la révolution culturelle a tout détruit, jusqu’à la conception même de l’homme dans la société ».

En 2005, PACT-Chine est devenue une association chinoise indépendante, le Capacity Building and Assessment Center, CBAC. En octobre 2007, un responsable de CBAC a partagé avec nous sa vision de la société civile chinoise et ses espoirs quant à son développement.

  • Pouvez-vous nous présenter les objectifs et activités de CBAC ?

L’objectif de CBAC est d’établir, par un lien entre les communautés, les entreprises et le gouvernement, une société civile en Chine où les citoyens ont librement accès à l’information, participent aux décisions qui les concernent et jouissent de chances égales pour réaliser leurs rêves. Pour cela nous offrons des formations sur la gestion des associations, nous les aidons à se connaitre, à découvrir leurs forces et leurs faiblesses et à se développer.

Les ONG internationales ont beaucoup d’expérience, elles ont leur propre philosophie, des objectifs et une stratégie claires. Les associations chinoises quant à elles sont encore des enfants, réfléchissant à comment grandir. Elles arrivent chez nous avec en tête l’objectif premier de diversifier ou tout simplement trouver des sources de financement. Elles ont besoin d’argent pour leurs activités. Nous leur expliquons qu’avant cela, il faut d’abord qu’elles développent leur vision, c’est à dire la façon dont elles envisagent de répondre aux problèmes d’inégalités à l’origine de leur création. Puis nous leur inculquons les principes de bonne gouvernance, et de mise en place de leurs activités.

  • Quel est le statut légal de CBAC ?

Quand CBAC a été créé, nous avons essayé de nous enregistrer en tant qu’organisation sociale, mais faute de « belle-mère », d’unité professionnelle de référence (agence gouvernementale qui chapeaute les associations enregistrées en Chine), nous n’avons pas pu nous enregistrer légalement. Nous avons donc opté, en mars 2005, pour un enregistrement commercial, comme une entreprise. Beaucoup d’associations font cela en Chine. Mais ça nous met dans des situations compliquées, surtout au niveau financier ! Nous avons du mal effectuer notre comptabilité selon les standards des ONG. Chaque fois, nous devons remettre un rapport financier au bureau des taxes et c’est un vrai casse-tête car notre comptabilité n’est évidemment pas la même que celle d’une entreprise. Et puis les gens qui nous soutiennent ne peuvent pas bénéficier d’exonération de taxes, et ça n’encourage pas le don !

  • Vous accompagnez des associations chinoises dans leur développement, vous les former à avoir les reins plus solides, que pensez-vous de ce milieu associatif chinois ?

C’est le sida qui a ouvert la Chine aux associations internationales. Avec leur arrivée, le gouvernement s’est ouvert aux expériences d’autres pays tels que la Thaïlande et l’Inde, décidant à son tour de permettre le travail des associations locales, même si pour beaucoup d’entre elles, elles ne sont pas légales, juste tolérées.

Il y aurait aujourd’hui environ 1 millions d’organisations à but non-lucratif sur le territoire chinois. 300 000 sont enregistrées auprès du Ministère des Affaires Civiles.

Il existe de grandes différences, certaines fondamentales, entre les associations chinoises et les ONG internationales.

Tout d’abord, au niveau financier, on considère que 42% du budget des ONG étrangères vient du gouvernement. En Chine, les fonds gouvernementaux représente 0,00…% du budget des associations. Elles n’ont pas de soutien financier de l’état et sont donc plus faibles, moins visibles.

Sur un niveau plus spirituel, les pays occidentaux ont des religions qui les poussent vers la charité, ainsi en va-t-il des religions chrétiennes par exemple. Mais souvenez-vous de la révolution culturelle en Chine : tout à été détruit, jusqu’à la conception même de l’homme dans la société… cela créé des différences !

  • Quels sont selon vous les principaux obstacles que rencontrent les associations chinoises, et quel avenir leur voyez-vous ?

Je pense que le principal obstacle au développement du milieu associatif en Chine, c’est cette fameuse question d’enregistrement dont je vous ai parlé à propos de CBAC. Il est très difficile pour les petites associations, ou même les grosses, de trouver ce que l’on appelle une unité professionnelle de référence, car ces unités sont forcément gouvernementales, or le gouvernement est encore très méfiant vis-à-vis de nous…

Un autre obstacle est l’interdiction pour une association, une fois enregistrée, de se développer. Elle ne pourra agir que là où elle est enregistrée, sauf si elle a un enregistrement national, ce qui est extrêmement rare puisque les organisations de masses et les GONGO subventionnées et soutenues par le gouvernement occupent déjà cette place. Le développement des associations est donc très limité, même au niveau géographique !

Il existe aussi un problème lié aux déductions d’impôts pour les donateurs. C’est un problème majeur et si la loi sur l’enregistrement des associations change, il faudra également changer la loi sur leur fiscalité. C’est nécessaire car à l’heure actuelle, les particuliers ou les entreprises qui font un don aux petites associations non-enregistrées ne peuvent pas bénéficier de déductions fiscales puisque ces associations ne peuvent pas émettre de factures.

Et puis au delà de la question des lois, il existe des problèmes internes aux associations, comme la question des ressources humaines. Les salaires sont trop faibles, les employés ne restent pas et avec un turn-over fort, il est difficile pour les associations de développer leur propre vision. CBAC les aide à ce niveau, mais c’est difficile si les équipes ne s’impliquent pas dans les activités.

Mais malgré tous ces obstacles, je pense que le gouvernement va s’ouvrir aux associations, mais c’est un processus très lent. Il y a déjà quelques avancées significatives. Ainsi, à la dernière Assemblée Nationale Populaire qui s’est tenue en mars 2007, des universitaires de l’académie des sciences sociales de l’université Qinghua, à Pékin, ont fait trois propositions de loi sur les associations, et bien qu’aucune n’ait été adoptée, le fait que la cause des associations est été défendue dans une instance politique si importante, c’est déjà un grand pas. De plus cette année, un programme de recherche de cinq ans sur la réforme de l’environnement législatif de la société civile chinoise a commencé, mené par l’Assemblée Nationale Populaire, le Ministère des Affaires Civiles, le PNUD et l’Union Européenne.

  • La société civile peut être un moteur de changement dans de nombreux pays, pensez-vous que c’est une de ses destinées en Chine ? Les associations peuvent-elles exercer une pression sur le gouvernement, faire du lobby ?

Le lobby est un sujet sensible. Aujourd’hui, les problèmes sociaux apparaissent au grand jour, tout le monde en est témoin et peut agir. Il est possible de faire du lobby sur beaucoup de thèmes. Les associations environnementales par exemple sont très actives sur ce sujet. Mais dès que l’on touche à des questions plus politiques, comme la démocratie, le communisme, le parti, la corruption ou la bureaucratie, c’est impossible, strictement interdit.

Notes