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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Bruxelles, février 2005

Philippines, construire le dialogue après des années de rivalités intercommunautaires

Dans l’île de Mindanao, conflit culturel et bagarre pour l’accès à la terre trouvent une réponse par l’intermédiaire d’une ONG locale.

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Une histoire source de tensions

Dans l’archipel des Philippines, Mindanao est peuplé de nombreuses communautés culturelles : 18 minorités indigènes (les Lumads), 13 communautés musulmanes (les Moros) et une majorité de Chrétiens migrants venus du Nord des îles au début et au cours du XXième siècle pour exploiter les richesses locales. Les gouvernements successifs vont chercher à assurer un meilleur contrôle de l’île en voulant assimiler les populations locales. Ce qui provoqua des mouvements de rébellions autonomistes, indépendantistes musulmans ou communistes. L’armée est intervenue et profita de l’occasion pour chasser des populations Lumads et parfois récupérer leur terre pour exploiter le sol ou le sous-sol.

Cela a été le cas des Manubos (une communauté Lumad) qui ont été chassés de leur terre début des années 70. Le conflit militaire s’étant apaisé, les Manubos ont voulu retrouver leur village mais celui-ci avait entre temps été occupé par les Moros. De très graves tensions ont alors éclaté entre les deux communautés. A ces tensions s’ajoutent les peurs et les préjugés entre eux et avec la communauté chrétienne toute proche où se trouve le marché local. Les Manubos sont ainsi vus comme étant sales, paresseux, primitifs, les Moros agressifs, avec un couteau entre les dents, les chrétiens dominateurs et riches…

Vers une démarche participative

Le gouvernement local a vainement essayé d’apaiser la situation où les causes sont multiples :

  • conflit matériel et identifiable quand il s’agit de retrouver des biens spoliés, quand il s’agit d’avoir accès à ce qui est vital : la terre, l’eau,

  • question culturelle quand il s’agit d’être reconnu dans son appartenance à une communauté, et en particulier dans la reconnaissance du lien à la terre des ancêtres

  • antagonismes identitaires aux quels s’ajoutent préjugés et peurs injustifiées…

Tripod (Tri-People Organization against Disaster Foundation),un ONG des Philippines, a permis de trouver une solution à la crise. L’association a tout d’abord approché les 3 communautés et leur représentant séparément et s’est appuyé sur le système de justice existant à l’intérieur des communautés. Elle a demandé au Conseil des anciens Lumads et Moros de nommer des négociateurs. Ces derniers ont été formés pour les aider à identifier les préjugés, pour leur donner des techniques d’écoute, de négociation… Ils ont participé aux activités d’un vaste mouvement pour la paix dans l’île de Mindanao, ce qui leur a permis de voir comment travaille ensemble des personnes issues de milieu culturel très différent.

Un accord de paix, point de départ à des relations nouvelles

Ce travail de formation et de préparation a duré un an avec des allers-retours réguliers entre chaque négociateur et le conseil des anciens qui l’avait nommé. Ce n’est qu’à l’issu de ce long processus que des rencontres inter-communautaires entre négociateurs ont pu avoir lieu suivi de retour auprès des Conseils des anciens. Cela a abouti à un accord concret : les Lumads ont pu revenir à proximité de leur terre et ont retrouvé des ressources en eau adaptées à leur besoin. Tripod a facilité la construction de leur maison dans le respect de leur tradition. Cet accord a été symboliquement signé en présence des médias venus en grand nombre et du gouverneur. Ce dernier a reconnu toute l’importance de l’événement en précisant que là où il avait échoué pendant 30 ans, une petite ONG avait réussi.

Point de départ à de nouvelles relations intercommunautaires, l’accord permet aujourd’hui aux Lumads de descendre à travers le village musulman sans crainte réciproque et d’acheter ou de vendre sur le marché qui est en zone chrétienne où ils peuvent maintenant trouver du travail. Une fête a été organisée ensemble où les enfants des différentes communautés ont dansé devant tous, exprimant la richesse de chaque culture, événement impensable quelques années auparavant. Prolongeant cet accord, les actions de développement cherche aussi à favoriser le dialogue. Les femmes des trois communautés se sont rencontrées pour définir avec Tripod ce qui pourrait les aider à prendre des responsabilités dans leur vie quotidienne et vis à vis de leur famille. Leur choix s’est porté sur l’acquisition d’animaux grâce à l’appui de l’ONG : 15 chèvres pour les femmes musulmanes, 15 cochons pour les femmes Lumads et 15 pour les femmes chrétiennes. Perçus comme partie prenante de la vie économique de leurs communautés, elles participent aussi de ce fait au dialogue en échangeant entre elle et en faisant tomber les préjugés.

Commentaire

Une ONG locale a réussi ce que les autorités n’ont pas su faire : trouver un accord concret à une situation complexe, faire changer le regard porté les uns sur les autres, mettre en place les conditions d’un dialogue durable entre communauté.

Notes

  • Source : entretien avec Bernadette Van Zuylen, entraide et fraternité, www.entraide.be

  • Fiche « Philippines, l’action du Mouvement Populaire pour la Paix à Mindanao ».

  • Contact Tripod, 38 Tulingan street, Usman subdivision, Bagua 2, Cotabato city 9600, Mindanao.