Cyril Musila, Bassin du lac Tchad et Paris, juillet 2012
Cartographie du banditisme, des trafics illicites et de l’insécurité transfrontalière
Les axes majeurs des trafics et des embuscades.
Au cours du terrain effectué dans cette région, il nous a été possible d’observer un certain nombre de phénomènes liés à l’insécurité transfrontalière. Aussi, d’après les témoignages recueillis auprès des autorités locales, des chercheurs et des commerçants, la cartographie du banditisme, des trafics illicites et de l’insécurité transfrontalière tisse un maillage très complexe entre les routes, les pistes carrossables et les pistes piétonnes ou pour motocyclettes à travers les broussailles, les bosquets, les montagnes et les lits des rivières saisonnières (1).
Si la topographie apparaît globalement propice à des cachettes à partir desquelles des attaques peuvent être déclenchées, quelques axes majeurs se dégagent du fait de l’intensité des trafics qui en font le terrain privilégié pour des embuscades. Il s’agit des axes suivants :
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Axe Cameroun-Tchad-Nigeria : l’ensemble du territoire entre Maga (Cameroun) et le lac Tchad le long de la frontière Cameroun-Tchad, et depuis le village camerounais de Fotokol jusqu’au lac en longeant la frontière nigériane.
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Axe Cameroun-Nigeria : de nombreux points par où les routes passent près de la frontière Nigeria-Cameroun, entre le lac Tchad au nord, l’État du Bornou et une partie du Yola du côté du Nigeria et les trois régions camerounaises de l’Adamaoua (chef-lieu Ngaoundéré), du Nord (chef-lieu Garoua), et de l’Extrême-Nord (chef-lieu Maroua) et les départements de la Vina (N’Gaoundéré), du Diamaré (Maroua) et du Logone-et-Chari (Kousséri). Dans le département du Diamaré, à quelques dizaines de kilomètres de Maroua, l’un des itinéraires parmi les plus fréquentés est l’axe qui relie Mora (Cameroun) à Maiduguri (Bornu State, Nigeria) en passant par Kolofata et Banki, villages frontaliers camerounais où se trouve un parking d’approvisionnement en carburant trafiqué du Nigeria (voir Photo 1, page 17).
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À l’intérieur du département du Logone-et-Chari (extrême nord du Cameroun) : principalement les axes Maltam-Fotokol vers le Nigeria, Bodo-Blangoua vers le lac Tchad et Logone Birni-Zina en direction des pâturages du Logone.
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Différentes zones comprises entre l’Est du Cameroun et l’ouest de la République centrafricaine (RCA), entre le sud du Tchad et le nord-ouest de la RCA ou entre le Soudan (Darfour) et le Tchad ou encore entre le Soudan du Sud et la RCA. Ces espaces ne pourront pas être étudiés dans ce dossier.
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Le lac Tchad lui-même est un espace d’insécurité car disputé entre pêcheurs des pays riverains qui mêlent régulièrement leurs armées. Au moment de l’étude de terrain, selon des sources officielles à Kousséri, deux petites îles camerounaises sont occupées par les pêcheurs et l’armée tchadienne.
La carte ci-après autour des trois cercles tracés autour des régions administratives et de leurs capitales donne un aperçu de la zone d’étude en partant de Ngaoundéré (au sud autour du cercle noir) vers Kousséri-Ndjaména et le lac Tchad au nord en passant par Garoua et Maroua. Pour une commodité de lecture, les flèches partent de Ngaoundéré, Garoua et Maroua. Elles indiquent les faisceaux des axes.
Qu’a-t-on constaté au cœur de ces espaces transfrontaliers au cours des deux dernières décennies ? Entre le début des années 1990, marquées par l’ébullition sociopolitique de démocratisation et les affrontements armés impliquant les communautés Kotoko et Arabes Choa, et le pic d’insécurité observé en 2008 lors de l’entrée des rebelles dans la ville de N’Djamena, cette région vit un ensemble de phénomènes d’insécurité que nous avons cherché à catégoriser, dans la fiche suivante intitulée : « Le banditisme militaire transfrontalier et le vagabondage des groupes armés ».
Notes
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(1) : Sous les effets conjugués de fortes chaleurs et de l’absence de pluie en saison sèche de septembre à juin, les rivières s’assèchent et leurs lits se transforment en pistes piétonnes.