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, Paris, 2005

Transition démocratique d’un pays : quelques précisions théoriques

I. L’absence de stratégie universelle de transition démocratique

L’analyse de la transition démocratique d’un pays pose la question centrale des moyens utilisés pour atteindre l’objectif démocratique. Ces moyens font-ils appel à une certaine « rationalité démocratique » ? Existe-t-il UNE stratégie de transition démocratique applicable universellement ? Ou faut-il considérer au contraire que ceux-ci sont fonction des attentes d’une société et qu’il convient par conséquent d’adapter les moyens à la situation en cause ?

Nous partirons du postulat suivant : la réussite de toute transition résulte d’une combinaison entre le respect et la mise en oeuvre de grands principes - sans lesquels il ne peut y avoir de démocratie - ainsi que l’adaptation des moyens choisis au contexte propre à la situation en présence. C’est certainement en ce sens que Georgina Sánchez López affirme, en parlant des démocraties d’Amérique latine, que « face à des évolutions aussi rapides qu’incertaines, des légitimités à construire, la démocratie reste à inventer avant de la perfectionner." (1)

Il n’existerait donc pas de recette magique, mais d’avantage une nécessité de gérer de manière satisfaisante et habile un ensemble de problèmes théoriques et pratiques inhérents à la réalité qui est propre à chaque histoire et donc à chaque pays.

L’explication des transitions démocratiques a fait l’objet de diverses analyses :

  • Certains auteurs mettent en avant une analyse a priori, accordant la primauté :

    • à la culture politique : seules les sociétés partageant certaines valeurs et traditions peuvent atteindre la démocratie ;

    • et au niveau de développement.

    • Une autre approche consiste à mettre en avant la nécessité d’un développement économique et social comme préalable à l’émergence de la démocratie.

Si tous ces « ingrédients démocratiques » participent incontestablement au bon déroulement d’une transition, voire même à l’épanouissement de la démocratie, ils ne permettent pas à eux seuls d’en expliquer la réussite ou l’échec. Ces approches ont d’ailleurs été largement délaissées dans les années 1980, notamment lors de l’émergence de démocraties au sein des cultures soi-disant traditionnellement autoritaires, telles que l’Argentine, au dans les pays andins au niveau de développement incertain.

  • D’autres auteurs adoptent une démarche a posteriori : ils s’attachent à identifier les causes générales d’une transition et mettent l’accent sur les formes de gouvernement les plus appropriées pour la consolidation de la démocratie.

  • Enfin, certains auteurs se sont concentrés sur les divers systèmes de gouvernement ou d’élection, souvent par analyse comparative, en cherchant à dégager des conclusions qui pourraient être pertinentes pour la consolidation de la démocratie. Ainsi par exemple, Juan J. Linz a suggéré que le parlementarisme conduisait à une démocratie plus stable que le présidentialisme, ce dernier favorisant davantage la concentration du pouvoir et l’apparition de conflits.

II. Les contours du concept de « transition démocratique »

La transition démocratique comprend deux phases à distinguer nettement :

  • La transition politique, qui désigne le « passage d’un régime à l’autre ».

  • La consolidation de la démocratie durant laquelle le défi majeur consiste à assurer une évolution relativement stable du processus démocratique engagé dans la transition.

La transition démocratique entraîne l’abandon des anciennes règles du jeu politique et suscite l’apparition de nouveaux acteurs politiques et de nouvelles configurations stratégiques. Cette transition est complète lorsqu’« un gouvernement arrive au pouvoir comme le résultat direct du suffrage libre et populaire, quand ce gouvernement dispose d’un pouvoir souverain pour générer de nouvelles politiques publiques, et quand les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire nés de la nouvelles démocratie n’ont pas à partager le pouvoir avec d’autres corps de droit."(2)

Quant au processus de consolidation, il implique, dans le cadre de règles du jeu politique désormais bien définies, non seulement une redistribution des cartes politiques mais également de nouvelles tactiques de jeu.

La gestion des conflits par la voie de la démocratie ne saurait être entendue comme l’élimination du conflit. Au contraire, la démocratie doit permettre la manifestation des divers interêts politiques en présence, laissant à l’ensemble des acteurs la possibilité de trouver une voix d’expression. L’ouverture du système politique constitue donc un enjeu capital dans le cadre de la consolidation de la démocratie d’un pays. Les nouveaux régimes latino-américains sont ainsi confrontés au défi d’approfondir l’ouverture de leur système politique à des acteurs qui n’ont pas nécessairement participé à la transition. Inversement, le défi consiste parallèlement à créer un niveau suffisamment haut de consensus afin d’éviter un recul politique et d’assurer par là-même la survie des nouveaux régimes. Autrement dit, les gouvernements en place doivent garantir efficacement le maintien du régime démocratique avec le soutien, à la fois de la société civile, des autres acteurs politiques et des forces armées.

La transition et la consolidation de la démocratie constituent donc deux processus qui évoluent en fonction des choix des principaux acteurs d’un pays. Ces deux moments s’inscrivent, on l’a vu, dans des contextes différents et induisent, pour les acteurs, des enjeux distincts. Mais ces deux situations sont tout de même liées : on ne peut prétendre appréhender le procesus de consolidation de la démocratie sans tenir compte de la situation de crise précédant la transition et des conditions qui ont entouré le processus de transition politique lui-même.

Notes :

(1) : Georgina Sánchez López, Les chemins incertains de la démocratie en Amérique latine, Ed. L’Harmattan, Paris 1993, p.14.

(2) : Juan J. Linz, Democratic transitions and democratic consolidation, mimeo, July 1991, p.2.