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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Emilie Bousquier, Paris, 2006

Les questions de sécurité : une préoccupation d’importance mondiale au XXIème siècle

La prévention des conflits comme approche légitime face au risques majeurs liés à la sécurité.

Mots clefs : Politique européenne de sécurité et de défense | Lutte contre la pauvreté | Lutte contre les inégalités et pour la paix | Le droit des minorités | Respect de la pluralité et de la diversité | Sécurité et paix | Développement et paix | Bonne gouvernance et paix | Coopération au développement | Communauté Internationale | Union Européenne | ONG et Fondations internationales | Humanitaires | Conseil de sécurité des Nations Unies | Défenseurs des droits de l'Homme | Prévenir des conflits | Utiliser la voie diplomatique pour gérer des conflits | Favoriser l'intervention d'un tiers pour sauver la paix | Agir à l'échelle internationale pour préserver la paix | Résister civilement et pacifiquement à la guerre | Mener des négociations préventives | Union Européenne | Amérique Latine

Ce début de siècle reste marqué par de nombreux problèmes sécuritaires contre lesquels la Communauté internationale tente de lutter par tous les moyens. L’Union européenne, elle aussi, mène de front une politique sécuritaire incarnée dans la PESC. Mais le lien entre la sécurité, la prévention des conflits et la politique de coopération au développement semble être avéré ; ainsi, la politique de coopération de l’Union européenne est menée également dans le but de prévenir les conflits, pouvant menacer la paix et la sécurité internationales. Nous verrons tout d’abord l’importance des questions de sécurité avant d’analyser la coopération au développement de l’Union européenne au service de la prévention des conflits.

I. Les conflits et les enjeux de sécurité au cœur des relations internationales

Les souffrances humaines causées par les conflits civils sont horribles et constituent une menace importante pour la sécurité internationale. Plusieurs facteurs sont à la base des conflits. Il s’agit de :

  • la pauvreté ;

  • la stagnation économique ;

  • la répartition inégale des ressources et des richesses ;

  • la faiblesse des structures sociales ;

  • l’absence de bonne gouvernance ;

  • la discrimination systématique ;

  • l’oppression des minorités ;

  • l’effet déstabilisateur des flux migratoires ;

  • des antagonismes ethniques ;

  • l’intolérance religieuse et culturelle ;

  • l’injustice sociale ;

  • la prolifération des armes de destruction massive et de petit calibre.

De plus, les crises violentes de notre époque sont également dues aux « différences d’âges entre les divers groupes composant l’humanité à un instant donné, en termes de développement des sociétés :

  • technologie ;

  • information/communication ;

  • institutions démocratiques ;

  • sociétés civiles ».

Autant de causes liées au développement des pays pauvres qui font de la prévention des conflits un nouveau concept au sein des relations internationales.

En réalité, depuis la fin de la guerre froide, le contexte international a radicalement changé : il est caractérisé par des conflits le plus souvent internes, ainsi que par l’émergence de nouveaux acteurs sur la scène internationale tels que les organisations internationales et régionales, les ONG et les agences humanitaires, qui jouent un rôle croissant au sein ou autour de situations pré ou post-conflictuelles.

De plus, le principal support, intellectuel et matériel dont bénéficie la prévention des crises vient des Etats les plus puissants de la planète : des Etats-Unis et de certains pays européens. « Ces Etats ont atteint un stade de développement politique, économique et social qui leur fait considérer comme obsolète toute idée d’agrandissement territorial ou de domination d’une population étrangère par la force. Les objectifs de ces Etats se situent aujourd’hui essentiellement dans les progrès de l’économie, de la technique et le bien-être social, associés à la liberté politique ». Face à cela, ces Etats se trouvent confrontés à des situations de conflits régionaux émanant de pays en voie de développement. De telles situations poussent les Etats « puissants » à s’efforcer d’assumer leurs responsabilités à l’égard du reste du monde et à rechercher la stabilité pour des raisons économiques ou socio-culturelles. La responsabilité est en fait celle du fort face au faible : la puissance joue toujours son rôle.

Les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis n’ont fait qu’accroître le sentiment d’insécurité mondial et de vulnérabilité face à un « Tiers-monde » que l’on connaît finalement peu, que l’on sous-estime parfois. Une négligence qui peut se révéler fatale pour l’Occident. Ainsi, en Europe par exemple, face à l’émergence de nouveaux enjeux et de nouvelles menaces - prolifération, terrorisme, criminalité organisée, sécurité énergétique - , mais également face au renforcement des demandes des citoyens de l’Union dans ce sens, l’efficacité et la crédibilité de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité et de la défense appellent la mise en place de cadres d’action collectifs dans des secteurs clés relevant des domaines institutionnel, politique, sécuritaire, financier et militaire. La prévention des conflits entre dans ce domaine puisqu’elle vise à éviter que la sécurité des Européens soit mise en péril de quelque manière que ce soit à la suite d’un conflit à l’étranger. En effet, dans un certain nombre de pays, l’augmentation des inégalités apporte la preuve que la croissance et certaines formes d’aides ne suffisent pas remédier à ces situations. La pauvreté et l’exclusion qu’elle engendre sont les principales causes des conflits et mettent en péril la stabilité et la sécurité de trop nombreux pays et régions. Ainsi, la prévention des conflits est une idée prise en compte depuis de longues années dans les actions extérieures de l’Union européenne ; l’Europe doit d’ailleurs « intégrer plus systématiquement cette préoccupation dans toutes les politiques de l’Union et dans tous les programmes d’assistance ».

II. La diplomatie préventive comme préalable à la paix

L’idée même de règlement pacifique des différends remonte aux premières conférences de La Haye, ensuite reprise par les articles 12, 13 et 14 du Pacte de la Société des nations et dans le Chapitre VI de la Charte des Nations unies. En juin 1992, le secrétaire général des Nations unies, Boutros Ghali, définit la diplomatie préventive comme l’une des quatre modalités d’action - à côté du rétablissement de la paix, du maintien de la paix et de la consolidation de la paix post-conflit - qui contribuerait à l’instauration de cette dernière dans l’esprit de la Charte des Nations unies et pour laquelle le Conseil de sécurité est devenu un instrument central depuis la fin de la guerre froide. La prévention devrait être à la fois structurelle (s’attaquer à des causes profondes telles que les inégalités entre groupes et la disponibilité d’armes) et opérationnelle (répondre à des crises spécifiques en gestation par le biais d’instruments politiques variés). « La prévention des conflits civils est légitime en droit international parce que les guerres civiles actuelles sont un danger pour la paix et la sécurité internationales, et la souveraineté ne constitue pas une protection contre les violations caractérisées des droits de l’Homme et du droit humanitaire ».

Face à des risques majeurs liés à la sécurité, est née la notion de prévention des conflits. En effet, comme le dit l’adage : « mieux vaut prévenir que guérir ». Il est intéressant de noter qu’aujourd’hui, dans la plupart des instances gouvernementales, la prévention des conflits recueille un large consensus au niveau du principe qu’il dégage. Les arguments avancés sont invariablement moraux et humanitaires mais également politiques et économiques en insistant sur le faible coût de la prévention comparé à la reconstruction post-conflit ou même à la résolution des conflits.

Toutefois, en ce qui concerne la prévention des conflits, la zone d’intérêt des nations développées et démocratiques recouvre toutes les régions qui présentent une importance économique et/ou stratégique par leurs ressources, leur potentiel de production ou leur position géopolitique. Dans cette zone, qui représente en fait la plus grande partie de la planète, aucune nation occidentale n’a intérêt à voir se développer une crise grave (politique, économique ou environnementale) en un lieu quelconque, sous peine d’en subir elle-même le contrecoup. On peut cependant exclure de cette zone d’intérêt certaines régions en proie à un chaos endémique et un développement plus qu’incertain, appelées « zones grises ». D’autre part, le statu quo que les nations démocratiques ont tendance à favoriser n’est pas toujours la meilleure garantie d’une prévention des crises.

L’action préventive a cependant des limites car rien ne se fera en cas de crise sérieuse sans que les Etats, et parmi eux les plus puissants, considèrent qu’il est de leur intérêt d’intervenir. Le gouvernement en question opèrera une sélection des affaires où il acceptera d’intervenir, basée sur ses intérêts à court terme, ce qui ne conduit pas forcément à une stratégie de prévention des crises optimale.

Il est aussi important de mentionner que les liens existants entre la politique de développement et la PESC ne sont pas négligeables. En d’autres termes, la sécurité et le développement sont des agendas complémentaires en Europe. En effet, il ne peut y avoir de développement durable sans paix et sans sécurité, et le développement est une condition essentielle de la sécurité, il est crucial pour la sécurité collective et individuelle à long terme. Les responsables européens sont d’ailleurs devenus de plus en plus sensibles aux interactions entre politique de coopération au développement et politique de sécurité. Le développement des pays pauvres pourrait, en effet, contribuer à réduire un certain nombre de risques dont notamment, les pressions migratoires, les tentations du terrorisme, voire la prolifération des armes de destruction massive. L’aide communautaire vise par exemple à limiter l’extension des conflits pour favoriser le décollage économique des pays concernés. Ceci étant, l’article 177 du TCE ne fait pas formellement de la politique européenne de coopération au développement un instrument de renforcement de la politique étrangère et de sécurité commune. Toutefois, « après les attentats du 11 septembre 2001, Javier Solana estime que « l’aide européenne va devenir un instrument de politique étrangère »  ». Le développement apparaît comme étant le cadre idéal de la lutte pour la paix. Ainsi, la politique de coopération au développement de l’Union européenne permet de mobiliser et de canaliser les politiques commerciale, agricole, financière, environnementale comme autant de moyens de participer efficacement à la paix internationale.

Ainsi, une unité de prévention des conflits et de gestion de crises, incluant, depuis 2001, une cellule de crise, a été créée au sein de la Commission européenne en vue de coordonner les initiatives en matière de prévention des conflits. De plus, un mécanisme de réaction rapide, créé en 2001, permet la mise en place d’une mission d’enquête et de médiation ainsi que le déploiement d’observateurs des droits de l’Homme.

Enfin, dans le cadre des perspectives financières 2007/2013, la Commission européenne propose, parmi les instruments de la politique extérieure de l’Union, la création d’un instrument de « stabilité » qui aura pour objectif de financer des opérations de stabilité et de sécurité dans le monde et d’assurer un continuum entre le traitement des différentes phases de crise (prévention, gestion, sortie de crise). « Il s’agit d’éviter la constitution de zones grises où la faiblesse des interventions internationales peuvent être source d’instabilité ».

Notes :

  • (1) Bussière (Robert), L’Europe et la prévention des crises et des conflits – Le long chemin de la théorie à la pratique, l’Harmattan, 2000, p. 34.

  • (2) Idem, p. 30.

  • (3) Patten (Chris), « Prévention des conflits, gestion de crises : une contribution européenne » , revue Politique étrangère, N°3/2001, p. 648.

  • (4) Idem, p. 93.

  • (5) Javier Solana, Haut représentant de l’Union européenne pour la PESC.

  • (6) Balleix (Corinne), La politique européenne de coopération au développement, op.cit., p. 72.

  • (7) Idem, p. 77.