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Ficha de análisis

, Paris, abril 2009

L’Art de la Paix européen : portée et défis

Analyse géostratégique du rôle de l’Europe dans la construction de la paix à l’heure de la mondialisation.

Keywords: Intercambios entre actores de paz | Dialogo entre los actores de paz | Geopolítica y paz | La responsabilidad de las autoridades políticas con respecto a la paz | Ciudadanos europeos para la paz | Unión Europea | Aprender una cultura de paz | Europa

Bien que la construction en cours de l’Union européenne, soit la seule initiative politique d’intégration régionale dont le but premier était la paix entre ses membres et dont sa réalisation a été réussie par des moyens pacifiques, une analyse géopolitique permet de prendre en compte d’autres éléments historiques et d’introduire quelques nuances.

Au sortir de la deuxième guerre mondiale, l’Europe était un champ de bataille dramatiquement ravagé par la guerre. Les grands totalitarismes, notamment le nazisme, avaient fait imploser les sociétés européennes. Quant aux Etats européens, ils n’avaient ni la capacité ni la puissance nécessaires pour mettre en œuvre un processus d’intégration politique. Ils étaient l’objet de très fortes pressions à l’Est de la part de l’URSS et à l’Ouest de la part des Etats-Unis. L’Europe n’était pas morte, mais elle était profondément blessée. Elle avait besoin d’aide.

C’est dans ce contexte que Russes et Américains incitèrent les Européens à coopérer. Grâce, notamment, à la menace soviétique d’un côté et, de l’autre côté, au plan Marshall et à l’OTAN. C’est la protection contre la menace soviétique, l’ennemi commun, et le soutien du premier allié, les Etats-Unis, qui ont été le facteur géostratégique à l’origine de l’union de l’Europe.

Quelques individus exceptionnels et visionnaires ont compris l’intérêt stratégique qui avaient poussé les Européens à s’unir, mais il ne s’agissait pas d’une initiative populaire habitée d‘un hypothétique enthousiasme.

Les fondateurs de l’Europe voulaient que les Européens tirent des leçons de l’utilisation barbare de la violence qu’ils avaient vécue, et qu’ils n’oublient jamais l’immense tragédie des deux guerres mondiales et de l’holocauste européen. La voie militaire ne semblait pas la plus attirante pour les populations européennes de l’époque qui sortaient traumatisées de deux guerres. Le « plus jamais ça ! » traduisait un rêve pacifiste où il s’agissait de rendre impossible la tragédie de la guerre : c’était l’utopie de la société post-tragique choisissant la paix comme l’absence de conflits.

Cette Europe naissante est enracinée dans une histoire traversée par des conflits et des guerres ainsi que façonnée par la solidarité et les désirs de paix. Depuis les Grecs et l’empire romain, en passant par les guerres de religion et les croisades, l’ère des révolutions, les deux grandes guerres mondiales, l’holocauste, la réconciliation franco-allemande… jusqu’à aujourd’hui, les conflits ont été pour les Européens non seulement extrêmement tragiques et meurtriers, mais aussi l’occasion de se remettre en question, de critiquer, de rénover, de tirer des leçons et d’inventer de nouvelles idées, méthodes, façons de vivre ensemble.

En même temps, cette situation initiale a mis le processus d’unification sur les rails d’une dynamique d’abord normative puis politique, l’éloignant tout de suite de la voie militaire et géostratégique. Ce qui aura des conséquences importantes pour le rôle de l’Europe dans la construction de la paix par la suite. En raison, notamment, du fait que les autres puissances n’ayant pas vécu les mêmes tragédies n’avaient pas de raison d’entrer dans une démarche pacifiste et elles ont continué à évoluer suivant des paradigmes guerriers importants en établissant des armées fortes.

Concernant la construction de la paix dans le monde et à l’intérieur de ses frontières, l’Europe devenait un acteur extrêmement compétent dans les domaines de la diplomatie, de la négociation, de l’établissement d’accords et de traités de paix… le « soft power » était son expertise. Elle s’est alors mise à concevoir et à mettre en œuvre les principes d’un « Art de la Paix » à l’européenne.

Si par le passé l’Europe a conquis d’autres peuples et les a colonisés, souvent par la force ; si elle a construit des empires et imposé sa puissance ; si elle a provoqué des guerres atroces et transformé le monde en un champ de bataille ; si elle a enseigné la stratégie comme l’art de conduire des armées et inventé la polémologie comme la science des conflits : l’un des grands défis pour l’Europe du 20ème siècle a été celui de se reconstruire en tant qu’espace de paix intérieure et en tant qu’acteur de la paix internationale.

Cet art de la paix a pour objet la conception et la mise en œuvre de formes de gestion pacifique des contradictions et des conflits qui existent au sein de toute relation. Dans la vision dominante du monde d’alors, la compétition, l’instrumentalisation de la nature et des autres, la domination des plus forts, la revendication exclusive des droits et le refus des responsabilités, nourrissaient une culture de lutte et de violence. Les Européens étaient convaincus que concevoir d’autres approches pour penser la paix et proposer d’autres méthodes pour la construire pouvait enrichir une vision responsable et pacifiée des relations des hommes entre eux et avec leur biosphère.

Le « vivre ensemble » constituait alors l’enjeu majeur des sociétés européennes. Un vivre ensemble à l’échelle individuelle, familiale, sociale, internationale, exigeait à leurs yeux un Art de la Paix permettant d’articuler des cultures différentes, des intérêts divergents, des sentiments opposés : des conflits de valeurs, des rivalités de pouvoir, des sentiments agressifs font appel à la capacité de gérer pacifiquement la conflictualité humaine. Loin de nier les différences ou les oppositions, voire de les supprimer, ce qui exigerait la négation radicale de l’autre, il s’agit de les assumer pour inventer de nouvelles modalités d’articulation. Si les conflits nés des différences peuvent conduire à l’affrontement et à la violence, l’art de la paix a pour vocation de faire de ces conflits l’occasion d’un enrichissement mutuel.

L’Europe s’est consacrée au développement pratique de cet Art de la Paix, fondé sur la question : comment construire la paix au cœur des défis et des conflictualités concrètes d’aujourd’hui dans une démarche de construction d’un monde plus équitable, solidaire, respectueux de l’environnement, pacifique et toujours conflictuel ?

Les évolutions européennes et l’élaboration d’une telle richesse pour la construction de la paix ont été traversées d’une certaine ambiguïté, en raison des évolutions divergentes de l’environnement international de l’Europe. Alors que celle-ci continuait à croire en l’utilité des moyens politiques, diplomatiques, culturels pour construire la paix, les conflits et les guerres d’ailleurs, montraient la barbarie de la violence, légitime et illégitime.

L’Europe connaît alors une situation paradoxale. Si l’Europe, qui s’est construite comme une « puissance tranquille », devenait dans une situation de guerre froide une « tranquille puissance », à la fin du 20ème siècle celle-ci commence à perdre dramatiquement sa stature de « puissance ».

En ce début du 21ème siècle, l’Europe est témoin d’un bouleversement majeur des pôles traditionnels du pouvoir à l’échelle mondiale. Après cinq siècles de domination, les Occidentaux sont en train de constater l’émergence de nouveaux pôles de puissance qui font que le pouvoir se déplace vers des pays du Sud : la Chine, l’Inde, le Brésil, etc. Et l’Europe semble ne pas être préparée pour assumer pleinement les conséquences de cette recomposition du monde. Elle ne peut plus s’imposer à l’étranger, ni ses idées, ni sa culture, ni ses valeurs. Sa puissance normative n’est plus.

L’Europe n’a pas réussi dans son utopie de construire un monde rationnel, démocratique, tolérant et négociateur, donnant lieu à une institution mondiale bâtie sur le principe des « Nations Unies ». Le monde multipolaire d’aujourd’hui est un monde qui se laisse guider davantage par les intérêts et par les sentiments, que par la raison cartésienne. C’est un monde concurrentiel, d’affrontements permanents et de lutte, qui donne lieu à des divergences fortes entre des « Nations désunies ».

Il s’agit d’une situation qui produit des crises multiples et graves : démographiques, alimentaires, financières, environnementales… Des crises multiples et enchevêtrées les unes dans les autres qui deviennent à leur tour de facteurs de conflits et de violence.

Dans ce contexte, l’Europe est obligée de s’adapter à un monde rude en mettant en œuvre des politiques de construction d’une paix durable qui, pour être efficaces, doivent être soutenues par sa puissance. Pour que la « puissance tranquille » soit utile elle doit être une « puissance », pour que le soft power puisse continuer à être efficace, il faut que ce soit un vrai « power ». Ceci permettra que la voix européenne soit prise en compte de façon importante par les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, la Russie. Mais aussi par de groupes transnationaux délinquants, mafieux ou terroristes, qui ne comprennent pas le langage normatif, moins encore la démarche éthique en termes de tolérance, dialogue, établissement d’accords, voire respect des accords passés…

Cette exigence fait appel à un processus de longue haleine allant vers la construction d’une vraie politique de construction d’une paix durable soutenue par une double politique commune étrangère et de sécurité. Les prémices sont là. Concernant, par exemple, l’adoption de principes diplomatiques convergents qui permettent à l’UE de parler d’une seule voix lors du conflit au Kosovo hier, du conflit au Proche Orient aujourd’hui ; la mise en place de politiques communes adoptés par plusieurs Etats ; la création d’un haut représentant pour la PESC, etc. Mais le chemin à parcourir est encore long. L’une des difficultés des plus importantes tient au fait qu’une bonne partie des Etats européens ainsi que les Etats-Unis préfèrent le statut quo : que l’Europe continue à exercer un rôle d’influence tranquille, « dans l’esprit des gens », laissant aux Etats-Unis et à l’OTAN le rôle de répondre à des exigences plus complexes, en termes économiques et militaires.

L’Europe de la défense doit faire partie de l’Europe de la diplomatie qui, à son tour, doit faire partie d’une politique européenne de construction de paix. Cette politique est en même temps inséparable du reste : monnaie unique, politique économique, politique d’aide au développement, etc.

En ce sens, l’une des exigences pour que l’Europe devienne un véritable acteur de paix sur la scène mondiale actuelle, est que celle-ci marche sur deux pieds : facteurs culturels, diplomatiques, éthiques ainsi que politique étrangère commune ET politique commune de défense européenne dans le cadre d’une politique européenne de participation active à la construction d’une paix durable à l’échelle mondiale. L’éthique de la conviction qui amène à l’Europe à croire que la paix se construit par l’éducation, la formation, les valeurs, doit être associée à l’éthique de la responsabilité afin de se donner les moyens institutionnels, financiers, humains, symboliques, militaires, pour la mise en œuvre de ces initiatives de construction de paix, pour atteindre de façon effective les objectifs recherchés quant à la construction d’un monde plus pacifique.

C’est dans l’articulation de ces deux dimensions :un cadre institutionnel venant soutenir de façon forte l’Art de la Paix, que l’Europe pourra mieux répondre aux défis actuels posés par la violence et les guerres, ainsi qu’aux menaces qui guettent aujourd’hui l’humanité, multiples et interdépendantes.