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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Paris, 2002

L’action partenariale du CCFD en matière agricole et sanitaire dans la région africaine des Grands Lacs

Des projets visant à restaurer un minimum d’organisation sociale et économique au sein de sociétés désintégrées.

Mots clefs : Organisation sociale pour la paix | Lutte contre la pauvreté | Lutte contre la faim et pour la paix | Initiatives agricoles pour la paix | Organisation d’une communauté villageoise | Association locale de femmes | Organisation humanitaire et paix | Organisation économique d'une communauté villageoise | Reconstruire une société | Enrichir les échanges sociaux | Rwanda | Ouganda | République Démocratique du Congo | Région des Grands lacs

La région africaine des Grands Lacs essaie de sortir de la spirale infernale dans laquelle elle a plongé depuis plusieurs années. La tâche est rude parce qu’aux distinctions ethniques s’ajoutent les problèmes majeurs de la pauvreté, des carences alimentaires et des insuffisances sanitaires. Dans un tel contexte, un travail au plus près du terrain est indispensable dans le but de répondre aux besoins immédiats des populations. Le Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (CCFD) soutient ainsi des projets visant à restaurer un minimum d’organisation sociale et économique au sein de sociétés désintégrées.

Le génocide rwandais en 1994 a atteint une amplitude incommensurable, provoquant la mort violente d’un million des personnes et entraînant des déplacements massifs de populations. Le contexte régional, particulièrement instable, n’a fait qu’ajouter à la complexité de la situation et empêché une résolution rapide de la crise. En effet, le conflit s’est par la suite étendu aux voisins ougandais et congolais, rendant encore plus délicate toute action en faveur de la paix. Si l’ONU est intervenue, notamment par le vote de la résolution 1304, le 16 juin 2000, ordonnant le retrait de toutes les troupes étrangères en République démocratique du Congo, elle n’en a précisé ni les moyens ni le calendrier de mise en œuvre. Aujourd’hui on ne peut toujours pas dire que le calme s’est installé durablement dans la région. Quoi qu’il en soit, les acteurs du développement ont toujours essayé de poursuivre leur travail, malgré l’inconfort et l’insécurité de la situation. Ainsi, l’Association des femmes paysannes du Nord-Kivu, Uwaki, partenaire du Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (CCFD), intervient dans le milieu rural, lutte contre la famine et promeut le droit d’accès à la terre et à la propriété. L’objectif est d’agir sur les racines économiques et sociales du conflit : la pauvreté et la faim sont les carburants réels des tensions entre voisins, facteurs d’autant plus aggravés et aggravant qu’ils se cristallisent autour de prétextes ethniques. Pour des raisons de nécessité, pour pouvoir manger et vivre, beaucoup d’hommes se sont enrôlés dans l’armée ou dans les groupes rebelles, laissant les femmes assurer le quotidien de la vie de famille, de la santé, de l’alimentation et de l’éducation. De la même manière, le recrutement des enfants soldats est largement conditionné par le manque de perspectives professionnelles et économiques offertes aux jeunes générations. Dans un tel contexte, les organisations humanitaires et les associations locales de développement oeuvrent à restaurer un cadre favorable au rétablissement d’une paix durable. Celle-ci passe par le développement économique, lui-même articulé autour du problème agricole. Il s’agit donc de proposer de nouveaux modes d’organisation et de production agricole, d’assurer la sécurité alimentaire et l’auto-promotion des populations et de contribuer au règlement des questions foncières. Le climat dont bénéficie le Nord-Kivu a rendu possible l’exploitation de produits agricoles des régions tempérées, facilitant l’élargissement de l’offre. De nombreuses activités ont ainsi été mises en place pour lutter contre la famine, interrompre le cycle d’appauvrissement des sols, diversifier les cultures…

  • Des champs communautaires ont été créés permettant la récolte régulière de haricots, de choux, de tomates, de pommes de terre ou d’oignons. Une attention a également été apportée aux techniques de transformation, de conservation, de transport et de vente en vue d’améliorer la commercialisation de ces produits ;

  • Des petits élevages de chèvres, de lapins ou de porcs se sont développés, malgré les difficultés, entre autres vétérinaires ;

  • Sur le plan sanitaire, des dispensaires de soins locaux ont été construits.

A travers l’association Uwaki, les femmes du Nord-Kivu ont ainsi démontré qu’elles étaient de fait une force sociale et politique, capable d’agir face aux problèmes alimentaires, sanitaires ou encore éducatifs. Grâce à ce type d’initiatives, la situation s’est quelque peu améliorée : grâce aux centres de soins, les problèmes de santé (malaria, diarrhée) ont pu trouver des réponses. La malnutrition, notamment des enfants, a reculé… Non seulement des résultats tangibles ont été obtenus, mais il faut aussi ajouter à cela une lente évolution culturelle, en matière d’organisation sociale, dont on peut espérer des conséquences positives pour l’avenir.

Commentaire

Lors du sommet mondial sur l’alimentation de la FAO (Food and agriculture Organization, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) qui s’est tenu à Rome en juin 2002, de nombreux chefs d’Etat africains ont appelé les pays riches à ouvrir leurs marchés agricoles et à tenir leurs engagements pour une meilleure diffusion de l’innovation dans ce secteur. L’enjeu ne se limite pas en fait aux seules questions de l’alimentation et de l’essor de l’agriculture. Ce sont véritablement les problèmes de la paix et du développement qui ont ainsi été posés, dans la mesure où la faim et la pauvreté entretiennent les tensions et les situations conflictuelles. La résolution d’une crise ou la fin d’une guerre ne sont pas que des affaires de raisonnement politique. Elles sont indissociables du travail à mener sur le terrain, auprès des populations, visant à répondre aux besoins essentiels de celles-ci (alimentation, santé, éducation) et à instaurer un nouveau mode de régulation sociale. Seule la prise en compte des aspirations fondamentales de la société peut laisser espérer que s’impose progressivement une paix durable.

Notes