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, January 2006

Fort consensus autour des Droits Economiques, Sociaux et Culturels (DESC)

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Le séminaire de Nantes a été, sans nul doute, un succès caractérisé par la présence en nombre de représentants d’Etats, plus d’une quarantaine représentant vingt-neuf pays, et par le fait que s’y est dégagé un fort consensus autour de questions importantes.

Si des avancées réelles ont été constatées, certains points restent, bien sûr, sujets à débat.

Des avancées indéniables

  • Des réticences dépassées

Les réticences que pouvaient avoir certains Etats et juristes sur la nature même des droits économiques, sociaux et culturels, quant à leur justiciabilité ont été dépassées. Le séminaire a confirmé qu’aujourd’hui l’idée est admise que l’indivisibilité des droits fondamentaux doit se concrétiser et que la place faite aux droits économiques, sociaux et culturels doit être la même que celle accordée aux droits civils et politiques.

  • Un consensus large quant à l’étendue de la portée du protocole facultatif

Une large majorité des participants semble s’être accordée sur le fait que le protocole facultatif qui serait mis en place, devrait porter sur l’ensemble des droits visés par le Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, PIDESC (articles 1 à 15). S’agissant du protocole facultatif, c’est-à-dire que les Etats n’ont pas obligation de ratifier, il est apparu normal qu’il englobe la totalité des droits susmentionnés.

Ceci constitue un progrès d’autant plus important que la représentation des Etats était très diversifiée à Nantes. Certes, il demeure des divergences relativement à l’étendue globale d’un protocole et aux mécanismes à mettre en oeuvre pour un traitement indifférencié des droits civils et politiques d’une part et des droits économiques, sociaux et culturels d’autre part.

  • La nécessité de mettre en oeuvre la justiciabilité des DESC

Mais les esprits ont suffisamment évolué au point que s’est dégagée la conviction largement partagée que le Groupe de travail devait passer à la phase de rédaction d’un projet de protocole. C’est signe que nombre d’obstacles théoriques ont été surmontés et ceux qui demeurent dorénavant apparaissent dépassables au plan technique. L’idée de mettre réellement en œuvre la justiciabilité des DESC semble en particulier être désormais largement acceptée.

Des appréhensions apaisées

Le séminaire a en outre permis de répondre à certaines appréhensions d’Etats.

  • L’absence d’obligation nouvelle pour les Etats

Répondant à des objections en ce sens, il a été clairement réaffirmé que le protocole ne créerait pas de nouvelles obligations pour les Etats. Il ne viserait qu’à concrétiser des obligations déjà existantes en répondant aux communications individuelles ou collectives qui seraient présentées.

  • L’absence de risque de duplication entre les décisions des différents comités

Un autre sujet de préoccupation concernait le risque de duplication éventuel entre les décisions que pourrait rendre le Comité, ou l’organe mis en place à cet effet, à la suite de plaintes individuelles ou collectives, et celles issues d’autres comités onusiens tels le CERD, le CEDAW ou le CRC, certains instruments hors mécanismes onusien (UNESCO, OIT) ou encore les mécanismes régionaux c’est-à-dire européen, américain et, dans une moindre mesure, africain.

Or, le séminaire a démontré que ce risque n’existait pas et, qu’a contrario, le besoin d’une procédure, couvrant l’ensemble des droits, était fort. Ceci pour plusieurs raisons :

  •  

    • Tout d’abord chacune de ces instances n’examine pas tous les droits, c’est le cas en l’occurrence de l’OIT ou de l’UNESCO.

    • Les mécanismes régionaux, n’assurent qu’une protection parcellaire : par exemple, le Protocole de San Salvador relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ne concerne que le droit à l’éducation et la liberté syndicale. Le Comité de la Charte sociale européenne va, quant à lui, moins loin dans l’examen des communications que la Cour européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

    • Il existe des droits qui ne sont couverts par aucun mécanisme, c’est le cas notamment du droit à la santé ou du droit au logement.

    • Ensuite, certaines procédures ne permettent la présentation de communications qu’à des organisations, les syndicats pour l’O.I.T., par exemple. Enfin, la faiblesse de ces procédures a été soulignée : l’UNESCO pratique ainsi une procédure confidentielle dont il est clair que les résultats sont en-deçà de ce que pourraient être ceux d’une procédure de plainte individuelle non confidentielle.

Ces craintes de « doublon » ont donc pu être levées. Il s’est dégagé l’idée que les divers mécanismes se renforceraient mutuellement, car ils sont complémentaires et permettent une meilleure appréhension de l’ensemble des droits, ainsi mieux protégés.

En conséquence, comme pour d’autres instances assorties de protocoles facultatifs, par exemple l’OIT, les Etats ne devraient pas pouvoir faire de réserve à un protocole dont l’un des apports essentiels sera de couvrir l’ensemble des droits économiques, sociaux et culturels, alors que ceux-ci ne le sont actuellement que de façon incomplète.

Des sujets demeurant encore en chantier

Un séminaire de 3 jours ne pouvait emporter l’adhésion de tous à tous les sujets traités. Il semble qu’il a mis en relief plusieurs questions non consensuelles qui appellent l’élaboration de solutions avec plusieurs options.

  • La question des entités habilitées à présenter des communications au Comité, ou à l’organisme chargé de les examiner, fait encore débat.

Volontairement, le Comité DESC avait proposé dans son projet de protocole, une possibilité très large d’ouverture des communications : elles pouvaient être individuelles ou collectives (c’est-à-dire ouvertes aux syndicats et ONG). Le fait que cette possibilité soit donnée non seulement aux individus mais aussi aux groupes ne semble pas poser de problème en soi : les syndicats peuvent par exemple saisir le Comité de la Charte européenne ou l’OIT. La seule véritable difficulté pourrait concerner l’ouverture de la procédure de communications à des groupes agissant en se réclamant de la violation des droits d’une ou de plusieurs personnes, sans justifier d’un mandat formel. Les ONG ont justement avancé l’idée que certaines personnes se trouvaient hors d’état de présenter des communications, pour des raisons de sécurité ou du fait de leur pauvreté. Dans ces cas, il apparaît nécessaire de veiller à ce que les mécanismes de défense de leurs droits ne leur soient pas inaccessibles. D’où la nécessité que les tiers puissent agir en leur nom. Si cette possibilité était offerte, il faudrait trouver le moyen de garantir que la plainte se fasse bien au nom de la victime, éventuellement par le biais d’un mandat délivré par celle-ci.

  • D’autres craintes ont été exprimées par rapport à l’idée d’assistance et de coopération internationale contenue dans l’article 2(1) du PIDESC.

Le Comité a toujours différencié les Etats qui ne réalisent pas les droits économiques, sociaux et culturels par manque réel de moyens économiques et ceux qui ne les réalisent pas, faute de volonté politique. Cette différenciation pourrait être précisée, voire renforcée grâce au mécanisme mis en place par le protocole facultatif, à partir de cas concrets.

D’autre part, le protocole devrait prévoir que le Comité se montre très prudent dans l’implication éventuelle des pays pourvoyeurs d’aide : il ne s’agira pas de juger les Etats qui ne consacreraient pas une part importante de leur budget à la coopération internationale mais plutôt d’examiner la façon dont ils s’acquittent de cette coopération. En d’autres termes, l’objet est davantage une appréciation qualitative que quantitative des efforts fournis. L’examen de la coopération internationale ne devrait jamais conduire à la condamnation d’un Etat, mais se limiter à une analyse du « devoir » de coopération prévu à l’article 2(1) du Pacte.

  • Restent des points en discussion sur lesquels plusieurs hypothèses sont envisageables sans qu’aucune n’affaiblisse la portée du protocole.

Qu’il s’agisse de la création éventuelle d’un mécanisme d’urgence, de la question du suivi des recommandations émises par le Comité ou encore de la possibilité d’enquêtes sur le terrain, le débat reste ouvert.

Sur ces questions, le séminaire n’a permis de dégager aucune ligne commune. D’un côté, certains -dont les ONG- sont favorables à un mécanisme qui serait le plus intrusif possible. Mais les Etats restent globalement prudents. Il n’a donc pas pu être déterminé de position définie tranchant entre ce qui serait un mécanisme optimal et ce qui serait un mécanisme minimum dans lequel le Comité n’aurait pas tous les pouvoirs que certains groupes de la société civile voudraient lui voir accorder.

Mais, j’y insiste, le séminaire de Nantes a permis, sur un certain nombre de points essentiels, une avancée réelle, ce que démontre le large consensus pour commencer la rédaction du protocole, étape qui devrait permettre de trouver réponse aux questions encore en débat.

Le groupe de travail qui se réunira en février prochain devrait pousser encore dans ce sens et demander à la Commission des droits de l’Homme de lui donner un mandat de rédaction.