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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Florence Croidieu, Paris, 2002

Quel est le rôle de la Banque mondiale dans la reconstruction de la paix ? Une vision d’ensemble.

Présentation des actions de la Banque Mondiale pour la reconstruction de la paix: où la BM intervient-elle ? Comment ? Pourquoi ?

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La Banque mondiale est une institution très critiquée. Pourtant, on se rend vite compte que très peu nombreuses sont les critiques qui se fondent sur une réelle connaissance de ses politiques, de ses activités et de ses résultats. La Banque mondiale est assimilée à un diable qui la dépasse, la mondialisation et ses méfaits.

Cette fiche n’entre pas dans ce débat. Son but n’est pas de donner une argumentation supplémentaire pour ou contre la Banque mondiale. Elle se donne plutôt pour objectif de faire connaître l’un des domaines d’activités de la Banque mondiale, significatif et pourtant méconnu : les interventions dans les pays sortant d’un conflit. Où la Banque intervient-elle ? Comment ? Et surtout, pourquoi ?

I. Etat des lieux

En 1998, on recensait 18 pays où la Banque mondiale apportait son concours à 157 opérations post-conflits, représentant un volume de prêts de 6,2 milliards de US dollars. Cela représente une augmentation de 800 % du volume des prêts accordés en 1980 et 16 % du total des prêts accordés par la BIRD et l’IDA en 1998.

Aux vues de l’implication grandissante de la Banque mondiale dans les pays sortant d’un conflit, chacun est en droit de s’interroger sur cette situation.

Les prêts de la Banque mondiale pour les pays en sortie de crise sont essentiellement destinés à l’Afrique (56 % soit 3,5 milliards de US dollars, en 1998). Le reste est partagé entre les régions Amérique Latine et Caraïbes (16 %), Europe et Asie centrale (11 %), Moyen-Orient et Afrique du Nord (11 %), Asie de l’Est et Pacifique (4,5 %) et Asie du Sud (1 %).

Grâce à une analyse comparative des prêts effectués par la Banque entre 1977 et 1997, on dispose aussi des tendances de répartition sectorielle de ces prêts. 32,68 % des prêts ont été effectués à des fins « multi-sectorielles », c’est-à-dire pour des projets d’assistance technique, de reconstruction de première urgence (projets cherchant à répondre aux besoins sociaux et économiques les plus pressants) et de réformes macro-économiques (soutien du budget de l’Etat).

Les prêts de la Banque sont ensuite principalement partagés entre :

  • Les projets agricoles (10 %) ;

  • Les transports (9 %) ;

  • Les projets de développement urbain (8,5 %) ;

  • La santé et la nutrition (7,4 %) ;

  • Les énergies (6,6 %).

La Banque mondiale est aussi présente dans des pays sortant d’un conflit pour des services autres que financiers. Cette aide est répartie entre des activités de coordination et de mobilisation de l’aide, d’assistance technique, de recherche, d’évaluation, et un travail économique et sectoriel.

Par travail économique et sectoriel, la Banque mondiale se réfère aux activités d’analyse de la situation macro-économique d’un pays, de ses secteurs économiques et d’évaluation de la pauvreté, de l’investissement privé et des dépenses publiques. Ces études ont pour but d’identifier les priorités de l’effort de reconstruction, d’orienter les programmes en faveur des plus démunis, de favoriser la préparation des projets et de comprendre les problèmes macro-économiques. Ce travail favorise aussi la coordination de l’aide internationale en informant les bailleurs internationaux des besoins réels du pays.

II. Une approche spécifique

La Banque mondiale est une institution financière dont la principale mission est d’encourager le développement durable. Aussi faut-il garder à l’esprit que sa présence dans les pays sortant d’un conflit intervient dans le cadre général de cette mission de développement.

Il est souvent difficile, en particulier pour les organisations humanitaires, de comprendre le rôle de la Banque mondiale dans les situations post-conflit. Nombreux sont ceux qui lui reprochent de n’intervenir qu’à la fin des hostilités, au moment où les populations civiles commencent à moins souffrir. Toutes ces critiques sont le signe d’une méconnaissance du mandat de la Banque mondiale et d’une nouvelle confrontation des logiques de l’Urgence et du Développement.

La Banque mondiale est, avant toute autre chose, une banque c’est-à-dire une institution financière. Dans des situations de sortie de crise, son but est de favoriser l’effort de reconstruction et non de venir en aide aux populations civiles souffrant du conflit. De ce fait, elle n’intervient pas sur ces terrains selon la logique des humanitaires, mais selon sa propre logique d’avantages comparatifs. En d’autres termes, la Banque mondiale mène des activités pour lesquelles elle estime avoir l’expertise et les compétences requises. Il s’agit donc principalement d’activités financières ou de coordination de l’aide internationale.

Cette approche pourrait être qualifiée de partielle ou d’intéressée. En effet, chacun est en droit de penser qu’il est scandaleux de ne pas se préoccuper des besoins immédiats des populations civiles lorsque l’on travaille dans des pays sortant d’un conflit. Pourtant, en poussant cette logique à l’extrême, on pourrait imaginer que d’autres personnes adoptent un point de vue contraire et se mettent à accuser les ONG de ne pas participer à la reconstruction du pays et de mener que des projets de court terme. Ces personnes ne seraient pas plus intelligentes que les premières. En effet, la complexité des situations post-conflit, plus que toutes autres, rend nécessaire l’engagement d’acteurs différents, capables de couvrir, ensemble, les besoins à court, moyen et long termes. Ainsi, si la Banque mondiale est bien incapable de répondre à l’ensemble des besoins d’un pays sortant d’un conflit, elle n’en est pas moins l’un des acteurs de la construction de la paix.