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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Paris, décembre 2007

Historique général du mouvement associatif chinois

Mots clefs : Responsabilité sociale et exercice de la citoyenneté | Emergence d'une société civile mondiale | Lutte citoyenne pour la justice sociale | Construction d'alliances citoyennes | Liberté de réunion et d'association | Société Civile Locale | Citoyens chinois pour la paix | Présenter des réformes pour un nouveau projet de société | Soutenir l'organisation de sociétés civiles locales | Asie | Chine

Historique général du mouvement associatif chinois

L’histoire des organisations à but non-lucratif en Chine a évolué au rythme des changements politiques. On peut distinguer quatre périodes majeures :

  • La dynastie des Qing (1644-1911).

  • La période républicaine (1911-1949).

  • La période maoïste (1949-1978).

  • L’ère des réformes (à partir de 1978).

Les organismes de charité chinois sont originaires des guildes de commerçants créées sous les dynasties des Tang (618-907) et des Song (960-1279), dynasties marquées par une forte croissance économique dans les domaines agricoles et dans la production artisanale. Sous la dynastie des Ming (1368-1644), l’amélioration du réseau routier facilita la circulation des individus et sous la dynastie des Qing, de nombreuses guildes de commerçants se transformèrent en organisations de charité dédiées à soutenir leurs membres éloignés de leurs foyers. Ces organisations caritatives s’appelaient les Shang Hui et avaient pour objectif de venir en aide aux plus démunis. Elles prenaient souvent la forme de maisons de charité (Shang Tang) offrant un toit aux populations les plus vulnérables, aux veuves et aux orphelins. C’est sous cette même dynastie des Qing que fut proclamé, en 1908, le droit d’association.

Avec la chute de l’empire des Qing et l’influence croissante de l’Occident, ces organisations caritatives gagnèrent en influence et leur pouvoir continua de croître jusqu’à l’avènement de la République de Chine, fondée par Sun Yat sen en 1911. Malheureusement en raison des nombreux troubles qui bouleversèrent la Chine dès 1839 (période des seigneurs de la guerre et guerre sino-japonaise), les informations sur la société civile de l’époque sont rares et peu d’études ont été menées sur ce thème.

Les communistes prirent le pouvoir en Chine en 1949 et le 1er octobre de cette même année, la création de la République populaire de Chine fut proclamée. Suivant le modèle soviétique, tous les pans de la société furent nationalisés et l’économie planifiée. Les organisations citoyennes existantes auparavant disparurent et seul restèrent les organisations du peuple. Ces organisations qui avaient été créées par le Guo Min Dang (1) furent utilisées par les communistes lors de la guerre qui les opposa aux loyalistes dans les années vingt. Mao Zedong les utilisa pour propager l’idéologie communiste au sein du peuple. Lorsqu’il prit le pouvoir en 1949, le Parti offrit des privilèges conséquents à ces organisations, dont notamment leur participation à la Conférence consultative politique du peuple chinois. En 1950, il existait quarante-quatre de ces organisations rebaptisées « organisations de masse » (Qunzhong Tuanti), les principales étaient les suivantes :

  • All-China Federation of Trade Union.

  • Chinese Communist Youth League.

  • All-China Women Federation.

  • All-China Industry and Trade Federation.

  • Association for Science and Technology.

  • All-China Youth Federation. (2)

En 1950, le gouvernement adopta une législation concernant les organisations caritatives, elles aussi sous contrôle de l’état. Plusieurs termes existaient à cette époque pour les définir. Le terme de Minjian Zuzhi, que l’on peut traduire par « organisation citoyenne », apparut à cette période. Il tomba cependant en désuétude après que neuf organisation religieuses définies comme « organisations citoyennes » aient été bannies par le Parti pour activités anti-révolutionnaires.

La règlementation de 1950 concernant les procédures d’enregistrement des organisations caritatives insistait sur le fait que ces « associations » devaient être amies du Parti, ce qui impliquait que celles jugées comme indésirables par les communistes étaient interdites. Il n’y eut que peu de place pour le développement des organisations sociales dans la société chinoise de l’ère maoïste et ce n’est qu’avec la fin de la révolution culturelle et l’arrivée de Deng Xiaoping au pouvoir en 1978 que la situation des associations caritatives à but non-lucratif put évoluer.

L’après révolution culturelle fut une période de réorganisation complète de la société. Le IIIème Plenum du Comité central du Parti Communiste Chinois, en décembre 1978 marqua l’adoption d’une politique d’ouverture et de réforme : annonce de la décollectivisation, reconnaissance des entreprises privées, libéralisation des prix et du système de santé etc. Sous Mao, la société était organisée verticalement. Chaque citoyen était intégré dans une unité de production (unité de travail ou danwei en zone urbaine, commune ou brigade de production en zone rurale) qui lui garantissait un emploi à vie et de la nourriture chaque jour. Ce système était appelé le « bol de riz en fer » (jie wan fan). Les réformes de Deng Xiaoping et la libéralisation croissante du marché vinrent fracturer ce système. L’emploi à vie ne fut plus garanti et les activités sociales ne furent plus menées au sein de l’unité de production. Cela eu d’importantes conséquences sur le plan social. Le gouvernement se dessaisissant d’un nombre croissant de dossiers pour les confier à des gouvernements locaux parfois peu compétents, les citoyens décidèrent de réagir et commencèrent à s’organiser en association. Des directives gouvernementales vinrent encourager ce mouvement.

Dans les années quatre-vingt, le gouvernement pris conscience de l’utilité que pouvaient représenter les organisations indépendantes. Il stimula alors leur création en lançant plusieurs campagnes destinées à impliquer davantage le peuple, désigné sous l’appellation de « forces sociales » (Shehui Liliang) dans la gestion de la société. La première de ces campagnes intitulée « Les forces sociales pour l’éducation » (Shehui Liliang banxue) débuta en 1980. Elle fut immédiatement suivie par l’adoption d’une nouvelle règlementation sur les organisations caritatives. Bien que cette nouvelle règlementation n’apporta pas de changements notoires à la situation des associations chinoises, le contexte de mobilisation sociale des années quatre-vingt entraina néanmoins la création de nombreuses associations relativement indépendantes des structures étatiques. Leur nombre de cessa de croitre, encouragé par les nouvelles séries de campagnes telles que celle du début des années 90 intitulée « Grande société, petit gouvernement » (Da shehui, xiao zhengfu).

C’est à cette même période que fut créé, au sein du ministère des affaires civiles, le département des organisations sociales en charge de la gestion du « troisième secteur » (3).

Lors des manifestations de la place Tiananmen en 1989, le gouvernement prit conscience de la force de contestation qui pouvait exister et se manifester au sein du peuple. Au lendemain de Tiananmen, les organisation sociales furent sévèrement contrôlées. Entre 1989 et 1992, leur nombre passa de 1 600 à 1 200 au niveau national et de 200 000 à 180 000 au niveau local. Cependant, dès 1992, la pression se relâcha. La Chine participa au Sommet de Rio et mit en place son propre Agenda 21 en faveur du développement durable, incluant la participation à sa réalisation de nombreuses associations. Trois ans plus tard, en 1995, une autre grande manifestation représentative de la société civile mondiale se tint à Pékin : la Conférence Mondiale des Femmes. Petit à petit, le mot d’Organisation Non-gouvernementale pénétra la société chinoise. Certaines techniques de collecte de fonds firent également leur apparition en Chine avec succès, comme par exemple la grande campagne de collecte organisée par la Charity Foundation lors de la crue du Yangzi en 1998. Cette collecte de fonds restée, aujourd’hui sans égale, marqua un tournant dans la vie des associations chinoise. Pourtant, la position des autorités chinoises vis-à-vis du monde associatif reste pour le moins ambigüe.

Alors que l’on comptait plus de 200 000 organisations sociales dans le milieu des années 1990, l’année 1999 en recensait 162 887. C’était le résultat d’un amendement de la loi d’enregistrement et de gestion de 1989, amendement qui pris effet en 1998 et imposa un contrôle plus rigoureux des organisations sociales et un ré-enregistrement des associations déjà existantes, ce qui entraina la fermeture de 37 000 d’entre elles.

La constitution chinoise garanti l’existence du monde associatif avec son article 35 : « Les citoyens de République populaire de Chine jouissent des libertés d’expression, de réunion, d’association, de manifestation et de la liberté de la presse ». Or à ce jour, cet article reste un vœux pieux. La légalisation de 1998 est toujours en vigueur, obstacle majeur à l’émergence d’une société civile dynamique. Le début de l’année 2007 a vu la fermeture de nombreuses associations, et notamment d’associations étrangères comme China Development Brief. Si la Chine change au rythme de son ouverture au monde, et si son gouvernement s’attelle à démonter les déviances fréquentes des états forts, avec la mise en place actuellement d’un programme de recherche sino-européen sur la corruption et la bureaucratie, les défis posés par l’ouverture économique et, à fortiori, sociale, augmentent la méfiance du gouvernement chinois à l’égard de la société civile, alors même qu’il a déjà pris conscience de son rôle inévitable.

Notes

  • (1) : Parti nationaliste fondé par Jiang Jieshi (Chang Kaishek). Ce parti fut au pouvoir en Chine lors de l’instauration de la République en 1911. Il est aujourd’hui basé à Taiwan.

  • (2) : Ces organisation sont aujourd’hui également considérées comme des organisation sociales, sorte de pont entre le Parti et le peuple et relais de la propagande officielle. Elles ont pourtant un statut particulier, n’étant pas comme les autres enregistrées auprès du ministère des affaires civiles et étant étroitement liées au gouvernement.

  • (3) : Autre appellation de la société civile.