Irenees
a website of resources for peace

Irenees.net is a documentary website whose purpose is to promote an exchange of knowledge and know-how at the service of the construction of an Art of peace.
This website is coordinated by
Modus Operandi


Print

Paris, 2008

Ressources naturelles et paix au Brésil : en quoi la question de la terre au Brésil est-elle facteur de conflits ?

Le problème de la redistribution des terres et de la démocratisation d’accès à la terre.

Keywords: | | | Brazil

Introduction

Le Brésil est un pays grand comme quinze fois la France avec ses 850 millions d’hectares dont 390 millions sont utilisables pour l’activité agricole. Mais 120 millions d’hectares demeurent en jachère soit l’équivalent des superficies de la France, l’Espagne, la Suisse et l’Autriche réunies. Pourtant des millions de paysans n’ont soit pas assez de terre à cultiver (petits exploitants des minifundios) soit pas du tout, ceux qu’on appelle les sans terre. Depuis la colonisation du Brésil par les Portugais en 1500, les élites, c’est-à-dire les grands propriétaires fonciers, se sont farouchement opposés à toute démocratisation de l’accès a la terre, c’est pourquoi la société rurale brésilienne reste profondément inégalitaire : 60 % des surfaces rurales appartiennent à moins de 3 % des propriétaires, ce qui fait du Brésil le deuxième pays où la concentration foncière est la plus forte. A cause de cette concentration foncière on compte environ 5 millions de familles sans terre, soit plus de 25 millions de personnes, ce qui alimente la pauvreté. La question d’une réforme agraire : c’est-à-dire le processus de redistribution ou de déconcentration de la terre, est soulevée de manière récurrente. Mais au delà de la redistribution des terres c’est la démocratisation d’accès à la terre qui est en jeu, et à laquelle les propriétaires fonciers sont opposés. Dans ces conditions nous verrons pourquoi la question de la terre au Brésil est facteur de conflits. Conflits qui n’ont cessé de se politiser depuis la création du MST en 1985, devenu le 1er mouvement paysan du Brésil, qui a donné une plus grande visibilité et a sensibilisé la cause des sans terre et démontré l’urgence d’une réforme agraire au Brésil mais aussi au niveau international notamment par sa participation aux Forum mondiaux. Mais le MST n’est pas une nouveauté dans l’histoire brésilienne, il incarne la poursuite des luttes paysannes qui ont existé depuis le début de la colonisation Portugaise.

I. Origines des conflits liés à la question de l’accès à la terre qui ont amené à la création du Mouvement des sans terre, MST, qui a renouvelé la lutte paysanne

A. Comprendre le Mouvement des sans terre au Brésil : création, identité, moyens d’action…

Pour comprendre la création du MST en 1985, son identité, les moyens d’action qu’il emploi, sa politique pour atteindre ses objectifs, nous devons revenir sur les raisons de sa création qui remonte à la colonisation du Brésil par les Portugais en 1500.

La lutte pour la terre naît dès l’arrivée des Portugais puisque le latifundio traditionnel naît à cette époque. Les élites s’approprient les terres et dépossèdent les indigènes en vue de pratiquer une agriculture intensive pour l’exportation. C’est donc dès cette époque que se met en place une économie exogène qui continue d’être aujourd’hui encore la priorité des propriétaires fonciers au détriment du développement du commerce intérieur. Et c’est aussi à cette époque que commence la lutte pour le droit d’accès à la terre, lorsque les indigènes expropriés se rassemblent pour revendiquer leurs droits de chasser et de cultiver. Le conflit datant d’il y a plus de cinq siècles j’ai choisi de retenir les moments forts de la lutte paysanne qui permettent d’expliquer que le conflit ait perduré et qu’il soit devenu en plus d’un conflit de genre économique autour de l’accès à la terre, un conflit social et politique.

Au 19ème siècle le conflit commence à s’institutionnaliser. Les « lois de terre » de 1850 visent à attirer les immigrants pour les mettre au service des latifundios en les empêchant d’acheter des terres. L’objectif est de féodaliser les paysans et non pas d’en faire des propriétaires puisque les élites veulent conserver le monopole foncier pour conserver le monopole économique. Entre 1850 et 1910 de nombreux groupes de paysans sans terre tentent de s’organiser. Les gouvernements les réduisent au silence par la force. Prenons le cas d’Antonio Concelheiro, homme d’église, qui part en croisade contre la misère frappant la région déshéritée de Sertao. Il parcourt les campagnes en prêchant la parole de Dieu et les idéaux communautaires. Bientôt il fonde une « cité idéale », appelée Canudos. La communauté repose sur des croyances de respect mutuel et de liberté. Le gouvernement s’inquiète du succès de cette expérience et y envoie l’armée qui tue hommes, femmes, et enfants. Ils mettent ainsi fin au premier acampamento de l’histoire du Brésil. Mais le souvenir d’Antonio Conselheiro reste très présent dans la mémoire collective des sans terre et cette expérience reste un modèle. Nous pouvons citer d’autre cas où l’armée est directement intervenue contre les paysans :

  • En 1896-97 lorsque la moitié de l’armée intervient contre des milliers de paysans à Canudos (Bahia);

  • En 1912-16 lors de la guerre de Contestado, l’armée s’oppose à 20 000 rebelles paysans qui luttaient pour le droit d’occupation de la terre.

L’intervention militaire au lieu de détruire le mouvement paysan le pousse à s’organiser efficacement sur les bases de la solidarité paysanne. En plus de la résistance à l’armée, la politique législative qui marginalise les paysans pousse aussi ces derniers à s’organiser pour faire entendre leur voix. Citons la législation sociale et syndicale de 1930 qui reconnaît des droits aux ouvriers urbains mais qui prend soin d’en écarter les travailleurs agricoles. C’est ainsi qu’apparaissent dans les années 1960 les ligues paysannes, telles que l’Union des Laboureurs et Travailleurs agricoles et la Ligue paysanne qui font entendre la voix des campagnes. La révolte des Trombas et Formosos va plus loin puisqu’elle aboutit à la création d’un territoire libre dominé par les paysans.

Le coup d’Etat du 31 mars 1964 aboutit à l’établissement d’une dictature militaire (1964-1984) qui ratifie une loi sur le Statut de la Terre. Cette première proposition de réforme agraire de toute l’histoire du Brésil, accordée sous la pression populaire, autorise l’expropriation sur les grandes propriétés mais en fait n’est pas appliquée. Au contraire le gouvernement afin d’encourager la modernisation des {latifundios, accorde des crédits aux grands propriétaires qui en profitent pour racheter les terres des petits paysans}} qui se retrouvent alors dans l’obligation de vendre. Ainsi les minifundios qui représentent 67 % des propriétés occupent moins de 10 % des terres alors que les latifundios qui représentent 29 % des propriétés contrôlent 85 % du total des terres. En contrepartie le gouvernement pense trouver une solution dans la mise en place de programmes spéciaux de développement régional. Prenons l’exemple du programme PIN en 1970 qui visait à l’intégration des hommes sans terres du Nord-Est aux terres sans hommes d’Amazonie. Cette politique dite des « espacos vazios » (espaces vides) fut un échec car ces terres sont peu fertiles. Cette réforme ayant eu comme effet de favoriser la concentration des terres au lieu de mettre en place une juste répartition des terres (seulement 9300 familles ont été installées en 15 ans) a précipité l’exode rural. En effet cette période est marquée par un fort exode rural qui accroît la pauvreté dans les villes. Le Brésil a connu l’un des processus d’urbanisation des plus rapide de l’histoire moderne : en 1950 la population rurale s’élevait à 70 %, au début des années 1990 elle ne représentait plus que 20 %. D’autres part les ligues paysannes sont sérieusement réprimées sous la dictature militaire : leurs dirigeants sont assassinés ou forcés d’exiler. Cette période est appelée la « paix des cimetières ». Si la dictature militaire est caractérisée par la répression des ligues paysannes, la victoire des Indiens Kaingang marque une date importante pour comprendre la continuité des revendications paysannes. En 1970 les Indiens Kaingang qui refusent d’abandonner leur terre en obtiennent la propriété. Cette date marque un tournant décisif dans le combat pour la terre au Brésil, surtout leur exemple a grandement contribué à redonner espoir à tous les exclus du pays. Entre 1979 et 1984 les différents mouvements de paysans sans terre s’organisent dans le Rio Grande Sul (Etat de Sao Paulo) un Etat qui n’est pas le plus pauvre mais où le potentiel militant est élevé aussi bien dans les campagnes que dans les villes car suite aux expropriations ou ventes forcées de nombreux ruraux se retrouvent urbanisés contre leur gré comme nous l’avons vu. La première occupation de terres improductives eut lieu le 7 septembre 1979. De façon générale les années 1980 sont caractérisées par l’aggravation des conflits liés à la terre surtout dans le Nord du pays, si bien qu’un Ministère extraordinaire pour les questions agraires est crée mais ne permet que la régulation de titres de propriétés des posseiros. En janvier 1985 le Mouvement des Sans Terre est officiellement fondé dans un contexte de démocratisation du régime politique et de reconstitution des réseaux de la société civile.

En effet l’établissement en 1985 d’un régime démocratique permet un nouvel élan des revendications paysannes avec l’officialisation des questions qui touchent à la réforme agraire ; l’article 184 de la nouvelle Constitution déclarant : « il incombe a l’Union de désapproprier, par intérêt social, aux fins de reforme agraire, le bien rural qui n’accomplit pas sa fonction social ». Le gouvernement de José SARNEY élabore un Plan national de Réforme qui prévoit l’installation de millions de familles, 1 400 000 sur 5 ans exactement (il n’y aura que 90 000 familles bénéficiaires). L’INCRA (Institut national de la colonisation et de la réforme agraire) est chargé de procéder aux expropriations en échange desquelles les fazendeiros, grands propriétaires terriens, reçoivent des titres de la dette agraire (c’est-à-dire que leurs terres sont rachetées par l’Etat mais sur vingt ans). Les propriétaires répondent à ce qu’il considèrent comme une menace contre leur monopole par la création de l’Union de la Démocratie Rurale afin d’organiser la défense des fazendeiros (propriétaires) par un lobbying politique. Les grands propriétaires institutionnalisent ainsi leurs revendications et ne se contentent pas de l’exprimer par le seul recours à la violence contre les paysans qui envahissent leurs terres. Avec l’émergence de la démocratie le combat des Sans Terre prend de l’ampleur et devient une vraie question pour le gouvernement. D’autre part le régime démocratique permet aux paysans et aux propriétaires d’institutionnaliser leurs revendications ce qui aboutit de fait à une institutionnalisation et donc une politisation du conflit sans pour autant mettre fin à la violence sur le terrain.

B. Comprendre le Mouvement des sans terre au Brésil : nature, objectifs…

Pour comprendre la nature, les objectifs voir la mystique du MST il faut revenir sur la façon dont il est né et sur son identité.

La création des mouvements paysans a été soutenue par l’Eglise et surtout le CPT (Conseil Pastoral des Terres fondé en 1975 qui a formé de nombreux dirigeants paysans). Le CPT est inspiré par le socialisme chrétien qui s’appelle théologie de la libération, c’est-à-dire création d’une société nouvelle fondée sur l’amour, la justice et la liberté. Soutenant l’idée d’une société égalitaire le CPT s’oppose au capitalisme et au néo libéralisme. La deuxième idée de cette théologie de la libération est que les pauvres ne sont pas perçus comme des victimes et des objets de compassion et de charité mais comme des acteurs de leur propre histoire. Nous comprenons l’importance de cette idée dans l’action mise en œuvre par les mouvements paysans. En vue de coordonner les luttes paysannes le CPT est à l’origine de la création du MST. Ainsi même si en janvier 1984 les mouvements paysans déclarent lors d’une rencontre régionale à Cascavel (Panama), leur autonomie par rapport au CPT ainsi qu’à toute autre institution, ils affichent leurs objectifs : « des réformes agraires en vue d’une société juste et égalitaire à la différence du capitalisme ». L’essence de la théologie de libération est conservée mais laïcisée. En janvier 1985, le MST est officiellement fondé lors du 1er Congrès des associations des paysans pour dénoncer le Statut de la Terre qui a d’avantage servi à la concentration de la propriété foncière qu’à une redistribution. Aujourd’hui le mouvement est présent dans 25 des 27 Etats qui composent le Brésil. Le MST rassemble posseiros (ceux qui cultivent la terre sans titre), les paysans et salariés agricoles, mais aussi les urbanisés involontaires (ceux qui ont été exclu de leur terre) contre la structure inégalitaire de la propriété de la terre et de la réforme agraire. Le Mouvement est donc entre autre caractérisé par ses origines religieuses et par le fait qu’il naît de la base, des plus pauvres de la société brésilienne. Sur les 23 millions de travailleurs ruraux, 10 millions ont trop peu de terre, 7 millions travaillent comme journalier et 5 millions de familles sont sans terre (ce qui représente 25 millions de personnes). Auxquels il faut ajouter les posseidos qui utilisent la terre sans titre de propriété.

Le MST place son combat pour la réforme agraire dans la perspective de contestation globale du modèle libéral. En effet l’irruption du libéralisme économique et du capitalisme ont bouleversé le jeu économique et laissent les petits paysans dans le dénuement le plus total. Les entreprises d’agroalimentaire se sont attribuées des terres publiques avec l’aide des gouvernements successifs au détriment des paysans. L’objectif du MST est de nourrir ceux qui travaillent la terre. Son combat est donc de faire émerger une agriculture paysanne d’autoconsommation mais aussi commercialisée par l’intermédiaire de coopératives. Entre le MST et les propriétaires fonciers se sont deux visions de l’agriculture et de la société qui s’affrontent. L’agriculture exportatrice des grands groupes agro industriels, liés à des entreprises transnationales, en vue de profiter au mieux du libéralisme économique alors que le Brésil est en situation de dépendance alimentaire, contre le MST qui souhaite favoriser une agriculture paysanne qui nourrisse les brésiliens, développe le pays et fasse reculer la pauvreté. Le MST dénonce les limites et les perversions d’un système agro exportateur, ainsi que ses nombreux paradoxes. En effet le Brésil est l’un des principaux producteurs d’aliments au monde. Les experts estiment que sa production aurait pu nourrir 300 millions de personnes or 32 millions de brésilien ne mangent pas à leur faim. L’autre paradoxe est que les grands domaines fonciers drainent l’essentiel des subventions gouvernementales alors que ce sont les petits exploitants qui fournissent plus de la moitié du marché intérieur. De plus, d’immenses fazendas qui sont laissés à l’abandon et consacrés à l’élevage très extensif font l’objet de spéculation financière ou servent de couverture au détournement de fonds. Sur le plan sociétal ce sont aussi deux visions qui s’opposent. Une vision de la société inégalitaire où le fossé se creuse entre les plus riches et les plus pauvres (au point que certains spécialistes parlent d’apartheid socio-spacial) contre l’idéal d’une société égalitaire, juste, démocratique qui infléchisse les tensions sociales. Le conflit est donc social entre deux franges de la société, économique entre deux façons de penser les objectifs de l’agriculture et idéologique autour de l’idée d’intérêt général.

Ce combat presque idéologique que mène le MST pour l’avènement d’une société nouvelle ne l’empêche pas d’agir avec une rationalité moderne, en se donnant des objectifs immédiats et concrets.

C. Le renouvellement du combat des paysans par le MST

Le MST renouvelle le combat des paysans pour l’accès à la terre et la réforme agraire en déployant une nouvelle méthode d’action : la pression sociale organisée dont l’objectif est de nourrir ceux qui travaillent la terre.

Cette pression sociale organisée s’incarne par l’occupation de certaines terres improductives ou en friches, qui devient la principale forme d’accès à la terre. Sur ces terres sont établis des campements démocratiques et autogérés dans un esprit d’idéal communautaire. Ces campements sont appelés acampamentos. Il s’agit de campements sauvages, sur des terres publiques, le long des routes où les familles s’installent dans des tentes couvertes par des bâches noires. Les terrains sont identifiés par le MST généralement à proximité de terres en friches. Sur ces acampamentos le MST propose une préparation à l’installation à la terre. Les familles y sont formées aux idées et à la pratique du MST. Elles se structurent en nucléo par groupe de dix, élisent des coordinateurs, développent des réflexions collectives sur leur prochaine installation. Les thèmes de l’éducation, de la santé, de la sécurité sont omniprésents. On compte aujourd’hui environ 75 000 familles qui vivent dans 600 acampamentos. Les familles qui ensuite bénéficient de la réforme agraire s’installent dans des assentamentos où elles obtiennent la propriété de leur terre et donc ont accès au crédit bancaire pour faire progresser leurs activités. Le choix des familles pour occuper ces terres se fait de manière collective en fonction de leur préparation et de leurs affinités afin de faciliter par la suite la mise en place de structures collectives de travail, comme les coopératives. Aujourd’hui 350 000 familles vivent dans 1600 assentamentos. Chaque famille membre d’un assentamento fait partie d’un nucléo (noyau) qui regroupe 10 familles. Chaque nucléo élit un coordinateur et une coordinatrice. Donc l’assentamento fonctionne comme l’acampamento. Chaque secteur du MST est représenté dans les nucléos : production, éducation (des enfants puis formation des jeunes adultes) communication, culture, droits de l’homme, environnement et santé. Ainsi l’organisation du MST repose bien sur sa base. La prise de décision revient à un aller-retour constant entre la base et les différents niveaux de représentativité. Dans les assentamentos le MST met en place des coopératives de production, de commerce et de services qui permettent la mise en valeur des terres et donc de répondre à une demande alimentaire tout en développant l’activité dans les campagnes. Le MST a même créé un Système Coopératif des Assentados qui coordonne et organise les demandes émanant des producteurs : formations de techniciens, conseil de gestion des coopératives, études de marché, viabilité économique des investissements. Mais l’installation des familles dans les assentamentos est le résultat de la mise en application de la réforme agraire qui est au cœur du conflit.

En 1990, la politique néolibérale fait avancer le chômage. Les occupations de terre se multiplient devenant la principale forme d’accès à la terre. Le mouvement se territorialise pour une meilleure action. L’objectif du MST est de pousser les autorités à mettre en application la réforme agraire inscrite dans la Constitution de 1985, en transformant les acampamentos en assentamentos, c’est-à-dire en installations officielles où les familles obtiennent un titre de propriété. Mais l’occupation peut durer des mois voir des années. Souvent les Sans Terre sont expulsés par la police. Chaque année on compte des dizaines de morts le plus souvent par des hommes de mains des propriétaires fonciers et la police corrompue avec qui la justice reste silencieuse. Mais dans certains cas la forte visibilité des occupations et leurs soutiens par l’Eglise, les syndicats et partis de gauche obligent le gouvernement à négocier. Le MST cherche, à travers l’occupation des terres, à créer un fait politique qui sensibilise le gouvernement à la réforme agraire. D’autre part l’action collective transgressive des règles du jeu politique afin de donner une visibilité maximale au conflit a beaucoup joué à la popularisation du mouvement. La synthèse réussie d’utopie et de réalisme a contribué à faire du MST non seulement l’expression organisée de la lutte des pauvres des campagnes pour la réforme agraire mais aussi la référence centrale pour toutes les forces de la société civile qui lutte contre le néo-libéralisme. C’est pourquoi le MST devient le mouvement paysan principal et obtient en 1991 le Prix Nobel Alternatif. Cependant même si le MST est devenu le mouvement le plus important et le plus représentatif des paysans, qu’il a acquit une visibilité et une notoriété à l’échelle nationale et mondiale, les luttes pour l’accès à la terre se poursuivent autour de la question des reformes agraires. Pour Konder Comparato « la question foncière demeure une clé du mal développement du Brésil » ( L’action politique des sans terre au Brésil). Et Manuel Gorreira Andralade, géographe brésilien, affirme que si le Brésil connaît une crise et se présente comme un pays pauvre c’est à cause de sa classe dominante qui exploite les moins favorisés et collaborent à l’exploitation faite par les groupes transnationaux. Dans les années 90 le libéralisme s’installe au Brésil et lors du mandat du Président Fernando Collor de Mello (1990-1992), le mouvement est durement réprimé. Mais José de Souza Martin , sociologue brésilien, souligne que plus le mouvement est réprimé plus il se politise. C’est en 1995 avec l’élection de Fernando Henrique Cardoso que la question de la réforme agraire refait son apparition sur le plan politique quand le MST est admis comme interlocuteur direct.

II. Ambiguité du gouvernement Cardoso au sujet de la réforme agraire :

Le Brésil a connu l’un des processus d’urbanisation les plus rapides de toute l’histoire moderne. En 1950, la population des zones rurales était de 70%. Au début des années 90, un exode rural important a eu lieu, ce qui a réduit à 20 % les populations rurales.

A. Réformes Cardoso : paralysie ou gradualisme ?

1994 : les travailleurs sans terres sont toujours en exil, les violences de la police militaire ne cessent de s’accroître et restent impunies.

Le 3 octobre 1994, Fernando Henrique Cardoso, candidat du parti de centre-gauche (PSDB, Parti de la social-démocratie brésilienne) est élu président de la République. Il fut réélu en 1998. Figure de proue de l’opposition au régime militaire, ancien ministre de l’Economie et des Finances d’Itamar Franco, il comprit qu’il fallait innover dans la manière d’envisager et de résoudre le problème des sans terres. Il a souvent été critiqué pour ses alliances avec les partis conservateurs.

Un de ses objectifs était d’installer 280 000 familles en quatre ans. Ce qui était à la fois modeste compte tenu de l’ampleur du problème foncier brésilien, et audacieux, si on le compare avec ce qui a été fait au cours de l’histoire du pays (en effet, seulement 300 000 familles installées en 30 ans depuis la promulgation du statut de la terre, en 64). Mais il a tenu son engagement, et à en plus reconnu le MST comme interlocuteur direct.

Cardoso : « Le Brésil n’est pas un pays sous développé, c’est un pays injuste », phrase qu’il n’a cessé de répéter durant sa campagne. Il estime que l’Etat brésilien ne peut plus, comme par le passé, financer à lui seul le processus de développement.

Réformes sous Cardoso :

Le gouvernement Cardoso a rénové plusieurs programmes de soutien :

  • Créé en 1985, PROCERA (le programme de crédit spécial pour la réforme agraire), qui consiste à garantir des fonds subventionnés dont la moitié sera acquise aux familles installées qui n’auront pas à les rembourser au gouvernement. PROCERA porte réellement ses fruits lorsqu’on été affectés 89 millions de réals en 1995, en faveur de 18 000 familles. Ces nombres s’accroissent au fil des années.

  • Le projet LUMIAR : assistance technique passe par le Ministère extraordianaire de la Politique Foncière, coordonnée conjointement avec l’INCRA, le ministère de l’agriculture, le Banco do Brasil, do Nordeste et da Amazonia, les organismes représentant les travailleurs ruraux et une délégation des gouvernements des Etats. 500 équipes et 2 000 techniciens pour 150 000 familles. Fonds : 70 millions de réals en 1997

  • Le projet EMANCIPAR : les structures d’installation en milieu rural n’ont jamais connu « l’émancipation ». Cela signifie qu’elles sont depuis leur installation sous la tutelle du gouvernement fédéral par le biais de l’INCRA. Cette situation est inacceptable et injuste, car c’est la société toute entière qui en paye les frais. En effet, cela créer des injustices par cette sorte de paternalisme qui privilégie ces agriculteurs au détriment des autres petits propriétaires et de l’ensemble de la population pauvre.

C’est la raison pour laquelle le gouvernement Cardoso a mis au point le projet EMANCIPAR, qui vise à assurer le droit à l’indépendance financière à tout citoyen bénéficiaire du programme des réformes agraires. Rappelons que les installations sont considérées comme en état d ‘émancipation quand leur pleine capacité à recevoir des familles est atteinte, leur situation domaniale est définie, leurs services et travaux de base réalisés ou en chantier, et quand la communauté est insérée du point de vue économique et social dans l’économie locale et régionale.

  • Le programme de la Banque Interaméricaine de Développement (BID). Le programme d’émancipation a été soutenu par un projet pilote financé par la BID. Il concerne 25 000 familles notamment dans les régions Nord, Nord Est.

  • Le programme CEDULA DA TERRA : ce programme négocié avec la Banque Internationale pour la reconstruction et Développement (BIRD) fonctionnera comme un crédit coopératif et sera considéré comme une expérience pilote, d’un nouveau modèle de politique foncière, dans la mesure où celle ci sera intégrée au marché, sans dépendre du gouvernement à chaque étape du processus, surtout lors de son exécution. Le programme CEDULA DA TERRA a été étendu de façon à bénéficier à n’importe quel type d’entreprise, y compris aux sociétés privées et aux organisations non-gouvernementales. La mise de fond a été répartie ainsi : 45 millions de réals de Banco do Brasil destinés à l’achat de terre, 90 millions de réals de la Banque Mondiale pour le financement d ‘infrastructures collectives de production sociales, et 15 millions venant de groupes de travailleurs concernés, soit au total 150 millions de réals. Ce programme, certes, permet à quelques paysans sans terre de bénéficier d’un crédit mais il profite bien plus aux entreprises privées.

  • Le projet CASULO : il s’agit d’un projet de partenariat entre le gouvernement fédéral, les Etats et les communes, pour décentraliser et accélérer la mise en œuvre des projet de réforme agraire. Il prévoit que les municipalités et les gouvernements des Etats devront établir conjointement avec l’INCRA un registre des agriculteurs sans terre, et d’identifier les terrains publics disponibles, appartenant à la commune ou à l’Etat concerné, ou pouvant être achetés.

Autres actions :

Le « Premier atlas foncier brésilien » : élaboré par le ministère Extraordinaire de la politique Foncière, et publié en 1996, cet atlas montre que le schéma de concentration des terres n’a pas beaucoup changé au Brésil au cours des 40 dernières années. S’appuyant sur ces informations, le gouvernement a pu accélérer le processus de réforme agraire, et surtout, procéder à une réévaluation des lois agraires du pays.

Ces programmes sont le fruits de deux mandats. L’administration Cardoso a été plutôt active mais pas de manière suffisante. Mais cela est un mieux quand ces actions sont comparées à l’inaction des gouvernements du passé. Et ces projets de politiques agraire sont rendus inefficaces par la corruption des dirigeants et aux nombreuses inégalités qui sévissent au Brésil, et plus largement en Amérique Latine.

A une époque marquée par la mondialisation des marchés, par les avancées technologiques, et par une très forte concurrence, se limiter à distribuer des terres aux paysans pauvres ne pouvait qu’avoir l’effet contraire à celui souhaité : loin de conduire à la justice sociale, une telle action ne ferait que reproduire un schéma de pauvreté en milieu rural. Ainsi, outre les politiques de réforme agraire, le gouvernement Cardoso, contrairement aux précédents, n’a pas omis les points importants et nécessaires à la réelle réussite de ces réformes agraires. En privilégiant l’agriculture familiale et en formulant une stratégie visant à créer davantage d’emplois mieux rémunérés en milieu rural, grâce à une augmentation de la production, de la productivité et du salaire réel des travailleurs, mais tout cela effectué à toute petite échelle comparé au nombre d’inégalités.

Ces engagements furent tenus. C’était peut-être d’ailleurs la plus grande victoire jamais obtenue par la cause de la réforme agraire au Brésil, que d’avoir été capable de rendre irréversible le processus de redistribution des terres.

Il est clair que le problème du gouvernement n’est pas seulement de disposer de terres à distribuer. Si c’était le seul problème, cela pourrait se résoudre en quelques années. Mais donner des terres ne suffit pas. Il faut mettre en place des programmes et des actions coordonnées par plusieurs ministères et institutions publiques chargées des conditions de vie des familles installées, des crédits subventionnés pour l’agriculture, de la construction de logements, de routes, d’entrepôts, d’écoles, de dispensaires, de l’alimentation et de la création de coopératives… En d’autres termes, le défi de la réforme agraire est d’assurer la viabilité économique des installations. Qui peuvent être en difficultés face à la mondialisation, à la monoculture des puissantes exploitations, destinée à être exportée, à la modernisation des techniques agricoles… Tout cela requiert des subventions à attribuer aux petits pour ne pas qu’ils se retrouvent hors jeu face à la concurrence sévère.

B. La lutte contre la violence et l’impunité :

Le MST est mène une lutte sans relâche contre le gouvernement mais celui-ci tente de désorganiser le mouvement en utilisant :

  • Des avantages personnels donnés aux dirigeants du MST ;

  • La répression, des procès contre des dirigeants du mouvement, des infiltrations d’espions…

  • Le gouvernement fait passer le MST pour criminel (en l’accusant d’envahir des propriétés privées) ;

  • La décentralisation de la réforme agraire (engagée par les régimes militaires dans le passé mais maintenue sous Cardoso d’une certaine façon). C’est un programme pour un état. Afin d’éviter que la lutte des sans terres soit contre un gouvernement fédéral, pour éviter la révolte nationale ;

  • La suppression des crédits accordés aux paysans sans terre qui ont obtenu un titre de propriété en accusant le MST de gaspiller les crédits publics.

Quoiqu’il en soit, en 1997, c’est la marche vers Brasilia. Le gouvernement perçoit alors la force du MST. Son attitude oscille alors entre écoute et répression vis-à-vis du MST. Ici se pose la question de ce qui est légal ou pas. La complexité du problème de la terre au Brésil est ancrée dans la difficulté à rétablir la justice quant aux véritables propriétaires des terres en question. Le gouvernement accuse le MST de s’introduire par effraction dans des propriétés privées, ce qui est illégal et puni d’1 à 3 ans de prison. Mais les terres envahies appartiennent-elle réellement à ceux qui se proclament être les propriétaires ? Ce qui est illégal ou ce qui ne l’est pas demeure un grand débat au Brésil. Ce conflit remonte au 16ème siècle, lors de l’invasion des Portugais.

En dépit de la persistance des abus perpétrés par les différents corps de police, notamment dans les conflits sur l’usage de la terre en milieu rural, la reconnaissance par l’Etat d’actes illégaux commis par des membres des forces armées dans la répression menée à l’encontre des opposants au régime militaire et le vote d’une loi d’indemnisation des familles des morts et des disparus ont été salués comme un signe tangible de rupture avec le passé autoritaire et corrompu.

Néanmoins, deux faits nuancent la portée de ce geste :

  • L’influence toujours importante des militaires dans la vie politique brésilienne est prouvée par l’ajournement, sur demande des militaires, en août 1996, de l’indemnisation des familles responsables d’organisations engagées dans la lutte armée contre l’autoritarisme.

  • Et l’extension du bénéfice de cette loi à l’indemnisation aux familles de membres des forces armées victimes des affrontements avec les clandestins, familles percevant déjà des pensions.

C. Les conflits

La grande majorité des conflits liés à la terre qui surviennent au Brésil, résulte de l’absence de titres de propriété et de démarcation des surfaces occupées. C’est la catégorie des petits « posseiros » qui est la plus en proie à la violence. Il existe au Brésil plus d’un million de « posseiros », la plupart petits exploitants agricoles, qui ne sont pas propriétaires, mais qui vivent et produisent dans les grandes « fazendas » privées peu cultivées par leurs propriétaires ou sur des terres inoccupées appartenant au domaine public.

Victime en permanence des « grileiros » (qui tentent de s’approprier des terres en falsifiant des titres de propriétés), les petits « posseiros » sont souvent expulsés par ces derniers et finissent par occuper des terres indigènes, ce qui crée une situation de tension avec les populations d’origine. C’est pourquoi, dans ces régions d’occupation plus récente, la mesure foncière la plus importante, pour mettre un frein à la violence en milieu rural, n’est pas de défendre les véritables « posseiros » contre les abus des « grileiros ».

Toutes les tentatives faites au niveau des Etats par les gouvernements successifs, pour résoudre ce problème ont échoué suite aux pressions politiques, aux restrictions budgétaires et aux lenteurs des actions en justice. Le gouvernement fédéral de Cardoso a fourni 30 millions de réals au gouvernement de l’Etat de Sao Paulo, pour payer les travaux d’aménagement sur les terres inoccupées en cours de régularisation, destinées à la réforme agraire. Une direction régionale spéciale de l’INCRA a également été créée en 1996, suite aux conflits concernant le droit de la terre.

Les gouvernements successifs ont bien saisi l’importance de la réforme agraire et de son application. Seulement, entre la cruauté de la police militaire, les pressions des puissants « fazendeiros » et de leurs amis politiques, alliés à une puissante bureaucratie, tout cela fait obstacle aux bonnes intentions.

Par exemple, pourquoi la police militaire peut tuer impunément sans être jugée ?

La police militaire, actrice d’innombrables bavures, trouve toujours le moyen d’être peu ou prou réprimandée, en usant et abusant de subterfuges pour faire corps avec l’institution et laisser traîner les dossiers.

Il est prouvé que les installations réussies relancent et stimulent l’économie locale, soit des avantages économiques et sociaux pour la communauté toute entière. Pourtant, il semble que des intérêts particuliers priment dans ce pays. Et les avancées établies durant la présidence de Cardoso, sont très insuffisantes.

L’arrivée au pouvoir de Lula est symbolique du changement qu’a souhaité la population. Un nouveau souffle était vital la question de la réforme agraire ; qui reste encore un vaste chantier à ce moment là. Mais le gouvernement Lula saura t-il résoudre la complexité de ces problèmes enracinés de répartition des terres. Et saura t-il faire face à la corruption régnante, qui paralyse la justice?

III. Lula et la réforme agraire : entre espoirs et désillusions

L’accession de Lula au pouvoir en 2002 était porteuse d’espoir entre autre d’une relance de la réforme agraire. Le MST a même largement contribué à le faire élire lui apportant tout son soutient malgré le caractère hétéroclite de la coalition qui l’a porté au pouvoir.

En effet, Lula est à la fois soutenu par le MST mais fait place par ailleurs à l’agrobusiness, en nommant Roberto Rodrigues, grand entrepreneur rurale à la tête du ministère de l’agriculture. Certains y voient les signes d’une trahison néo libérale. Malgré les promesses d’une réforme agraire ample et rapide le premier mandat de Lula est décevant pour le MST. L’action de Lula mettant d’avantage l’accent sur un programme d’assistance alimentaire Famé Zéro. Ce n’est que fin 2003 que Miguel Rosseto nommé au ministère du développement agraire annonce un nouveau plan national de réforme agraire : PNRA. Bien que cette annonce ait eu un effet de surprise les engagements pris par le gouvernement Lula ont été partiellement accomplis et ce malgré la forte mobilisation du MST au cours de l’avril 2004.

En conséquence, le rapprochement du MST et du gouvernement Lula n’aura été que de courte durée. Au cours de l’année 2002 et 2003 le rapport annuel de la commission pastorale a enregistré une forte augmentation des conflits liés à la terre. Au cours de l’année 2003 il ya eu 1690 conflits concernant 1million personnes. Le nombre de conflits n’avait pas dépassé le millier depuis 1998. Les occupations de terre dites aussi invasions par leurs adversaires, à elles seules ont atteint 391 cas. Pour comparaison durant la dernière année du mandat du président Cardoso en 2002 le nombre d’occupations n’était que de 183. Un rapport annuel au cours du deuxième symposium sur la question agraire de l’UNESP à Franca Sao Polo, Anderson Antonio da Silva du NERA (noyau d’étude de la réforme agraire) souligne que l’année 2003 a été marquée par un grand retour des actions des mouvements sociaux de lutte pour la terre, du fait du changement de gouvernement. Les occupations ont augmenté de 172 %. Ce rapport dit également que si l’attitude du gouvernement a changé envers les paysans sans terre en décriminalisant le MST les réformes concrètes se font toujours attendre. Pour l’année 2003 on recense seulement 15 890 familles installées dans de nouveaux campements et 27 102 dans des installations et des projets déjà existants ce qui est ridicule…

De plus, le mouvement des sans terre doit faire face à des opposants de taille que sont les ruralistes et plus particulièrement à démocratique libérale soutenue par la l’UDR union presse brésilienne qui criminalise le mouvement et qui protège les intérêts des grands propriétaires terriens s’opposant aux changements de la structure foncière brésilienne. En conséquence, depuis 2003, le MST doit faire face à une intense mobilisation de la grande presse brésilienne, ainsi qu’aux agressions des ruralistes qui ont recours à des milices privées et commanditent des assassinats politiques contre les militants du mouvement paysan. Désormais, les leaders du MST sont abattus de plusieurs balles dans la tête par des tireurs à moto quand ils circulent dans des quartiers péri urbains.

En conséquence, l’opinion publique concernant le MST se ternit non sans rapport avec l’influence du gouvernement précédent, alors qu’il y a une dizaine d’année une majorité e l’opinion brésilienne approuvait les occupations de la terre dès lors qu’il n’y avait pas mort d’hommes. Aujourd’hui 75 % de la population se dit opposée à ces actions s’il n’y a pas eu de décisions judiciaires au préalable. Pourtant, l’expropriation des terres non cultivées est un droit accordé aux sans terre depuis la constitution de 1964, mais n’est pas appliqué. C’est pour cette raison que le MST se donne le droit de poursuivre son action. De l’autre côté les grands propriétaires terriens répondent par des procédures invoquant la violation de la propriété privée si bien que le problème des sans terre se retrouve dans une sorte de vide juridique attisant les conflits et des revendications qui.

Alors que beaucoup pensaient que faute d’une réforme agraire concrète et rapide cette nouvelle accession au pouvoir allait au moins apaiser les conflits et les répressions il n’en a rien été). Fin 2003, en témoignant devant la commission parlementaire d’enquête CPMI sur les questions de la terre le président de la CPT, (commission pastorale de la terre) tomas Balduino on enregistre un nombre croissant depuis 2003 d’assassinats ruraux. Soit une augmentation de 68 pour cent depuis 90. Les emprisonnements ont augmentés de 104 pour cent et le nombre de familles expulsées de 151 pour cent ! La première année du gouvernement Lula détient les pires statistiques de violences contre les travailleurs ruraux enregistrées depuis 1985.

Au cours de l’automne 2004, Lula propose une nouvelle juridiction en mettant un tribunal de la terre. Néanmoins selon le MST ce n’est pas ce qui accéléra l’expropriation des terres. La réforme agraire est donc en panne.

Conclusion

En 2006, malgré des promesses partiellement tenues et des scandales politiques au sein du PT, Lula est réélu avec 60.82 pour cent des voix contre 39.18 des voix pour Geraldo Alkmin. En effet, si Miguel Stedile dénonce la lenteur de la réforme concernant les conditions des sans terre, elle est tout de même engagée. Parmi les mesures engagées par le gouvernement Lula entre 2002 et 2006, il y a la mise en place d’une assurance rurale qui protège l’agriculteur en cas de préjudices causés par la nature, le volume de crédit rural mis a disposition des petits agriculteurs a augmenté à travers le programme de la PRONAF (programme de renforcement de l’agriculture familiale), il s’élève à environ 4 milliards de dollars, enfin le programme « électricité pour tous » qui prévoit la subvention de l’énergie électrique à presque toutes les familles qui vivent en milieu rural.

Il est certain que dans une perspective de progrès dans l’application de mesures sociales concrètes le gouvernement Lula se distingue des précédents. Cependant, selon Emir Sader sociologue brésilien, il s’agit de considérer le gouvernement Lula à partir des objectifs de sortie du néolibéralisme que le PT se proposait de réaliser. Dans cette perspective le mandat de Lula s’inscrit d’avantage dans la continuité que dans la rupture. La politique économique des années 90 n’ayant pas été substantiellement remise en cause. Concernant le MST il serait aujourd’hui menacé. En juin 2007, Selon Miguel Stédile, un dossier du ministère public de l’état du rio Grande, aurait annoncé sa dissolution. Quand aux sans terre, ils sont toujours persécutés. Le 4 mars 2008, 900 femmes de l’association Via Campesina ont occupé 21 000 hectares de terre et se sont violemment faites chargées par la police, faisant une cinquantaine de blessées. Sous le gouvernement Lula, la question de la terre est encore et toujours en facteur de conflits sociaux et de violence. Comme dans tous les autres pays de l’Amérique latine !

Notes

  • Auteurs de la fiche : Emilie RIVOLLIER, Sarah MAZOUZ et Alice LEVANTAL.