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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Fiche de défi Dossier : La formation des volontaires de paix

Cluj, Roumanie, 2007

Le fossé entre la formation et le terrain, un défi de la formation à la paix

Comment combler le fossé entre la salle de formation et le terrain du conflit ? Cette question représente un défi important des formations à la paix.

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Ce besoin de relier ces deux réalités peut sembler être une condition sine qua non de la préparation d’individus au travail de paix ; cependant, la formation est souvent assez éloignée des réalités du conflit, voire du véritable travail demandé aux participants. De nombreuses variables différentes entravent la synergie potentielle : les contraintes de temps, le manque de ressources financières pour des recherches et une préparation approfondies, l’insuffisance des mécanismes de contrôle des dynamiques en évolution constante sur le terrain, etc. Dans les paragraphes ci-dessous, sont présentés trois moyens potentiels de relever ce défi.

I. D’où proviennent les connaissances sur les exigences du terrain ?

Premièrement, il est très important de travailler avec des sources d’information fiables lorsque l’on cherche à relier la formation au théâtre du conflit. Il y a différentes manières d’apporter aux participants des connaissances et des compétences pertinentes et fiables :

II. Les ressources clef pour les formations à la paix

  • Des personnes venant des zones de conflit spécifiques dans lesquelles les participants vont intervenir : ce sont des ressources humaines. Ces personnes peuvent être d’anciens membres d’une équipe de terrain, représenter un acteur clef sur le terrain ou avoir une expérience pertinente.

  • Des ressources spécifiques à la région dans laquelle les participants vont intervenir : les différents sites Web des organisations, les livres et articles de journaux écrits par des acteurs locaux, les éditoriaux critiques dans les journaux locaux et l’art local – poésie, théâtre, peinture, etc. Ces recherches, notamment lorsqu’elles sont effectuées conjointement avec les partenaires locaux de la zone de conflit, constituent un élément incontournable de toutes les interventions à court et à long terme.

  • Des formateurs expérimentés : dans l’idéal, les formateurs devraient avoir une expérience directe du type de travail sur lequel ils dispensent une formation, ou des expériences personnelle et professionnelle comparables.

Si les connaissances des formateurs et des organisateurs sur le terrain du conflit sont confuses, il y a de fortes chances pour que les perceptions des intervenants de paix soient illusoires et que leur frustration augmente une fois qu’ils seront sur le terrain. Par conséquent, les formations à la paix doivent apporter des connaissances détaillées sur le terrain et inclure beaucoup d’acteurs différents. Arno Truger explique : « Le défi consiste à inclure la coopération avec autant d’acteurs réels que possible, même ceux considérés comme les « méchants ». Souvent, j’ai vu des formateurs non-violents habitués à avoir uniquement affaire à des personnes de même sensibilité. Mais, la réalité du terrain, c’est que vous devez travailler avec ceux qui utilisent des méthodes violentes. »

III. Où et quand une formation est-elle dispensée et quel est l’objectif global de la formation ?

Le moment et le lieu de la formation influencent profondément les processus et sont porteurs de messages implicites forts. Si les formations sont éloignées géographiquement, socialement et culturellement du lieu d’intervention, la probabilité de se détacher du terrain augmente. Il en va de même pour le moment. Le fossé entre la formation et le terrain se creuse si les formations sont perçues comme des événements exceptionnels plutôt que comme des processus suivis sur de longues périodes qui accompagnent les intervenants de paix dans leur développement. Par conséquent, un mélange dynamique d’éléments est nécessaire pour atteindre l’objectif global de la formation à la paix. Une partie de la formation doit être coupée de la vie de tous les jours pour que les participants se concentrent sur le processus d’apprentissage. Mais les participants ont également besoin d’être immergés dans la vie quotidienne du terrain à certains moments du processus de formation pour expérimenter les modèles culturels et sociaux pertinents et la réalité des personnes sur le terrain. Parfois, de petits détails revêtent une importance cruciale, notamment ceux auxquels les intervenants peuvent ne pas penser à l’avance, comme par exemple le fait de vivre dans une communauté et de ne pas avoir d’espace personnel, d’entendre tout le temps de la musique qui ne leur plaît pas, de ne pas avoir d’eau chaude pour prendre sa douche ou de ne pas avoir d’eau courante du tout et de manger de la nourriture contenant des épices auxquelles ils ne sont pas habitués.

IV. Se préparer à l’imprévisible

Même si les formations à la paix sont bien financées, systématiquement conçues à l’aide d’études détaillées réalisées à partir du terrain et menées par des formateurs expérimentés, certains éléments de la formation et du travail de terrain peuvent se révéler imprévisibles. Si l’intervention dans un conflit était aussi simple que de travailler à la chaîne et fixer toute la journée la même vis sur des modèles de voiture identiques, une formation qui suivrait la recette magique serait idéale. Cependant, la nature en évolution constante des conflits posera toujours des problèmes pour relier la formation au terrain.

Une façon de surmonter les difficultés liées à l’imprévisibilité est d’aider les participants à cultiver des « méta-compétences » pour le travail de paix. Des aptitudes telles que la conscience de soi, la créativité et la flexibilité (tout particulièrement dans la planification stratégique des interventions) constituent une base solide à des compétences spécifiques et aident les intervenants de paix à être réceptifs à des conditions de terrain toujours différentes. L’aptitude à reconnaître les capacités locales, de même que la clairvoyance dans la détermination des compétences et décisions particulières nécessaires lors de situations inattendues, sont incontournables, quelle que soit l’intervention. En fin de compte, la méta-compétence consistant à être capable d’apprendre à partir de sa propre expérience contribue à garantir un travail de paix plus sensible au conflit et la possibilité d’un apprentissage tout au long de la vie et d’une amélioration de son travail et de sa contribution sur le terrain.

Le phénomène d’imprévisibilité constitue une autre raison pour laquelle des méthodes du type « boîte à outils » - bien qu’importantes dans certains cas – ne sont pas suffisantes pour la formation à la paix. C’est pourquoi cette dernière doit aider les intervenants de paix à développer à la fois des compétences concrètes pour des situations spécifiques et des aptitudes plus basiques qui leur permettront de trouver une issue dans des situations hautement imprévisibles, que ce soit dans la salle de formation ou sur le terrain.

Notes

  • Tiré de l’ouvrage : « Formation à la paix, Formation des adultes au travail de paix et à l’intervention civile de paix lors de conflits » ; Auteurs :Robert Rivers, Giovanni Scotto, Jan Mihalik et Frode Restad. Ouvrage réalisé dans le cadre du projet ARCA. Le projet ARCA (Associations and Resources for Conflict Management Skills) a été mis en place afin de contribuer directement à l’amélioration de la qualité, contenu et méthodologies des formations à la paix et à la transformation de conflits. Le projet, financé par la Commission Européenne, Socrates/Grundtvig1, comptait avec la participation 13 organisations originaires de 11 pays européens, dont le MAN (Mouvement pour une Aternative Non-violente), France.