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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Bianca Zanardi, Paris, juillet 2009

L’Islam mondialisé

L’islam renvoie, à nos yeux d’Occidentaux, une image de solidité, d’identité et de dynamisme, et les islamistes eux-mêmes se félicitent de la réislamisation des sociétés musulmanes.

Mots clefs : | | | | | |

Réf. : Olivier ROY, L’Islam mondialisé, Ed. du Seuil, Paris (2002).

Langues : français

Type de document : 

Qu’il s’agisse de formes radicales ou modérées de réislamisation, l’Occident est toujours au cœur du processus. La propagande sur Internet comme l’action politique et terroriste participent de modèles d’action et de militance typiquement occidentaux. Les éléments propres aux nouvelles religiosités occidentales sont omniprésents, souvent à l’insu des acteurs islamistes : épanouissement des individus, mondialisation, bricolages des doctrines et des comportements sur fond d’inculture, attitudes sectaires. Bref, selon Roy, les tensions liées aujourd’hui à l’islam sont le syndrome de son occidentalisation mal vécue.

Première partie : la réislamisation

L’islam est aujourd’hui passé en Occident. Pour la première fois dans l’histoire, une importante population musulmane s’est volontairement installée dans des pays qui ne sont pas musulmans et y a fait souche.

La première conséquence du passage à l’Ouest est une reformulation de l’islam à la suite de sa déculturation, c’est-à-dire de son détachement d’une culture d’origine. Ce qui change n’est pas la religion, mais la religiosité, c’est-à-dire la manière dont le croyant construit et vit son rapport à la religion. On assiste à la création de nouvelles identités, qui peuvent, plus ou moins temporairement, s’incarner dans des sous-cultures et donner ainsi l’impression du maintien d’identités d’origine, alors qu’il s’agit toujours d’identités recomposées.

Nous assistons ainsi à deux tendances :

  • La reformulation de la religiosité en termes de foi, de réalisation individuelle et de valeurs ;

  • Et à l’opposé, au néo-fondamentalisme comme tentative de définir une nouvelle communauté sur la base du respect d’un code strict de comportement.

Deuxième partie : l’individualisation de la foi

Le passage à l’Ouest modifie le rapport à la religiosité que prévalait dans le pays d’origine, pour trois raisons :

  • La dilution de l’identité et de la communauté ethnique d’origine ;

  • L’absence d’autorités religieuses islamiques légitimes dans les pays d’accueil, qui puissent dire ce q’est la norme ;

  • Et enfin l’impossibilité d’une coercition juridique tout autant que sociale, communautaire et coutumière, qui inscrive la pratique religieuse dans l’ordre de l’évidence et du conformisme social. La religiosité doit donc s’éprouver comme choix et comme foi.

Le paradoxe de la ré-islamisation à laquelle nous assistons est que, en multipliant les lieux de formation et en mettant l’énonciation religieuse à portée de tous, elle contribue à délégitimer les institutions traditionnelles. Les figures opposées de l’intellectuel et du savant religieux se brouillent toutes deux : le développement de réseaux de madrasa privées et la vulgarisation d’un savoir religieux peu élaboré, grâce aux nouveaux supports, font que beaucoup de jeunes se croient devenus savants en religion, mai à la manière des oulémas et non des intellectuels.

Les prêches de certains imâms et les interviews de jeunes musulmans montrent l’insistance dans la pratique religieuse de la réalisation de soi et d’un humanisme absent de vision pessimiste des islamistes radicaux. L’enjeu est de donner à un croyant peu formé en religion un sens pour vivre dans un monde où la stricte charia ne peut pas être une norme sociale. La foi n’est pas soutenue par la culture ambiante ou par les lois : elle devient donc le centre de la préoccupation du croyant, d’où cette interrogation sur sa propre foi, sa propre sincérité, proche du christianisme et totalement absente dans un contexte de société islamique.

Troisième partie : le néo-fondamentalisme

Deux éléments définissent le néo-fondamentalisme : son scripturalisme théologique et son anti-occidentalisme culturel. Le néo-fondamentalisme représente une vision très stricte et littéraliste du message coranique : tout se ramène au Coran, à la sunna du Prophète et à la charia. Il refuse les actes et les comportements humains empruntés des catégories occidentales issues des sciences humaines (comme société, histoire, économie, démocratie, Etat, etc.). Il est indifférent à la question sociale, il refuse de s’intéresser à la philosophie et à la science politique (alors que les islamistes sont de grands lecteurs, même critiques, de la philosophie occidentale). Il est donc très réticent devant toutes les formes d’intégration aux sociétés occidentales. Obsédé par le retour au « vrai islam », le néo-fondamentalisme définit un musulman abstrait, dont la pratique serait la même quel que soit l’environnement culturel et social. En ce sens, le néo-fondamentalisme, est explicitement un agent de déculturation, dans la mesure où il s’efforce d’épurer la foi du croyant et de ramener sa pratique à un ensemble fermé de rites, d’obligations et d’interdits, en rupture avec l’idée même de culture, et en particulier avec la culture d’origine.

Cette volonté de faire table rase fonctionne encore mieux quand les cultures traditionnelles ont été affaiblies par l’émigration ou la globalisation, sans être pour autant relayées par une assimilation à la nouvelle culture dominante.

Commentaire

L’aliénation, la globalisation, l’appauvrissement des cultures (Roy parle à juste titre d’une culture horizontale qui vient d’internet et qui est privée de toute confrontation) sont des éléments typiquement occidentaux qui sont entrés dans le monde musulman en catalysant le changement.

Particulièrement intéressante est la réflexion sur l’individualisation de la foi, jusqu’à aujourd’hui réservée à la « religiosité chrétienne » (le désir de ne pas avoir d’intermédiaires et de répondre de la fois en première personne) et qui aujourd’hui embrasse la religiosité musulmane grâce à des facteurs comme la globalisation, la création des communautés virtuelles, Internet….

À souligner également l’analyse sur le néo-fondamentalisme comme fruit de cette individualisation en complète antithèse avec l’islam traditionnel.

Roy trace un portrait détaillé sur la société musulmane qui s’est formée et continue de se former suite au passage vers l’Ouest et il souligne les dangers auxquels cette société semble devoir faire face si elle continue d’absorber le « modus vivendi » de la société occidentale.