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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Fiche d’expérience Dossier : Les Organisations Non-Violentes en France

Guillaume Gamblin, Paris, janvier 2007

Equipes de paix dans les Balkans (EpB) - activités

EpB, « Equipes de Paix dans les Balkans » est une ONG française qui intervient actuellement à Mitrovica, au Kosovo, afin de faciliter le dialogue entre les différentes communautés et tenter de faire baisser le niveau de violence, dans un contexte de post-conflit et de tensions inter-communautaires persistantes.

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I. Les actions engagées actuellement.

Plusieurs volontaires sont actuellement en mission dans le cadre des projets suivis ou menés par EpB. Les principaux engagements concernent les projets suivants :

A. Un projet en phase d’achèvement : l’enquête sociologique

Celle-ci a été lancée au début de l’année 2003, sur une initiative de l’Agence pour la Démocratie Locale de Gjilan, avec le concours du Conseil de l’Europe, et est coordonnée par Marie-Eve Rialland, volontaire d’EpB, avec l’aide de partenaires locaux et internationaux. Le but de cette enquête est de mesurer la perception qu’ont les Serbes et les Albanais de l’action menée par la communauté internationale en faveur d’un Kosovo multiethnique.

Le constat est fait qu’un foisonnement parfois chaotique d’organisations a surgi dans la région des Balkans après la guerre, et que ces actions conjuguées n’ont pas toujours été très utiles, profitables ou opportunes. Elles ont parfois donné l’impression d’être parachutées et inadaptées. C’est donc dans un souci d’évaluation (qui comprend une part d’auto-évaluation en tant qu’acteurs présents sur le terrain) ainsi que de connaissance de l’état d’esprit sur place qu’a été lancée cette enquête. Elle s’est tenue à Mitrovica et à Gjilan et porte sur un échantillon de 1200 personnes représentatives des différentes communautés des deux villes.

L’originalité de cette enquête est qu’elle constitue par elle-même, à travers son processus de mise en oeuvre, une démarche de réconciliation. La vingtaine d’enquêteurs recrutés comprend des jeunes Serbes et Albanais qui ont accepté de se former puis de travailler ensemble selon le principe suivant : ce sont les jeunes de Mitrovica qui ont mené l’enquête à Gjilan, accompagnés par leurs nouveaux camarades, et inversement. Certains d’entre eux participent également au dépouillement des questions. Cette expérience intercommunautaire constitue en soi une réussite. L’accueil des enquêteurs par la population a été également positif.

Actuellement les résultats sont dépouillés et une première présentation globale de la démarche d’enquête a été faite auprès des maires des communes concernées et des médias, qui a suscité l’intérêt des autres ONG, des institutions internationales comme l’OSCE ainsi que des autorités. Un travail d’analyse sociologique des résultats est en cours en lien avec des chercheurs et universitaires français, qui donnera lieu dans les prochains mois à une présentation officielle et large des résultats et conclusions de ces analyses.

B. Quatre grands projets en cours

  • 1) Les ateliers de jeux et exercices coopératifs

Depuis le printemps 2003, un volontaire, Christophe Guillaume, anime les « ateliers EpB », ateliers de jeux et d’exercices coopératifs qui s’adressent à des enfants des deux communautés (serbe et albanaise) ayant entre 6 et 12 ans, organisés en lien avec différentes municipalités, le ministère de l’éducation et des enseignants. Un travail d’élaboration a été effectué en amont afin d’adapter cette sensibilisation à la non-violence aux enjeux socio-politiques et à la culture des Balkans, ainsi qu’aux moyens disponibles pour la mettre en œuvre à Mitrovica. Ces derniers sont très limités, le volontaire s’étant heurté entre autres à un manque de locaux pour mener à bien cette mission.

L’un des intérêts de ces ateliers auprès d’enfants est l’apprentissage par ceux-ci de comportements coopératifs à travers le jeu, et surtout la possibilité pour eux d’exprimer leurs souffrances, leurs peurs et leur rejet de l’autre, afin de faire un travail sur ces émotions. L’autre volet de ce projet est la formation d’animateurs de toutes les communautés : une dizaine de jeunes et d’enseignants ont reçu une formation de 10 jours dispensée par des formateurs du MAN 68, et ils sont également formés tout au long de l’année par les volontaires EpB. Sur les émotions et la perception de l’autre, ces ateliers permettent, par l’intermédiaire des jeunes, d’atteindre également de jeunes adultes et des adultes.

  • 2) Le programme « Mesures de confiance »

Il s’agit d’un projet financé par le Conseil de l’Europe et mené en partenariat avec l’Agence de la Démocratie Locale du Kosovo. Son premier volet (à la charge de Kosovo-Ensemble) consiste dans la formation d’intervenants socio-éducatifs et la promotion de la coopération interculturelle par le jeu. Cette formation a été dispensée par des formateurs du MAN 68 en juillet 2003 à Gjilan au Kosovo. Elle a été suivie par les volontaires EpB et 11 personnes issues de différentes communautés du Kosovo (Albanais, Serbes, Croates, Ashkalis). A l’issue de cette formation, les participants ont pu mettre en pratique leurs connaissances en animant des ateliers de jeux et exercices coopératifs dans le village de Llashticë. Un volontaire EpB assure le lien entre les habitants des communes de Mitrovica et Gjilan.

Le deuxième volet de ce programme est la valorisation d’activités culturelles et artistiques d’enfants en partenariat avec les enseignants et les médias (radio et télévision), notamment à travers la réalisation de reportages. Il sera lancé dès septembre 2003. D’ores et déjà, EpB est en relation avec un certain nombre d’écoles et de médias locaux.

Le troisième volet est la promotion et la valorisation d’initiatives relatives à la vie quotidienne par des groupes de femmes et avec la participation des médias. Il est pris en charge comme le deuxième volet par Caroline Morvan. Ce travail se fait en lien avec des organisations locales de femmes qui sont consultées pour l’orientation du travail et le choix des partenaires.

  • 3) Le projet « Site Internet sur les initiatives non-violentes en ex-Yougoslavie »

Ce projet a été lancé en juillet 2003 et est pris en charge par Sonia Luque, pour une durée de six mois. Il s’agit de recenser les initiatives dans le domaine de la promotion de la non-violence et de récolter des témoignages de personnes ayant été formées et/ou ayant eu une expérience de la gestion non-violente des conflits et/ou de la médiation. Le site Internet comprendra ainsi des témoignages, mais aussi une liste des ONG travaillant dans ces domaines, un calendrier des événements liés au thème, des informations sur la non-violence.

  • 4) Un » projet d’avenir » : l’appui à la création du Mediation Center of Mitrovica (MCM)

Des jeunes, Albanais, Serbes, Bosniaques, ayant été formés à la médiation par le CMFM, portent le désir de créer à Mitrovica une structure servant de centre de ressources sur la médiation et la résolution non-violente des conflits dans leur ville. Ce projet, qui fait l’objet d’une demande de soutien aux organisations impliquées sur place dans ce secteur, a reçu en particulier l’appui actif d’« ONG supports » telles que le CMFM, Caritas France, CBM, et EpB, ainsi que l’organisation Nansen Dialogue qui souhaitait s’investir dans la « fondation d’un groupe multiethnique de formateurs locaux dans le domaine de la résolution pacifique des conflits ». EpB a décidé d’apporter un soutien financier à la structure pour son démarrage. Christophe Guillaume est chargé de suivre la création du MCM (conseil, organisation,…), ainsi que de former des animateurs, dans son domaine (les jeux-coopératifs). Aujourd’hui, le centre est officiellement enregistré comme ONG auprès de la MINUK. L’objectif de ce centre est de contribuer à créer des contacts et des liens ainsi que des opportunités de dialogue entre les différentes communautés, d’augmenter la confiance en soi.

Pour cela, le MCM cherche à être un lieu d’accueil de personnes des différentes communautés, permettant de créer des liens quotidiens et de donner jour à des initiatives communes. Lieu de formations également, sur la communication, les jeux coopératifs, la médiation, la résolution des confits. Le centre souhaite à l’avenir proposer des stages de médiation s’adressant à des publics variés (personnes, institutions, associations, entreprises, …). Il se veut être aussi un lieu de médiatisation des initiatives de paix et de médiation.

Les volontaires d’EpB, avec l’appui de l’équipe de l’association en France, participent également à d’autres projets plus ponctuels : le suivi d’un échange scolaire entre des classes de Mitrovica-Sud et Haegen en France, qui n’a pas perduré, le financement de cours de français, qui ont dû être suspendus, l’aide à l’organisation d’une rencontre entre un groupe de jeunes français et des jeunes kosovars, par la préparation des jeunes du Kosovo (mise en confiance, communication…). Marie-Eve Rialland a également participé au processus d’observation des élections locales en octobre 2002, sous la responsabilité de l’OSCE. Cela a été rendu possible par l’enregistrement et la reconnaissance d’EpB comme ONG par l’administration des Nations-Unies au Kosovo (UMNIK).

L’ensemble de ces implications présentes d’EpB s’inscrit dans un engagement plus long et dans une continuité mais aussi parfois en rupture avec d’autres projets menés antérieurement.

II. De BTP à EpB…

A. Les débuts européens d’un engagement

C’est en 1994 qu’est créée l’ONG internationale Balkan Peace Team, à la fondation de laquelle participent des membres du MAN. Cette organisation intervient durant les années 90 par l’envoi de volontaires. En Croatie, les volontaires se livrent à un accompagnement de défenseurs des droits humains menacés et à l’observation de ces droits, ainsi qu’à l’aide au retour et à la réinstallation des réfugiés. En Serbie et au Kosovo, ils jouent un rôle d’observation des droits humains, d’organisation de rencontres et de formations à la gestion non-violente des conflits entre des Serbes et des Albanais. En 2000, BPT impulse la création d’une maison des jeunes (Youth Center) à Dragash, au Kosovo.

Durant plusieurs années, des membres du MAN constitués en commission suivent le projet en s’engageant dans le Conseil d’Administration de BPT et en faisant de fréquents voyages sur place, jusqu’en 1999 où ces personnes décident de créer en France l’association Équipes de paix dans les Balkans (EpB), engagée à Mitrovica spécialement, où des contacts réguliers se sont construits depuis 1994 et où une demande d’intervention est ressentie. Dans cette ville deux communautés (serbe et albanaise) se trouvent séparées par un pont joignant les parties Nord et Sud de la ville. Par ailleurs, l’essentiel des troupes de la Kfor stationnée à Mitrovica est française ou francophone, ce qui est une garantie de sécurité pour les ressortissants français vivant à Mitrovica.

En 2001, après sept ans de présence active, en raison de l’évolution de la situation, de ses projets et de ses membres, BPT International décide de se dissoudre et de laisser à EpB la tâche de lui succéder. EpB est donc « l’héritier » naturel et « officiel » de BPT au Kosovo, ayant pour objet et pour défi de mener une action renouvelée et adaptée dans un contexte lui-même profondément renouvelé : une « paix » sous administration étrangère (MINUK, Kfor,…), une présence d’ONG nombreuses, des infrastructures largement reconstruites mais un taux de chômage élevé, des tensions intercommunautaires et une instabilité persistante, la présence d’organisations mafieuses.

B. EpB à la découverte de sa singularité sur le terrain kosovar.

C’est dans un tel contexte qu’EpB commence à intervenir à Mitrovica en 2001, avec une première volontaire, Nathalie Jousselin. Sa mission est de favoriser le rapprochement intercommunautaire entre les populations du Sud et du Nord de la ville (Serbes et Albanais), qui n’entretiennent plus aucune relation, par l’organisation d’activités culturelles. En partenariat avec la bibliothèque de Mitrovica, anciennement multicommunautaire, et à la demande du Bureau de Liaison de la France et avec son soutien financier, des initiatives de rapprochement sont organisées, entre autres à travers la découverte de la culture française, troisième terme susceptible de rapprocher l’intérêt des uns et des autres. Une semaine de la francophonie est ainsi organisée, ainsi qu’une fête de la musique et qu’un bal masqué et déguisé qui permet un premier rapprochement « physique » délié de la référence aux origines communautaires de chacun.

Coordonnées :

  • Adresse : Equipes de Paix dans les Balkans, 114 rue de Vaugirard, 75006 PARIS

  • Tel. : 01 42 84 20 78

  • E-mail : bptkosovo@free.fr

Commentaire

Malgré les efforts entrepris, ces initiatives connaissent un succès mitigé du fait de l’évolution rapide des situations et des besoins des Kosovars. EpB apporte un soutien à Mingos, plate-forme des ONG locales cherchant à améliorer la concertation et la coopération entre elles. Mais ces missions ne rentrent pas précisément dans le cadre de la vocation d’EpB, qui est un organisme d’envoi de volontaires pour des missions « d’intervention civile de paix ». En décembre 2002, une volontaire constate qu’Équipes de paix développe une action similaire à la plupart des autres ONG internationales impliquées sur le terrain, de rapprochement intercommunautaire, mais avec moins de moyens que les autres.

Une remise en question de la stratégie de cette démarche est alors entreprise, qui débouche sur la décision de centrer l’action d’EpB sur ce qui fait sa spécificité en tant que mouvement non-violent d’intervention civile : médiation, observation, formation, résolution non-violente des conflits… C’est à travers cette expérience pratique (processus d’engagement, de réflexion critique et de changement), qu’EpB chemine vers la découverte de sa spécificité et de sa « vocation » en tant qu’acteur non-violent au Kosovo. Forte de cette singularité, l’organisation s’est lancée depuis 2003 dans une nouvelle phase, avec l’envoi de trois volontaires venant relayer l’action de Marie-Eve Rialland à Mitrovica. C’est donc un processus d’apprentissage issu de la pratique qui distingue l’évolution de l’action d’Équipes de paix dans les Balkans depuis trois ans d’intervention spécifique.

Notes

Sources :

  • Entretiens avec Christian Brunier et Laurence Milliat des 16 et 17 Juin 2003.

  • Numéros du bulletin « Un pont sur l’Ibar ».

  • Rapports de missions au Kosovo de mars 2001, fevrier 2002 et Mai 2003.

  • Compte-rendu du Conseil d’Administration du 2 Juin 2003.

  • Compte-rendus d’activité de Marie-Eve Rialland d’Avril et Mai 2003.

  • Compte-rendus de réunions de travail en Fevrier et en Mai 2003.