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Montargis, octobre 1999

Un service de médiation bancaire et de proximité

Serge Bougaeff, ancien collaborateur du Médiateur de la République, a mis en place un service de médiation et d’information du public en zones rurales et urbaines à la demande d’une caisse du Crédit agricole. Cette expérience pilote ne s’adresse pas uniquement aux clients de cette banque. Elle pallie à l’absence des services publics en zones rurales et à leur débordement en zones urbaines…

Mots clefs : Education à la non-violence | Travailler la compréhension des conflits | Mettre en oeuvre des initiatives de médiation

Créer des passerelles vers les populations

Média-service est une expérience prototype née fin 1997. Elle vient, à l’origine, de la volonté du président de la Caisse régionale du crédit agricole de Reims (Aisne, Marne, Ardennes). Les deux situations les plus douloureuses que cette banque rencontre sont :

  • Le salarié brutalement touché par le chômage et qui ne peut plus payer son pavillon, alors qu’il a déjà versé la moitié du prix.

Les agriculteurs qui se sont endettés au-delà de leurs possibilités de remboursement, souvent sous la pression de la Politique Agricole Commune. Ils se sont endettés dans de nouveaux projets qui ne fonctionnent pas comme les experts l’avaient prédit. La ferme, les terres sont saisies. Dans les grosses exploitations, l’agriculteur est rarement propriétaire de la totalité du domaine, il cultive des terres de sa famille. Et pour emprunter il a dû hypothéquer les biens de ses frères et sœurs. S’il fait faillite, les terres de ses frères et sœurs sont vendues. C’est un déchirement pour les personnes qui ont l’impression de ne pas avoir fait de fautes.

Devant ces situations très douloureuses on en est arrivés à créer un poste de médiateur privé. Pour des raisons de liberté d’investigation, la direction du Crédit Agricole a souhaité que je ne sois pas salarié de la Caisse régionale mais que je m’installe en libéral, d’où la création d’une EURL (Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée) appelée “Média-service” pour supporter l’activité. Moi qui avais l’expérience des permanences tout public, je savais que les gens ne viennent jamais avec un seul problème. Ils ont besoin d’être renseignés, orientés. Dans une région de trois départements, il m’est apparu évident que je ne pourrai pas accomplir cette mission seule.

D’où la création de ces points d’accueil appelés “Points-passerelles”, des lieux ouverts en permanence avec des gens que j’ai formé à l’accueil du public et à la médiation, mais qui sont issus du sérail bancaire, détachés du Crédit Agricole. Ainsi, le Crédit Agricole met au service du public, pas seulement au service de sa clientèle, un médiateur privé et les Points-passerelles. Maintenant, mes adjointes de médiation sont habituées aux techniques de la médiation et elles commencent à faire de la médiation à l’intérieur de la banque.

Dans des dossiers importants, où des personnes ne veulent pas aller en commission de surendettement, le Point-passerelle prépare une recommandation que je présente en commission générale de la Banque pour trouver un arrangement. Autrement dit, ma mission consiste à :

  • D’une part, mettre en place un réseau, l’animer, former les gens.

  • D’autre part, présenter des recommandations au niveau de la Direction générale de manière à proposer des solutions aux situations les plus difficiles.

L’ouverture de ces Points-passerelles a eu pour conséquence que les gens viennent aussi pour des affaires non-bancaires. Et, il est fréquent que j’ai à intervenir auprès de couples qui envisagent de se séparer et qui me demandent ce que va devenir leur patrimoine, leurs crédits, etc. Ainsi, des dialogues s’engagent. Parfois, les couples prennent conscience qu’ils ont envisagé de divorcer à cause de la situation matérielle alors que ce n’est pas la solution. A partir du moment où des solutions techniques aux problèmes matériels sont trouvées, l’ambiance au sein de la famille s’améliore, l’idée de séparation se dissipe.

A Reims ou Charleville, deux grandes villes où j’interviens, il y a de grands ensembles avec de nombreux acteurs sociaux (services publics, associations, collectivités locales…). Mais les services sociaux sont débordés par la frange exclue ou en cours d’exclusion de la population. Il y a une frange de la population, à la limite de l’exclusion, dont on voit que, si on lui donne les conseils qu’il faut par rapport à l’administration, par rapport à son environnement, on peut faire qu’elle s’en sorte.

C’est pareil en milieu rural où la perception est fermée depuis longtemps, le bureau de Poste à disparu, le facteur ne passe parfois même plus chez les gens, le Maire est soit une personne âgée qui n’a plus de contact avec l’extérieur et qui ne peut pas conseiller les gens, ou bien c’est un jeune plein de bonne volonté mais qui travaille plus de quarante heures par semaines et qui ne dispose que de peu de temps pour répondre aux sollicitations des habitants de sa commune… D’où l’utilité de ces Points-passerelles ou l’on peut rencontrer des gens formés par un médiateur et qui peuvent faire ce travail d’information, d’orientation et même d’instruction et puis, éventuellement, pouvoir saisir le médiateur.

Je propose de transposer ce prototype avec les collectivités locales en milieu rural et en milieu urbain dans les quartiers à problèmes. Les collectivités locales doivent financer ce service de façon à le rendre accessible aux gens gratuitement. Je pense que la médiation directe fait partie des urgences en terme d’aménagement du territoire. En milieu urbain, les problèmes doivent être traités au quotidien. En milieu rural, cette désertification de services et la disparition d’interlocuteurs font qu’il est tout aussi urgent de mettre à la disposition des habitants des gens compétents pour répondre à leurs questions, leurs difficultés. Un “point passerelle” s’est ouvert début septembre dans une communauté de communes, à Vic sur Aisne, avec un agent de médiation (un emploi-jeune).

Le maire d’une commune de l’Aisne a rebondi sur mon projet de médiation en vrai politique. Il a dit : “la médiation, effectuée par un interlocuteur neutre m’intéresse. Dans mes permanences je suis amené à dire non. Si je dis “non” à une personne qui a voté pour moi, elle pense que je suis un salaud parce qu’une fois qu’on a voté pour moi, je dis non. Si je dis “non” à une personne qui n’a pas voté pour toi, elle pense que je me venge…”. Ce Maire a compris qu’il a beaucoup plus de dividendes politiques à moissonner de la mise en place d’un Point-Passerelle et d’un médiateur qui diront ce qu’il faudra dire et qui ont pour mission d’expliquer le oui ou le non or de toute connotation politique. Les gens seront satisfaits d’avoir trouvé une réponse à leurs interrogations.

Serge Bougaeff.

Contact :

  • Média-services, 19 av. Pierre Bécret, 02220 Braine. Tél : 03 23 74 10 26.