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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Paris, janvier 2009

Eido-Idea : pôle de Ressources et de Recherche pour l’Élaboration de Savoirs citoyens.

De nouvelles dynamiques pour pratiquer la paix : étude transversale des fiches d’expérience d’Irénées.

Un capital d’expériences à valoriser et des outils efficaces à dispositions des acteurs de paix.

Le présent dossier fait partie d’un ensemble de six dossiers dédiés à la réflexion sur la situation actuelle de la pensée et de l’action pour la paix.

Afin de valoriser le dossier IRENEES des expériences de paix, nous avons ici identifié 10 chantiers pour la réalisation de 10 articles analysant les expériences de paix les plus innovantes présentées par les partenaires d’Irenees.

Pour qu’une action de paix puisse être efficace, elle doit se placer dans le bon « temps ». Identifier les expériences qui sont menées par les acteurs dans les différentes phases de la paix peut aider les artisans de paix à mieux s’inspirer des expériences réalisées et à adapter ainsi leur action.

D’où l’idée d’organiser dans un premier temps les fiches d’expériences en partant des temps de la paix en identifiant, dans une deuxième temps, à l’intérieur de chaque regroupement, les 10 principaux chantiers de la paix valorisant principalement les thèmes de la paix.

L’identification des « frontières » de trois « temps de la paix » - (1) Sauver la paix, 2) Rechercher la paix, 3) Reconstruire la paix - n’est pas toujours facile. On remarque en effet, dans l’observation des conflits modernes, un mélange de ces trois phases temporelles. Prenons par exemple le cas particulier du conflit israélo-palestinien : ici l’on parle et l’on réfléchit à des activités de réconciliation avant même que le conflit ne soit résolu… de même concernant le conflit colombien où des actions de développement sont promues pour tenter de sortir de la crise.

Malgré cela, l’approche temporelle dans l’observation des conflictualités est de grande utilité. On pourrait difficilement imaginer des interventions et la promotion d’activités sur le terrain qui négligeraient cet aspect.

Notre choix méthodologique prend donc en compte 2 entrées :

  • Une entre temporelle (les 3 temps de la paix ) ;

  • Une entrée thématique (les thèmes de la paix).

Au vue de la spécificité de certaines actions qui ont été recensées et qui sont menées par des acteurs de la société civile il est possible de réfléchir à un article « spécial » dédiée aux acteurs de la paix et l’analyse des conflits. Ce que nous avons fait.

Dossier IRENEES des expériences de paix

Les temps de la paix :

Sauver la Paix :

  • Les chantiers :

    • A) L’éducation à la paix ou la prévention des conflits

    • B) Prévenir les conflits par une gestion intelligente et une utilisation durable des ressources naturelles

    • C) La promotion des droits

Rechercher la Paix :

  • Les chantiers :

    • A) Résistance civile pour la paix

    • B) Dialogue, médiation et participation citoyenne pour la paix

    • C) Sorties de crise : conditions, acteurs et enjeux

Reconstruire la Paix :

  • Les chantiers :

    • A) Promotion de la justice et application des accords de paix

    • B) Les enjeux de la reconstruction : identifier et favoriser les facteurs de paix. Agir ensemble autour d’un projet social de paix.

    • C) Rencontre, Réconciliation, Pardon

Mieux comprendre les conflits pour mieux les prévenir

I. Sauver la Paix, éviter la guerre, gérer et prévenir les conflits

  •  

    • A) L’éducation à la paix ou la prévention des conflits

Malgré l’engagement croissant des Etats en faveur de la paix, la raréfaction des ressources naturelles, les conflits d’intérêts et les ambitions expansionnistes ont été à l’origine de nombreux conflits durant la dernière décennie.

La paix est pourtant largement considérée comme un idéal. Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, la « der des der », avec la création de la SDN (Société des Nations, ancêtre de l’ONU) en passant par les mouvements pacifiques des années 70, nombreuses ont été les organisations et les initiatives visant la prévention des conflits ou la limitation des dégâts matériels et psychologiques.

Depuis quelques années, une méthode de pacification a acquis un écho particulier au sein de la communauté internationale. C’est l’éducation à la paix, qui, par son rayon d’action multidimensionnel et l’implication des populations locales, s’est imposé comme une alternative pertinente à la réponse militaire de résolution des conflits.

Cette analyse a pour but d’expliquer le concept d’éducation à la paix et d’en présenter les différentes dimensions et applications. En se basant sur des fiches d’expériences, nous commencerons par définir le terme d’éducation à la paix et les problématiques qu’il soulève ; nous verrons ensuite par quels moyens cette méthode se diffuse au niveau international ; puis nous constaterons que l’éducation à la paix cible surtout la société civile, en particulier les jeunes ; enfin, nous verrons sur quels outils pédagogiques se basent ces actions d’éducation à la paix.

  • B) Prévenir les conflits par une gestion intelligente et une utilisation durable des ressources naturelles

Les ressources naturelles, qui correspondent à une substance ou à un objet présent dans la nature et exploité pour les besoins d’une société humaine, englobent aussi bien l’eau, les forêts, les terres arables, les minerais que les énergies fossiles. Inégalement réparties à la surface de la terre, elles sont depuis toujours à l’origine de conflits partout dans le monde.

Selon une récente étude du PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement) de février 2009, les ressources naturelles ont alimenté au moins 18 conflits violents depuis 1990 et ont été liées à au moins 40% du total des conflits qui ont eu lieu depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.

Pourquoi les ressources naturelles sont-elles considérées comme un enjeu géopolitique de premier ordre ?

Elles sont tout d’abord nécessaires à la survie et au développement de l’humanité. La société humaine n’aurait pu se développer sans la maîtrise des ressources dont elle disposait.

Elles sont aujourd’hui chargées d’une valeur financière qui évolue selon les règles commerciales de l’offre et de la demande. Cotées en bourse, objet d’âpres négociations entre multinationales et Etats, les ressources naturelles sont devenues un marché à part entière. Cette marchandisation, qui a fait de la nature un commerce lucratif, s’accompagne de convoitises et de conflits ayant pour objectif final l’enrichissement des acteurs.

Les conflits liés aux ressources naturelles sont extrêmement divers car ces dernières se prêtent à plusieurs utilisation : subsistance des populations, objectifs économiques de d’entreprises commerciales, mais aussi activités de conservation, tourisme, raisons culturelles concernant la présence de lieux sacrés, etc. On constate donc une multiplicité de situations et d’acteurs, ce qui rend chaque conflit unique et complexe. L’échelle et l’intensité d’un conflit peuvent ainsi varier considérablement, tout comme les stratégies de résolution de celui-ci.

La multiplication ces dernières années des conflits liés aux ressources naturelles s’explique par l’effet combiné de la pression démographique mondiale, qui engendre une demande de plus en plus forte, de la raréfaction de certaines ressources dues à une dégradation générale de l’environnement et de la hausse des cours internationaux des matières premières, qui les rendent inaccessibles aux plus pauvres.

Les différences de répartition des ressources sur la planète, mais surtout les inégalités issues d’un partage peu équitable, engendrent donc des situations de contestation et de rivalités. Ces conflits peuvent pourtant être résolus, et à plus forte raison évités. Pour cela, un partage intelligent et concerté des ressources, ainsi que la mise en place d’un développement durable et responsable sont nécessaires.

Pourquoi les tensions se cristallisent-elles autour du partage des ressources, jusqu’à être à l’origine de conflits armés ? Comment peut-on régler les conflits basés sur l’appropriation de ressources naturelles ? Par quels moyens prévenir l’apparition de nouvelles rivalités liées à l’utilisation des ressources naturelles ?

Cette analyse a pour but d’expliquer aux acteurs de la paix le rôle stratégique des ressources naturelles dans la formation d’un conflit et de trouver les solutions adéquates à la résolution des conflits de cette nature. Nous expliquerons que les ressources naturelles, de par leur enjeu à la fois économique mais aussi humain, représentent un facteur belligène de premier ordre. Puis nous verrons quelles réponses apporter à ce type de tensions en se basant sur des expériences menées. Enfin, nous constaterons que la meilleure façon de prévenir les conflits de cette nature est de sensibiliser la communauté internationale aux enjeux environnementaux, et notamment les populations locales.

  • C) La promotion des droits

Les droits humains énoncés dans la déclaration universelle de 1948 constituent un idéal politique fondé sur des valeurs communes à tous les peuples, indépendamment des différences culturelles, politiques, sociales et économiques. Sur ce socle, les régimes démocratiques visent à permettre au citoyen d’évoluer dans un espace de liberté, dans des conditions d’égalité, et au gestionnaire de l’autorité de se conformer à la transparence et la responsabilité, au respect de la pluralité des opinions et de l’intérêt commun. La démocratie est à la fois un idéal à poursuivre et un mode de gouvernement à appliquer selon des modalités traduisant la diversité des expériences et des particularités culturelles, sans déroger aux principes, normes et règles internationalement reconnues. Elle dépend donc de divers facteurs, politiques, sociaux, économiques et culturels. En tant qu’idéal, la démocratie vise essentiellement à préserver et promouvoir la dignité et les droits fondamentaux de l’individu, à assurer la justice sociale, à favoriser le développement économique et social de la collectivité, à renforcer la cohésion de la société ainsi que la tranquillité nationale et à créer un climat propice à la paix internationale. En tant que forme de gouvernement, la démocratie est un moyen d’atteindre ces objectifs. La paix et le développement économique, social et culturel sont autant la condition que le fruit de la démocratie. Il y a véritablement interdépendance de la paix, du développement, du respect de l’état de droit et des droits de l’homme.

Pour être respectés les droits doivent trouver à s’affirmer, mais il faut garder à l’esprit que la sauvegarde des droits proclamés est aussi en soi un défi à la paix.

II. Rechercher la Paix

  • A. Résistance civile pour la paix

La gestion des conflits connaît une transformation progressive qui n’exclue plus les acteurs civils des processus de pacification. Depuis longtemps, les populations des régions secouées par des combats armés ou par des actes violents s’engagent dans l’optique d’instaurer un climat social plus sûr, ou plus juste.

Aujourd’hui, leur rôle est de plus en plus valorisé, tant dans la prévention des violences, dans les cessez-le-feu que dans la reconstruction de la paix, lorsque les rivalités sont enfin apaisées. Les populations civiles ont donc une influence avant, pendant et après les conflits. Il n’y a en effet pas de pouvoir coercitif sans la sujétion consentante des sujets. La mobilisation massive des populations reste donc un moyen efficace de changement ou de protestation.

Cette analyse a pour but de donner aux acteurs de la paix et aux populations victimes de conflits armés ou répressifs des pistes de réflexion sur les formes de participations civiles et non-violentes dans les processus de règlement des conflits.

Nous expliquerons premièrement qu’est-ce qu’une résistance civile non-violente et quelles sont ses origines. Nous verrons ensuite que les formes de cette résistance civile s’adaptent au contexte dans lequel elles se développent, puis nous considéreront les conditions de sa réussite. Enfin, nous verrons que la mobilisation des populations peut aussi avoir comme objectif la construction d’une société plus égalitaire, ne favorisant pas l’émergence de conflits.

  • B. Dialogue, médiation et participation citoyenne pour la paix

Le dialogue, la recherche de compromis, la négociation, la concertation sont autant de termes qui traduisent un état d’esprit où les personnes font la démarche d’aller vers l’autre. Une telle posture est-elle envisageable en cas de conflit ?

Il se trouve que le dialogue ne trouve pas meilleure utilité qu’en cas de tensions. Les conflits sont inhérents à la nature humaine, puisqu’ils sont le fruit de la liberté de penser et de la différence qui existe entre individus. Qu’ils se soldent ou non par la violence, ils mettent en exergue l’interdépendance entre les individus, ce qui explique qu’ils peuvent conduire au délitement de la société.

Ces petites ou grandes ruptures sont parfois affichées comme irréparables par les Etats. L’exercice de l’autorité et la répression sont alors annoncés comme les seuls dénouements valables des conflits. Les conflits se retrouvent alors exploités à des fins sécuritaires ou haineuses.

Or, les fiches d’expériences analysées nous rapportent que les conflits peuvent être abordés et pris en charge de manière constructive et pacifique, grâce au dialogue. Impliquant nécessairement des individualités propres, le dialogue, par lequel nous désignerons l’ensemble des activités de conciliation, ne peut qu’être le fait de citoyens.

Habitués à l’usage du dialogue pour les conflits de proximité aussi appelés conflits quotidiens, qui tiennent d’ailleurs une large place dans les fiches d’expérience utilisées, les initiatives de conciliation font aussi leurs preuves dans les conflits meurtriers.

L’intervention citoyenne dans la gestion des conflits permet de mettre un terme à des obstacles idéologiques, psychologiques qui souvent nous empêchent de communiquer avec notre propre voisin. Les ruptures conflictuelles, lorsqu’elles sont traitées par et pour les citoyens permettent de raviver la démocratie.

Plusieurs initiatives portées par la société civile permettent en temps de conflit de dialoguer sans recourir à une quelconque répression.

Toutefois, ces initiatives méritent d’être complétés par des efforts de réforme et de développement social, dont encore une fois les citoyens sont les principaux protagonistes.

Pour permettre la constitution d’une telle société civile, encore faut-il veiller à ce que les discours clivants – à savoir la propagande médiatique - ne s’érigent pas en obstacle au dialogue.

  • C. Sorties de crise : conditions, acteurs et enjeux

La sortie de crise est un moment particulièrement sensible dans le cycle de vie d’un conflit. Mettre fin à l’escalade de la violence, trouver un consensus entre les parties adverses, envisager une reconstruction matérielle, politique et sociale efficace : toutes ces étapes menant à la paix doivent être soigneusement préparées pour ne pas se solder par l’échec d’une reprise des combats.

Depuis la fin de la Guerre Froide, de nouveaux types de conflits, plus confus car souvent internes, sont apparus. Il a alors fallu adapter les outils de pacification et enrichir les processus de paix pour obtenir de meilleurs résultats. Signe de cette mutation, l’Organisation des Nations Unies a vu son rôle évoluer et ses compétences s’agrandir pour pouvoir notamment pacifier les régions meurtries par des guerres civiles.

Aujourd’hui, les processus de paix sont devenus de grandes opérations comportant plusieurs volets et impliquant une grande variété d’acteurs de la paix sur différents chantiers. Cet article a pour but de décrypter les processus de sortie de crise et de résolution des conflits, de mettre en lumière l’évolution des stratégies de pacification, et de présenter la multiplicité des personnes impliquées, ainsi que l’influence des acteurs internationaux (ONU, Etats-Unis, Union européenne) qui sont responsables sur place du rétablissement de la paix.

Une stratégie de pacification doit suivre différentes étapes, qui constitueront les principales parties de cet article. Le premier objectif d’une stratégie de pacification réside dans l’arrêt des violences. Nous verrons donc dans quelles conditions les parties adverses se mettent d’accord sur la signature d’un cessez-le-feu. Le deuxième volet des processus de pacification consiste à stabiliser le conflit. La trêve doit être officialisée par des accords de paix qui marquent le début de la reconstruction du territoire. Enfin, le maintien de la paix, une des phases les plus fragiles, implique de nos jours une stratégie multidimensionnelle portant sur de nombreux chantiers de reconstruction.

III) Reconstruire la Paix

  • A. Promotion de la justice et application des accords de paix

Les mécanismes alternatifs de résolution des conflits apportent des solutions qui complètent le travail des états en matière de justice et enrichissent les perspectives de construction de la paix. Au niveau international, des mécanismes juridiques se développent pour assurer le respect du droit international humanitaire.

Quelles sont les pratiques d’inclusion de la société civile dans la conduite de la politique judiciaire et pénale d’un état ? Quels sont les mécanismes politiques et judiciaires qui permettent de promouvoir la réconciliation après un conflit armé ? Comment punir les auteurs des violations les plus graves du droit international humanitaire ?

  • B. Les enjeux de la reconstruction : identifier et favoriser les facteurs de paix. Agir ensemble autour d’un projet social de paix.

Qu’évoque-t-on lorsque l’on parle de reconstruction ?

Dans sa définition, le terme « reconstruction » se réfère à l’action de reconstruire qui peut à la fois signifier « rétablir dans son état originel » et « imaginer quelque chose autrement » (Le Petit Larousse illustré). Il est en tous les cas communément lié au temps d’après le conflit. Cela semble logique ; le conflit évoque la destruction quand le post-conflit s’attèle à reconstruire. Cette notion parait alors prendre sa place dans le schéma urgence / post-urgence-réhabilitation / développement. Cette configuration rapprocherait la période de post-urgence / réhabilitation de la notion de reconstruction. Il y aurait comme une phase intermédiaire, sur un schéma linéaire, entre le conflit et le développement qui aurait pour fonction de stabiliser la situation après une crise. Cette théorie pourrait avoir puisé ses fondements dans les cas de la France et de l’Allemagne post seconde guerre mondiale. Dans, et entre, ces deux pays, la paix semble s’être installée profondément après une période de transition qui a permis la reconstruction. Cette période de reconstruction se caractérise par des plans internationaux de soutien, type plan Marshall, et une économie qui redémarre dès 1950. Il semble alors que les experts occidentaux en sciences politiques aient modélisé les concepts de conflits et post-conflits, ainsi que celui de la paix dont leur partie du monde à bénéficier depuis, pour pouvoir analyser les « autres crises ».

« Or, l’existence d’une phase intermédiaire entre l’urgence et le développement ne s’observe dans les faits que dans un nombre limité de cas. » (GRÜNEWALD,François, au nom du Groupe Urgence, Réhabilitation, Développement, Contribution, Assise de la coopération et de la solidarité, CICR, Contribution. 1997). L’analyse des crises met à jour que les conflits se caractérisent plus souvent par leur chronicité fréquente, leur latence (multiplication des conflits gelés) et par la réversibilité de la plupart des situations où la paix semblait en voie de consolidation. Couramment la phase de post-conflit succède à la phase de conflit mais ne dure pas suffisamment pour déboucher sur la fameuse période de développement. Et le territoire bascule à nouveau dans le conflit. Fréquemment aussi on observe des situations d’installation de crises durables de basse intensité. Ces situations d’alternance Conflit/Post-conflit ou de maintien de petits conflits démentent donc les recettes « toutes-prêtes » de reconstruction fructueuse. Le monde a ainsi cru au « miracle » libanais, pays dont le redémarrage économique n’a fait illusion qu’un temps et qui connaît depuis les accords de Taef une permanence de crises d’intensité variable ne permettant pas de dire qu’il goûte à la paix.

Ainsi si la fin des combats est nécessaire à la paix, celle-ci n’est pas systématiquement effective. La fin d’un conflit passe souvent par le constat d’un rapport de force dissymétrique où le plus faible se reconnaît temporairement vaincu. Cependant rien ne garantie qu’il ne s’agisse pas là d’un interlude pour reprendre des forces et donc reprendre les combats.

L’achèvement des combats peut relever aussi d’un renversement d’alliances. Il est question alors d’un rapprochement stratégique dicté par des considérations géopolitiques et qui n’implique pas une convergence ni un effort de compréhension réciproque. Ainsi ce n’est pas parce que le président de la Fédération de Russie met à disposition des Etats-Unis d’Amérique ses bases aériennes suite aux attentats du 11 septembre que la guerre froide est dépassée.

L’arrêt des violences peut encore donner lieu à une coexistence pacifique, qui n’est pourtant pas une paix à proprement parlé. Elle se caractérise cette fois par l’équilibre des forces mais les deux partenaires restent intimement convaincus du bien fondé de leurs positions et ne désespèrent pas que cette coexistence tourne en définitive à la défaite de l’autre. L’entente cordiale, statu quo qui ne permet cependant pas de dépasser les animosités entre les anciens belligérants, participe d’une logique identique mais à un degré moindre de rancœur.

Enfin, la fin des agressions physiques peut déplacer la nature du conflit, pour le situer sur une guerre d’un autre genre, par exemple économique. C’est ainsi que le sous-commandant Marcos de l’armée zapatiste de libération nationale, en 1997, annonçait que la « quatrième guerre mondiale » était en cours et de nature économique et financière.

La paix est ainsi difficile à définir, ce qui rend les facteurs de paix extrêmement peu identifiables. Or tout l’enjeu de la reconstruction est de mettre en œuvre des actions qui favorise l’épanouissement de ces facteurs.

  • C. Rencontre, Réconciliation, Pardon

Troisième temps de la paix, la reconstruction et la consolidation de la paix passe par un travail de réconciliation et de dialogue. Cette étape est cruciale pour les sociétés qui ont été traversées par des guerres civiles. C’est pour cela que c’est au lendemain des conflits internes que l’enjeu de la réconciliation se pose le plus souvent.

Le défi est d’aboutir à une réconciliation au niveau sociétal tout en recueillant l’adhésion de chaque personne. Personnel et à la fois collectif, le projet de reconstruction sociale doit s’efforcer d’intégrer toutes les franges de la population, victimes et coupables de manière à prévenir une domination ou des exclusions potentielles qui pourraient générer des tensions futures.

Souvent négligée par les médias, cette étape fait partie intégrante du processus de paix tant elle conditionne sa viabilité. Elle ne se limite pas à la cessation des hostilités ou à la signature d’un traité. Lorsque les armes se taisent, il reste souvent toute une société à reconstruire. Comme la paix, la réconciliation est un cheminement, qui passe par la révélation de la vérité et donc le dialogue. Il peut parfois même aboutir au pardon. Plusieurs acteurs accompagnent ce processus. On retrouve majoritairement les associations et organisations non gouvernementales, qui garantissent par leurs actions l’implication de la société civile dans la réconciliation. Les Etats peuvent également tenter de stabiliser les rapports sociaux, voire de renouveler les bases de la cohésion nationale.

Les acteurs de la réconciliation doivent prendre garde à accompagner les transformations sociales et territoriales induites par la guerre afin de prévenir des motifs de tensions et surtout veiller à intégrer la société civile.

IV. Mieux comprendre les conflits pour mieux les prévenir

Le monde reste aujourd’hui encore en proie à de nombreux conflits qui représentent une entrave sérieuse au développement des populations. Pour cette raison, il parait urgent d’engager un processus de prévention afin de faciliter un développement harmonieux et équitable. Mais, comment prévenir un conflit sans en comprendre les causes profondes ? Cette compréhension passe nécessairement par la connaissance de l’environnement, du territoire et des populations qui lui sont attachées. C’est l’ensemble de ces éléments ainsi que leurs interactions qui permettront de cerner globalement la nature des conflits.L’objet de cette analyse est donc de mettre à la disposition des acteurs de la paix des pistes de réflexion pouvant permettre de mieux cerner les contours des différents conflits rencontrés aujourd’hui.Quatre points principaux seront abordés : les différents types de conflits ; la définition de la notion de prévention ; les causes et les enjeux à l’origine des conflits ; les stratégies employées dans les contextes de conflits

Dans le cadre de ce dossier nous avons réalisé 10 analyses transversales :

  • 1) Les enjeux de la reconstruction : Identifier et favoriser les facteurs de paix. Agir ensemble autour d’un projet social de paix.

  • 2) Dialogue, médiation et participation citoyenne pour la paix.

  • 3) Rencontre, Réconciliation, Pardon.

  • 4) La promotion des droits.

  • 5) Promotion de la justice et application des accords de paix.

  • 6) L’éducation à la paix ou la prévention des conflits.

  • 7) Prévenir les conflits par une gestion intelligente et une utilisation durable des ressources naturelles.

  • 8) La résistance civile pour la paix.

  • 9) Sorties de crise : conditions, acteurs et enjeux.

  • 10) Mieux comprendre les conflits pour mieux les prévenir.

Les auteurs de ce dossier sont :

  • Tristan ROUTIER

  • Mina DE BEAUMONT

  • Leïla DESHUIS

  • Mathieu ROUTIER

  • Delphine VINCENOT

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