, Paris, janvier 2004

La paix tibétaine : « La paix naît d’abord en nous ». Un apport à la paix du monde

« Un jour, gravissant une montagne, j’ai aperçu une bête au loin. Grimpant plus et m’approchant, je me suis rendu compte que c’était un homme. Quand je me suis trouvé tout près, j’ai vu que c’était mon frère. » (Proverbe tibétain)

En 1950, le Tibet, pays perché sur les hauteurs de l’Himalaya, a été envahi par son puissant voisin, la Chine. Depuis, le peuple Tibétain lutte pour la paix, suivant la voie de la non-violence. Cependant, peut-on parler de paix pour le Tibet alors qu’il n’y a pas eu de guerre à proprement parler, alors que la résistance tibétaine face à l’ennemi a été quasi-nulle ? Il est important de souligner, en introduction de ce dossier, que si la guerre ne se résume pas à une lutte armée entre deux rangées de soldats ennemis, la paix ne peut non plus être réduite à l’absence de conflit. La paix, c’est aussi le respect des droits de l’homme, des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes ; la liberté de chacun, liberté de parler, de penser, de pratiquer sa religion. Et c’est aussi, pour les bouddhistes tibétains, un cheminement individuel, un joyaux intérieur.

Il est difficile d’imaginer les Chinois restituant demain le Tibet aux Tibétains. Ce territoire représente de trop nombreux atouts pour eux : atouts géographiques, démographiques et militaires. L’importance du Tibet pour la paix dans le monde est considérable, non seulement d’un point de vue géostratégique, mais aussi d’un point de vue spirituel.

Géographiquement, le Tibet est situé à une altitude moyenne de 4 000 mètres. Il possède une frontière commune avec la Birmanie, l’Inde, le Népal et le Bouthan, ainsi qu’avec les provinces et régions chinoises du Yunnan, du Sichuan, du Qinghai et du Xinjiang. Entouré des plus hauts sommets du monde, dont les monts Everest (Chomolangma en tibétain), le mont Kailash (mont sacré du bouddhisme tibétain) et le mont Kunlun, cette région est un véritable réservoir d’eau pour toute l’Asie. De nombreux fleuves trouvent leur source sur les sommets tibétains : le fleuve sacré du Gange qui se déverse en Inde, le Mékong arrosant le Laos, la Thaïlande et le Cambodge, le Brahmapoutre qui traverse le sud de la Chine et le Bangladesh avant d’arriver en Inde, l’Irrawady, principal fleuve de Birmanie, l’Indus traversant le Pakistan du nord au sud et le Yangzi Jiang (Yang-tsé-kiang), un des plus grands fleuve du monde. Or la Chine des empereurs à toujours considéré la gestion de l’eau comme un des attributs du pouvoir le plus puissant. De Yu le Grand, personnage mythique Chinois qui vola des terres au Ciel pour enrayer des inondations, au pouvoir communiste qui lança la construction du colossal barrage des Trois Gorges, la gestion de l’eau a toujours été un des aspects primordiaux du pouvoir en Chine. Cela explique en partie la convoitise des Chinois à l’égard de cette richesse tibétaine.

A cette géographie unique s’ajoute une faune et une flore d’une vaste diversité. On trouve au Tibet 5 760 variétés de plantes et de nombreuses espèces animales rares telles que le léopard des neiges, la chèvre pashmina, l’aigle des steppes pouvant voler jusqu’à 9 000 mètres d’altitude ou encore le yack, qui fournit l’alimentation de base des Tibétains.

Le sous-sol est également une source d’intérêt pour les Chinois. Extrêmement riche en minéraux, on y trouve du cuivre, de l’uranium, du chrome, du tungstène, de l’or, de l’argent, du plomb, du lithium, du borax, du souffre etc., et ce en grande quantité : les réserves tibétaines en lithium représenteraient la moitié des réserves mondiales et les gisements d’uranium et de borax seraient quant à eux les plus importants du monde. Toutes ces richesses font du Tibet un territoire envié par ses voisins.

L’aspect démographique est également à prendre en compte dans l’intérêt que portent les Chinois aux hauts plateaux tibétains. Lorsqu’elle décida d’envahir le Tibet, en 1951, la Chine était peuplée d’environ 600 millions d’habitants. Le Tibet, avec seulement 6 à 8 millions d’habitants répartis sur un territoire immense, représentait alors une formidable aubaine. Intégré au territoire chinois, il permettrait d’alléger les campagnes et surtout les villes chinoises, dont les démographes prévoyaient déjà la surpopulation future.

Mais c’est sûrement l’aspect géostratégique qui a le plus de poids aujourd’hui. La maîtrise du Tibet fournit à la Chine une frontière commune avec l’Inde, pays qui, malgré les rapprochements récents, reste son principal ennemi. Posséder le Tibet permet à la Chine de se faire de l’Himalaya une frontière que l’Inde ne peut attaquer, et de bloquer toute expansion commerciale de ce pays vers le nord. Enfin, la maîtrise du Tibet, et notamment de sa partie occidentale, offre à la Chine un accès directe vers le golf arabo-persique à travers le Pakistan, pays ami puisque ennemi de l’Inde.

Le Tibet est ainsi pris au cœur d’enjeux géopolitiques majeurs. Son importance pour la paix dans le monde se décline sous deux axes. Tout d’abord, sa situation géographique lui permettrait, indépendant ou jouissant d’une réelle autonomie, de jouer le rôle d’état tampon entre les eux géants asiatiques que sont l’Inde et la Chine. Ensuite, la vision tibétaine de la paix et la lutte non-violente du peuple tibétain pour la paix sont des exemples précieux pour le monde d’aujourd’hui, les mouvements pacifistes de tous les continents et les générations futures. Cette philosophie nous enseigne que dans un monde interdépendant tel que le notre, il est nécessaire de nous éloigner des oppositions « nous » et « eux », sources de nombreux conflits, pour nous tourner vers une paix ensemble.

C’est de cette sagesse millénaire, devenue un des trésor spirituel de notre planète, que le Tibet est dépositaire. On trouve dans ce pays des formes très anciennes de cultes, mêlant un shamanisme originel à la philosophie bouddhiste. Or ces traditions, qui ne sont visibles qu’au Tibet, sont les premières victimes de la modernité effrénée apportée par la Chine, des colonies de peuplement massives de Chinois sur les hauts plateaux et de la « mode » tibétaine qui amène chaque jours des centaines de touristes étrangers à l’assaut de cet éden himalayen.

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