Simone GIOVETTI, Paris, janvier 2009
Eido-Idea : pôle de Ressources et de Recherche pour l’Élaboration de Savoirs citoyens.
Guerre ou paix : un choix et un devoir pour sortir de la panne démocratique. Coopérations contre politiques de puissance.
Conflit et sortie de crise : les très fragiles frontières entre la paix et la guerre.
Le présent dossier fait partie d’un ensemble de six dossiers dédiés à la réflexion sur la situation actuelle de la pensée et de l’action pour la paix.
I. La paix ou la guerre
La frontière entre la paix et la guerre est aujourd’hui, une fois de plus, très fragile et les Etats nationaux sont encore les acteurs clés de l’histoire. Parmi eux, la Russie, la Chine, l’Inde et l’Iran ont dans leurs mains la possibilité de choisir le camp de la paix et de la coopération ou celui de la guerre et de la puissance.
Dans l’univers de la guerre froide, le « monde libre » et le totalitarisme communiste s’affrontaient ouvertement et les autres civilisations n’étaient pas susceptibles de constituer une menace pour « l’Occident démocratique ». Dans le monde d’aujourd’hui, et très clairement depuis le 11 septembre, nul n’est officiellement l’ennemi de personne et la puissance se dissémine.
Le décollage économique de la Chine, de l’Inde et de la Russie, entre autres, annonce la sortie de l’état de pauvreté pour de millions d’être humains. Le monde émergent est désormais le moteur de la croissance mondiale.
Ce formidable essor économique va modifier les équilibres de la planète. Les implications géopolitiques sont considérables. Ici se place le premier défi pour la paix dans le monde d’aujourd’hui.
Depuis le 11 septembre 2001, l’énergie est plus que jamais au centre de la stratégie des grandes puissances consommatrices et productrices. Très clairement la lutte contre le terrorisme mais également la compétition énergétique avec Pékin et la rivalité avec Moscou sont au cœur du renforcement de la présence militaire américaine au Moyen-Orient et en Asie centrale.
L’accès aux ressources énergétiques est devenu l’enjeu des stratégies entre les grandes puissances, un motif d’expansion territoriale pour les pays consommateurs et une arme à la fois économique et politique aux mains des pays producteurs. Les récurrentes et très récentes « guerres du gaz » lancées par la Russie vers ses anciennes républiques en sont une preuve.
Quel principe directeur ordonne le nouveau cours des relations internationales ?
Entre la thèse de Francis Fukuyama de la fin de l’Histoire et celle d’Huntington du choc des civilisations, c’est plutôt la deuxième qui semble se réaliser. Mais les jeux ne sont pas encore faits. Le lieu de confluence entre Fukukuyama et Huntington est la mondialisation. La confrontation Est/Ouest comme principe organisateur du monde de l’après-guerre n’a pas eu d’autre successeur que la mondialisation elle-même. Voilà un autre enjeu majeur pour la paix : contrôler la mondialisation, l’humaniser ou la repenser.
Sur le terrain on remarque la volonté de la Russie de Poutine de restaurer le prestige et la puissance d’autrefois. Comment interpréter sinon les récents épisodes en Géorgie ? La Chine, quant à elle, demeure une puissance rivale des Etats-Unis et elle se prépare à partager avec eux le leadership stratégique mondial. La ré-émergence donc de l’Iran, de la Russie et de la Chine comme puissances internationales va conditionner le cours de l’histoire.
Les risques que pèsent aujourd’hui sur la paix, comme le rappelle Cohen-Tanugi, sont ainsi d’abord géopolitiques et s’articulent autour de trois axes :
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1. La reconquête de la Chine de son rang de puissance mondiale ;
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2. La stagnation du monde arabo-musalman et surtout les rivalités internes à l’Islam pour la domination du Moyen-Orient ;
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3. La compétition entre puissances, anciennes et nouvelles pour le contrôle des ressources énergétiques.
II. Irak, Afghanistan, Darfour : la recherche de la paix
Selon l’opinion publique « occidentale » et « moderne », la guerre n’est plus la continuation de la politique par d’autres moyens, et encore moins un affrontement classique entre Etats tel qu’avait pu le concevoir Clausewitz…
La poursuite de guerres, nous rappelle Marc Antoine de Montclos, surtout civiles, est non seulement peu compréhensible mais presque exclusivement l’affaire des pays du Sud. Une sorte de « prédisposition naturelle » à s’entre-tuer. Quand on parle du conflit dans les Balkans, par exemple, notre imaginaire, supporté souvent par des médias « acritiques », transforme la réalité et, malgré la proximité géographique, l’horreur est repoussée très loin de chez nous.
L’ouvrage de Montclos a pour objectif de réhabiliter la dimension politique des affrontements du tiers-monde et de souligner la complexité de leurs enjeux. L’auteur affirme que, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, les dynamiques locales l’emportent sur les logiques globales, « la globalisation n’empêche pas le village de penser d’abord à ses intérêts de proximité »… d’ailleurs comment imaginer, avec un peu de raison, que les Soudanais, pour prendre un exemple que nous présenterons ensuite, se battent pour le compte des tiers lointains et puissants ? Malgré d’évidents rapports de forces économiques en faveur de l’Occident, rappelle l’auteur, les raisons que se cachent derrière les conflits d’aujourd’hui ont à voir avec des enjeux politiques locaux, bien plus que veulent bien le laisser croire les médias.
Le discours actuel affirme, au détriment d’une vraie analyse sur la longue durée, que les conflits d’aujourd’hui seraient plus nombreux, meurtriers, moins militaires et plus sauvages que les affrontements d’avant : « le retour du sauvage ». Cette analyse cache une réalité bien plus compliquée.
Au contraire, les conflits n’ont pas fondamentalement changé de nature quant à leur dimension informelle, prédatrice et criminelle. La multiplication des abus constatés vient, selon l’auteur, d’une plus grande sensibilisation à la souffrance, d’une vigilance accrue quant au respect des droits de l’homme et part d’une extension du droit humanitaire et donc des possibilités de violation de règles toujours plus contraignantes. Ce qui change est donc le regard des Occidentaux sur le conflit du tiers-monde.
Nous voici face à des réalités que l’on connaît très mal, avec des analyses superficielles qui ne nous aident pas à comprendre mais qui, au contraire, simplifient davantage là où c’est dans la complexité que l’on pourrait trouver des clés de lecture.
Prenons par exemple le cas du Darfour et de son « quasi-génocide ». Pour le monde extérieur, la crise du Darfour apparaît comme la « crise africaine » par excellence : lointaine, difficilement compréhensible, terriblement violente, enracinée dans les réalités ethniques et historiques complexes dont pratiquement personnes ne connaissait les arcanes. Une fois que les médias commencent à s’y intéresser, elle devient tout simplement une « crise humanitaire », c’est-à-dire quelque chose que la plupart des politiciens considéraient comme une « cause perdue…".
Parmi les différentes thèses avancées par Montclos, une idée de fond est à retenir car elle explique à notre avis avec lucidité comment les clés de compréhension des conflits sont souvent le fruit d’une analyse conceptuelle à la mode.
La panne démocratique
En Afghanistan aujourd’hui, la communauté internationale joue ses dernières cartes pour sauver ce Pays de l’écoulement total. La résolution du conflit en Afghanistan est une des clés les plus importantes dont dépendent la paix et la stabilité mondiales. Mais comment sortir ce pays du chaos ? comment apprendre aux Afghans à gouverner dans une démocratie ?…
Selon Montclos il faut dénoncer ce qui à ses yeux serait la « grande illusion » dans la prévention des guerres. Selon les adeptes de la « bonne gouvernance », il faudrait renforcer la société civile et stimuler le secteur privé pour contrecarrer la dérive autoritaire des régimes du tiers-monde.
L’exportation du modèle démocratique des pays riches, censé garantir la stabilité et la paix s’avère au contraire d’une application difficile. L’Irak et la population civile irakienne paye de sa poche cette nouvelle approche occidentale à la guerre. Les particularismes locaux résistent à l’épreuve de l’exportation du modèle démocratique. Comme expliquer cela ? Il est nécessaire selon les auteurs analysés de réorienter les efforts de prévention des conflits là où les Occidentaux peuvent effectivement orienter le cours des événements : la médiation diplomatique, la reconstruction des sociétés ravagées par les affrontements, l’aide à la démobilisation des combattants.
Mais de fait, les politiques de prévention des conflits se heurtent à des limites intrinsèques sur le plan méthodologique : on ne peut pas en mesurer l’efficacité, seulement les échecs, lorsque l’embrassement d’un pays démontre l’inanité des efforts de la communauté internationale. « Le Darfour est un écran de cinéma sur lequel nous projetons nos rêves d’une coopération internationale harmonieuse en matière de gestion de crise ». « Les présupposés des Occidentaux sur leur capacité à prévenir les guerres ne reposeraient que sur des corrélations très aléatoires entre l’aide, le développement, la démocratie et la paix ».
Après trois ans et demi de conflit la stratégie américaine en Irak est décevante.
L’explication communément admise en Occident érige la religion en principal obstacle à la démocratie : l’islam serait en effet une religion qui prône la fusion des pouvoirs temporel et spirituel, ce qui est clairement en contradiction avec la pensée occidentale de l’Etat moderne. Ensuite l’hétérogénéité des sociétés arabes, ainsi que la vigueur des affiliations confessionnelles et claniques, empêcherait l’émergence d’un sentiment d’appartenance à un collectif… Donc, l’Etat arabe incarnerait difficilement la légitimité ultime (Loulouwana Al-Rashid et Dorothée Schmidt). Il est clairement menacé de disparition lorsque le groupe particulariste qui en contrôlait le fonctionnement est éliminé : dans L’Irak de l’après-Saddam Hussein tout est à reconstruire. En Afghanistan nous nous trouvons dans le même cadre de figure.
Finalement nous constatons, comme le rappellent Loulouwana Al-Rashid et Dorothée Schmidt, que l’Occident a inscrit assez tardivement dans sa stratégie politique « l’impératif démocratique ». Avant c’était la « stabilité politique » qui était recherchée auprès des régimes arabes : le soutien à la politique de Saddam ou l’alliance historique entre les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite en sont une preuve.
Ce n’est que dans l’après-11 septembre que l’absence de démocratie au Moyen-Orient a été perçue comme problématique tant par les Américains que par les Européens…
On parle donc aujourd’hui plutôt du « retour à la force » dans les relations internationales, ce qui vide complètement de son sens la volonté de « démocratisation » affichée.
La victoire électorale de Hamas en Palestine en 2006, en dépit de la régularité du scrutin, se termine par un refus du « quartet » du résultat, pourtant démocratique.
Comment donc pouvoir rationnellement croire à la « mission civilisatrice » de l’Occident, quand en réalité, la défense d’intérêts particuliers a tout simplement ouvert une nouvelle époque de conflit, une sorte de « croisade de la démocratie ».
Le dossier se compose de 2 parties :
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I. La paix ou la guerre
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II. Irak, Afghanistan, Darfour : la recherche de la paix
À travers la lecture des ouvrages d’actualités, nous avons réalisé 8 fiches de documents réparties en deux sous groupes :
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I. la paix ou la guerre
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1) Planet India, l’ascension turbulente d’un géant démocratique
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2) La Chine et la Russie entre convergences et méfiance
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3) Iran, le choix des armes ?
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4) Guerre ou paix
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II) Irak, Afghanistan, Darfour : la recherche de la paix
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1) Le Chaos irakien, dix clés pour comprendre
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2) Guerres d’aujourd’hui, les vérités qui dérangent
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3) L’Afghanistan sur le point de bascule
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4) Le Darfour, un génocide ambigu
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À partir de la lecture et de l’analyse transversale des fiches de document, et avec l’aide d’une petite bibliographie, nous avons réalisé 2 fiches d’analyse qui retracent les thèses des auteurs des ouvrages lues :
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1) La paix ou la guerre
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2) Irak, Afghanistan, Darfour : la recherche de la paix
Fiches du dossier
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Russie, Chine Inde et Iran : le choix de la paix
La frontière entre la paix et la guerre est aujourd’hui, une fois de plus, très fragile et les états nationaux sont encore les acteurs clés de l’histoire. La paix et la guerre dépendent aujourd’hui de leurs choix.
Simone GIOVETTI, Paris, mai 2009
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Irak, Afghanistan, Darfour : la recherche de la paix
Selon l’opinion publique « occidentale » et « moderne », la guerre n’est plus la continuation de la politique par d’autres moyens, et encore moins un affrontement classique entre Etats tel qu’avait pu le concevoir Clausewitz…
Simone GIOVETTI, Paris, juillet 2009
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L’auteur met ses connaissances au service d’une analyse prospective du monde à venir. La description des changements et des risques engendrés par la mondialisation souligne, notamment, l’importance de la montée de l’Inde, de la Chine et de la Russie comme nouveaux acteurs et protagonistes des relations internationales.
Simone GIOVETTI, France, octobre 2008
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« Planet India », l’ascension turbulente d’un géant démocratique
En trouvant la solution à notre problème, nous aurons contribué à résoudre simultanément le problème du monde… Si l’Inde peut offrir sa solution au monde, ce sera une contribution pour l’humanité. Rabindranah Tagore, Prix Nobel. L’Inde est partout : ses studios produisent des films animés et des effets spéciaux pour Hollywood, ses logiciels contribuent à faire fonctionner des banques et des hôpitaux, ses centres téléphoniques répondent aux appels en provenance des pays occidentaux.
Simone GIOVETTI, Paris, janvier 2009
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La Chine et la Russie entre convergences et méfiance
Depuis la fin de la guerre froide, les relations entre la Chine et la Russie sont marquées par une renaissance sans précédent. Cet essor ne cesse de s’accélérer tant sur le plan politique que dans les domaines économique, militaire et énergétique. Devons-nous avoir peur de ce partenariat ? Y a-t-il un risque pour la paix et la sécurité mondiale ? La montée en puissance de la Chine et de la Russie ainsi que leur désir de peser dans les affaires mondiales est-il un présage de nouvelles tensions ?
Simone GIOVETTI, Paris, février 2009
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La paix et la guerre dans le monde dépendent de l’avenir des ambitions nucléaires iraniennes.
Simone GIOVETTI, Paris, mars 2009
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Le Chaos irakien, dix clefs pour comprendre.
En 2007, un Irakien de 25 ans n’a jamais connu son pays en paix.
Simone GIOVETTI, Paris, juin 2009
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Le Darfour, un génocide ambigu.
Depuis février 2003, le Darfour, province orientale du Soudan, est le théâtre de massacres épouvantables suivis d’une famine largement programmée par l’action des autorités gouvernementales. Génocide ou pas, la communauté internationale s’interroge, mais, en attendant, la population meurt.
Simone GIOVETTI, Paris, juillet 2009
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L’Afghanistan sur le point de basculer
Le grand spécialiste de l’Afghanistan lors d’un entretien élucide une série des questions clé concernant l’actualité de ce pays. Tout en brossant son portrait il appelle à la nécessite de redoubler d’effort dans les stratégies de stabilisation et de reconstruction, sans quoi l’Afghanistan risque de sombrer dans le chaos.
Simone GIOVETTI, Paris, juillet 2009