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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Mathieu Routier, Paris, mai 2009

La promotion et le respect des droits humains

Pour être respectés les droits doivent trouver à s’affirmer, mais il faut garder à l’esprit que la sauvegarde des droits proclamés est aussi en soi un défi pour la paix.

Mots clefs : Respect des droits humains | Outils juridiques pour la paix | Construction d'une alliance pour la paix | Construction d'alliances citoyennes | Société Civile Locale | Réseau des Femmes pour la Défense des Droits et la Paix (RFDP) | Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l'Homme | Prévenir des conflits | Réformer les rapports sociaux pour préserver la paix | Etablir une Commission de Vérité | Juger des responsables de violations des droits de l'Homme

Les droits humains énoncés dans la déclaration universelle de 1948 constituent un idéal politique fondé sur des valeurs communes à tous les peuples, indépendamment des différences culturelles, politiques, sociales et économiques. Sur ce socle, les régimes démocratiques visent à permettre

  • D’une part au citoyen d’évoluer dans un espace de liberté, dans des conditions d’égalité ;

  • D’autre part, au gestionnaire de l’autorité de se conformer à la transparence et à la responsabilité, au respect de la pluralité des opinions et de l’intérêt commun.

La démocratie est à la fois un idéal à poursuivre et un mode de gouvernement à appliquer selon des modalités traduisant la diversité des expériences et des particularités culturelles, sans déroger aux principes, normes et règles internationalement reconnues. Elle dépend donc de divers facteurs, politiques, sociaux, économiques et culturels.

En tant qu’idéal, la démocratie vise essentiellement à :

  • Préserver et promouvoir la dignité et les droits fondamentaux de l’individu ;

  • Assurer la justice sociale ;

  • Favoriser le développement économique et social de la collectivité ;

  • Renforcer la cohésion de la société ainsi que la tranquillité nationale ;

  • Créer un climat propice à la paix internationale.

En tant que forme de gouvernement, la démocratie est un moyen d’atteindre ces objectifs. La paix et le développement économique, social et culturel sont autant la condition que le fruit de la démocratie. Il y a véritablement interdépendance de la paix, du développement, du respect de l’état de droit et des droits de l’homme.

Pour être respectés les droits doivent trouver à s’affirmer, mais il faut garder à l’esprit que la sauvegarde des droits proclamés est aussi en soi un défi pour la paix.

I. L’affirmation des Droits

Le respect des droits humains passe par leur constante réaffirmation démocratique, le développement de réseaux citoyens structurés et la reconnaissance de mouvements minoritaires revendiquant le droit à la différence.

A. L’approche « bottum up »

L’approche des droits « par le bas » permet de centrer la réflexion sur le titulaire du droit, soit la population, les justiciables pour contrôler l’effectivité des droits. Le développement de réseaux citoyens et d’initiatives de démocratisation de l’accès aux droits s’inscrit dans cette perspective.

1. Le développement des réseaux citoyens

Dans le cadre de ses activités pour promouvoir la paix, la Fondation Charles Léopold Mayer (FPH) a mis en évidence l’importance de la création de réseaux pour pouvoir exprimer et défendre ses droits directement et sans intermédiaires.

Depuis sa naissance en 1996, la Red SCA (Red Solidaria de Comunidades Autonomas) a fait ses preuves. Cette alliance de citoyens des quartiers défavorisés et d’universitaires a mené à la création d’un réseau d’habitants et universitaires au Venezuela.

Aux origines de la RedSCA, l’expérience d’un habitant de Gran San Blas suite à la rencontre avec un étudiant en anthropologie et une architecte. Ce contact a donné lieu à la naissance d’un point de rencontre et de débat pour les différentes communautés, l’occasion d’écouter et rencontrer des experts et d’autres personnes concernées par la question du développement de la communauté (en l’occurrence le plan de développement d’un métro dans la région).

Le réseau RedSCA se posait les questions suivantes : fallait-il agir directement sur le terrain? Alerter ou protester contre les violations ? Comment diffuser les expériences ? Par le soutien technique des différentes communautés ? Au final le réseau a privilégié l’idée du « forum de débat et d’échanges d’expériences quotidiennes des gens ».

Les journées de réflexion et d’évaluation du travail de la REd SCA, ont permis de cibler plusieurs principes d’action:

  • Un réseau doit rester flexible mais avec une structure opérationnelle minimale (séminaires, cours) car l’objectif est de transmettre les expériences d’autogestion des communautés et de débattre ainsi des principes de l’action publique.

  • Il ne faut pas négliger la communication des réseaux avec des outils adaptés ni omettre d’établir des lieux de rencontre propices.

Depuis sa création, le réseau est un espace de rencontre qui n’a pas pour vocation de résoudre directement les problèmes des communautés mais de mettre en relation les acteurs pour développer des dynamiques bénéfiques à l’ensemble. Dans ce réseau les problèmes des autres communautés deviennent un problème à résoudre pour tous grâce au partage des expériences et aux idées partagées.

Plus de cinquante communautés et soixante organisations ont ainsi alimenté le travail de ce réseau au mode de fonctionnement horizontal, sans structure verticale ou juridique.

2. La démocratisation de l’accès aux droits : les cliniques juridiques

Les cliniques juridiques du Comptoir Juridique Junior et des Femmes Chrétiennes pour le Développement et la démocratie fournissent le témoignage d’une expérience de résolution démocratique des conflits, caractérisée par la volonté de proximité avec le titulaire des droits.

Créé en 2000 à Brazzaville, le Comptoir Juridique Junior (CJJ) est une association regroupant des jeunes juristes et professionnels du droit engagés en faveur du développement de pratiques alternatives de droit qui partent des gens et de leurs préoccupations ainsi que de la promotion des droits de l’Homme. Le CJJ promeut une justice alternative par le biais d’une démarche qui tend à rendre les populations actrices et productrices de droit(s) :

  • Conscientisation des populations concernées ;

  • Identification des violations ayant lieu dans les communautés ;

  • Propositions d’approches nouvelles pour trouver des solutions alternatives.

Cette utilisation du droit comme outil pédagogique permet aux bénéficiaires de devenir acteurs de leur propre développement.

Le CJJ cherche à renforcer les liens de solidarité entre les gens en valorisant le principe de responsabilisation et d’ouverture à l’autre, notamment à travers la mise en œuvre d’une justice plus proche des habitants (médiation, conciliation, communication non violente…) et de modes de résolution des conflits adaptés aux relations communautaires. La mise en place de ces cliniques juridiques s’est heurtée aux réticences de certains praticiens du droit, notamment les avocats qui percevaient cette initiative comme une concurrence déloyale pour leur métier. « Même certaines associations des droits de l’Homme nous regardaient d’un mauvais œil », témoigne un participant.

Gratuites, les cliniques juridiques réconcilient les Congolais avec le droit et la justice, oubliés pendant les dix années de guerre en favorisant le règlement des conflits à l’amiable. Empirique, le traitement des différends a conduit les responsables des cliniques juridiques du Congo, fin 2006, à envisager une vaste évaluation du programme mené depuis 4 ans. À l’issue de ce travail d’enquête et d’autocritique, le Comptoir Juridique Junior espère pouvoir proposer aux populations qui les consultent des réponses toujours plus pertinentes à leurs questionnements vis-à-vis du droit et de la justice.

A un niveau complémentaire, l’un des axes d’intervention principaux de l’association Femmes Chrétiennes pour le Développement et la Démocratie (FCDD) concerne l’accès à la justice et au droit pour tous.

Dans le quartier populaire de Ngaba, situé à la périphérie de Kinshasa (République Démocratique du Congo), le Centre d’Aide Juridique (CAJ), également appelé « clinique juridique », fait désormais partie des lieux-ressources connus et fréquentés par les habitants confrontés à des problèmes liés à la justice et au respect de leurs droits.

Si la clinique juridique et son personnel sont aussi bien perçus par la population, c’est notamment en raison de l’important travail de sensibilisation qui a été réalisé en amont. Avant de s’installer à Ngaba, le FCDD a en effet organisé une série de rencontres, destinées à impliquer activement la population dans la mise en œuvre du projet et à garantir la bonne réception de ce dernier par l’ensemble des acteurs sociaux du quartier. Un travail d’évaluation participative des problèmes récurrents rencontrés par la population en matière de justice et de droits humains a ainsi été mené, par le biais de séminaires-ateliers réunissant les différentes communautés concernées.

Proches des habitants du quartier qui viennent solliciter leur aide, la relation de proximité et de confiance qui s’établit entre les victimes et les animateurs des cliniques juridiques est un vecteur majeur d’appropriation des outils de l’action juridique et judiciaire par les victimes. Obéissant au même objectif d’autonomisation progressive des personnes face à la résolution de leurs problèmes, les animateurs évitent que les personnes qui viennent les voir ne deviennent trop dépendantes des services proposés.

Les Centres d’Aide Juridique sont des lieux essentiels de régulation des conflits dans les quartiers. A travers les actions d’information au droit, les consultations légales et les services de médiation, ils permettent aux habitants de participer à la résolution de leurs problèmes pour trouver la solution qui leur convient le mieux.

B. La lutte pour les droits

Que ce soit pour améliorer l’égalité ou pour prendre son destin en main, la lutte émancipatrice est un passage obligé pour la reconnaissance des droits des minorités.

1. Lutter pour l’égalité des droits

Aux Etats-Unis le succès du combat non violent et légaliste basé sur la non coopération économique prend son essor et aura reposé sur une stratégie pour renforcer et structurer la communauté noire, le « black empowerement ».

Dans les années 1950, malgré l’abolition de l’esclavage décrétée à la fin de la Guerre de Sécession, la législation de nombreux états fédérés du sud des Etats-Unis entérinait encore la différence raciale. La ségrégation se traduisait par de multiples oppressions et injustices. Lors du boycott des bus à Montgomery en 1955, les tactiques de l’action non violente démontrent pour la première fois leur efficacité, et donnent naissance à une doctrine non violente d’inspiration religieuse qui guidera pendant des décennies la lutte des Afro-américains. La non coopération économique massive, qui se traduit par le boycott des bus, est utilisée de manière offensive, créant un véritable rapport de forces dont témoigne la violence des réactions de la communauté blanche extrémiste. L’organisation de transports alternatifs joue un rôle clé dans la pérennisation du boycott étant donné le grand nombre d’usagers noirs. Enfin, les leaders savent prendre l’initiative du conflit en radicalisant leurs positions lorsqu’ils constatent que la violence répond à leurs efforts pour changer la situation grâce à un compromis. Ils changent de tactique et optent pour favoriser la coercition – toujours légalement - en faisant appel aux Cours Fédérale et Suprême. La Cour Fédérale annoncera finalement que la ségrégation dans les bus est anticonstitutionnelle. Ces leaders avaient eu le mérite de formuler un objectif politique précis, accessible et légitime : que la municipalité accepte de mettre fin à la ségrégation raciale dans les bus. La lutte continuera tant qu’il ne sera pas atteint.

Cette dynamique permet à des leaders charismatiques d’émerger au sein de la communauté noire et de lancer des initiatives de résistance pacifique contre les lois et pratiques racistes. La communauté noire, relativement unie et disciplinée dans ce combat fera face aux violences – bus incendiés, persécutions et agressions indiscriminées ou ciblant les leaders, etc. – avec pacifisme, permettant un réel mouvement de la société vers la fin de la ségrégation.

2. Lutter pour l’autodétermination des peuples

Les réformes pour prévenir la guerre en Nouvelle Calédonie via les accords de Matignon de 1988 pourraient constituer un enseignement précieux pour venir à bout de conflits ancrés, à l’image du conflit du Sahara Occidental.

La Nouvelle-Calédonie est depuis 1946 un Territoire d’Outre-Mer (TOM) français. En 1984, de violents affrontements éclatent entre les partisans de l’indépendance, regroupés au sein du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), dirigé par Jean-Marie Tjibaou, et les anti-indépendantistes du Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR) de Jacques Lafleur.

Un cycle de négociations s’engage, qui débouchera en 1988 sur les accords de Matignon qui prévoient l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Mais le processus bloque en raison du manque de confiance entre les parties, qui ont néanmoins la présence d’esprit de ne pas précipiter l’organisation d’un scrutin qui risquait de mener à un affrontement armé ouvert.

Les négociations tripartites doivent attendre dix ans pour s’engager sous la présidence du Premier Ministre français le 24 février 1998. Le document sur lequel les trois parties se sont finalement accordées s’inscrit dans une logique de transferts irréversibles de compétences de l’Etat à la Nouvelle-Calédonie sur une période de quinze à vingt ans. A l’issue de cette période, les Calédoniens devront choisir entre le maintien dans la République ou l’accession à la pleine souveraineté. Approuvé par les instances respectives des deux formations, ce texte a été signé le 5 mai 1998 à Nouméa par le Premier Ministre et les présidents du FLNKS et du RPCR. Il devient « l’accord de Nouméa ».

Les négociations tripartites de février 1998, qui ont abouti à l’accord de Nouméa du 5 mai 1998 témoignent du dynamisme dont ont fait preuve les parties à ces négociations pour parvenir à une solution commune. Malgré la durée de la période de transition (15 à 20 ans) avant la tenue d’un référendum d’autodétermination tel que prévu par l’accord de Nouméa, le territoire obtiendra des transferts irréversibles des compétences de l’Etat français.

Les exemples de la lutte contre la ségrégation ou pour le droit à l’autodétermination montrent la nécessité d’ancrer la culture des droits pour pouvoir les voir proclamés. Mais une fois énoncés et reconnus, la sauvegarde de l’exercice de ces droits reste un défi.

II. Sauvegarder les droits en les exerçant

La marche vers l’Etat de droit implique de faire connaître les droits par leurs titulaires, mais surtout de s’assurer que leurs violations sont sanctionnées.

A. La promotion des droits

La promotion des droits nécessite l’appropriation des droits par les communautés et populations. Elle est accompagnée par l’avant garde des organisations de défense des droits de l’homme qui se spécialisent et développent des modes d’action originaux en faveur des droits.

1. L’organisation communautaire

La préservation de l’identité communautaire est un enjeu qui requiert une appropriation des droits par leurs titulaires. La préservation des communautés indigènes du Choco a ainsi donné lieu à un réseau de solidarité et de résistance fondé sur la défense pacifique de l’identité culturelle et de l’autonomie.

Dans le département du Chocó, les communautés indigènes se sont organisées depuis les années 80 pour défendre leurs droits. Le travail de ces organisations de base a joué un grand rôle dans la reconnaissance des indigènes comme minorité ethnique par la nation colombienne et dans le passage d’une politique discriminante à une reconnaissance des peuples indigènes. Cette force s’explique en partie par la longue tradition de résistance des communautés indigènes, du fait même de leur histoire. En fait, la résistance indigène a toujours existé, qu’elle soit armée, politique ou spirituelle ; et ce au cours de quatre phases historiques : contre la colonisation européenne, pour l’indépendance, à l’occasion de l’appropriation des terres indigènes par les propriétaires terriens colombiens, dans le cadre du conflit armé que connaît le pays actuellement. Les revendications sont :

  • Autonomie par rapport aux acteurs armés ;

  • Autonomie par rapport à un modèle de développement ;

  • Droit à administrer leur propre territoire selon leur coutume ;

  • Droit à la souveraineté alimentaire.

La question est sérieuse, et de nombreux observateurs témoignent de l’existence d’ethnies « en voie de disparition ».

La Constitution colombienne de 1991, qui consacre des « réserves indigènes » et leur confère des privilèges visant à préserver leur autonomie et leur spécificité culturelle est en décalage avec une grande partie de la population pour qui ces privilèges ne sont pas justifiés. Alors les communautés indigènes tachent de s’organiser pour défendre leurs droits, en partenariat avec les organisations afro-colombiennes. L’enjeu de la lutte est de coupler la lutte pour la reconnaissance des droits économiques et sociaux avec les défis de préservation de la culture. La stratégie est donc ici de renforcer cette conscience avant de renforcer l’arsenal juridique perçu comme inopérant.

2. Les organisations de défense des Droits de l’Homme

L’engagement de la ligue rwandaise pour la promotion et la défense des droits de l’Homme – LIPRODHOR illustre l’intérêt de disposer de groupes organisés et professionnels spécialisés dans la promotion des droits.

En septembre 2000, la Ligue Rwandaise pour la Promotion et la Défense des Droits de l’Homme (LIPRODHOR) organisait à Kigali (Rwanda) sa 10ème assemblée générale. A l’issue des travaux, des recommandations ont été formulées notamment sur :

  • La nécessité d’organiser des formations en matière des droits de l’homme, en créant par exemple une radio des droits de l’homme ;

  • L’amélioration des conditions de vie en prison ;

  • Le droit de détenus au produit de leur travail ;

  • Les garanties d’indépendance des magistrats, etc.

En collaboration avec Amnesty International, la LIPRODHOR fait pression sur l’Etat pour le pousser à appliquer ses obligations de dans le domaine des droits humains. Cette action contribue à protéger les libertés, mais elle vise avant tout à agir auprès des décideurs politiques pour qu’ils prennent le relais de la promotion des droits.

B. La difficile mise en œuvre des droits

Au delà de leur affirmation formelle, la conception de la place de l’individu dans la société chinoise s’oppose à la reconnaissance des droits inhérents à sa qualité de personne humaine. Plus généralement, le droit du faible peine à trouver sa place dans des systèmes fondés sur un déséquilibre des rapports sociaux.

1. La négation des droits de l’individu dans la société chinoise.

Le respect des droits de l’homme est une question qui revient régulièrement lorsque l’on aborde le thème de la démocratisation en Chine, régulièrement dénoncé par les organisations internationales de protection des droits. Les décennies maoïstes (1949-1976) ont laissé une empreinte profonde quant à la conception de l’individu. Comme dans tout totalitarisme, l’individu y était nié.

Selon la doctrine officielle de l’Etat : « L’individu doit sacrifier à l’État sa pensée, son travail, et même sa vie si le souverain l’exige, sans considération de ses désirs personnels ou de son bonheur ». Le régime « s’adresse à », et dirige les « masses », innombrables et anonymes à qui il dicte tout ; la population fait l’objet d’atteintes à sa liberté de mouvement (mise en place d’un passeport intérieur) ou déplacée arbitrairement. Cette conception de l’Etat s’appuie sur le fond culturel du confucianisme, tel que capté et utilisé par le pouvoir impérial chinois pour effacer l’individu au profit d’une structure hiérarchique.

Dans la nouvelle Chine, la libéralisation économique et la hausse du niveau de vie pourraient favoriser la montée de l’individualisme. En réalité, alors que le totalitarisme maoïste cherchait à contrôler la conformité idéologique des individus, on assiste en Chine à l’émergence d’un autoritarisme dont l’objectif se limite à empêcher l’expression de ces individus dans l’espace public.

Cette grille de lecture post-maoïste des relations internationales permet à la Chine de revendiquer son particularisme face aux droits de l’homme, et donc d’en contester le caractère universel. Le régime soutient ainsi une thèse selon laquelle l’évolution de la situation des droits de l’Homme dépend des conditions historiques, sociales, économiques et culturelles des différents pays et l’idée que l’on se fait des droits de l’Homme et la façon dont on les applique ne peuvent être les mêmes.

Cette tentative de contournement des standards internationaux par une argumentation de type identitaire est caractéristique du discours des régimes autoritaires, du fait de leur enfermement idéologique et du ressort de leur pouvoir.

2. Les consultations communautaires au Guatemala

Au Guatemala, le soutien international aux consultations communautaires n’a pas permis au peuple de l’emporter face aux organes gouvernementaux sur la question de la propriété des sous sols miniers.

Lors d’une consultation communautaire organisée par le gouvernement sur l’exploitation du sous-sol guatémaltèque dans les zones indigènes de Sipakapa, les habitants avaient clairement exprimé leur opposition à l’exploitation minière par l’état central sur leurs territoires, considérée comme menace contre leur habitat naturel et comme une marque évidente du déni du principe d’autonomie des populations indigènes.

Malgré une décision de la Cour constitutionnelle validant le processus de consultation réalisé, la Montana Exploradora a continué à exploiter le sous-sol de Sipakapa et de San Miguel Ixtahuacan. Car la consultation communautaire n’était qu’un instrument politique sans valeur juridique qui s’est retourné contre son concepteur. Dans l’état actuel de la loi, en effet, ni le Code municipal octroyant le droit aux autorités locales de consulter ses populations ne garantissent le caractère contraignant du résultat des consultations communautaires.

L’organisme chargé d’attribuer les concessions minières, le MEM, a eu une réponse décevante pour les différentes délégations venues remettre les résultats. Pour le vice-ministre, Jorge Garcia Chiu, ces « consultas » ne peuvent avoir un caractère contraignant : « Vous avez le droit de vous consulter… ceci dit, en tant que MEM, nous devons faire appliquer la loi ; quand une entreprise remplit les critères nécessaires, nous avons le devoir de lui accorder la concession qu’elle souhaite… Nous ne pouvons pas annuler ces concessions avec les consultas et dans le cas où les propriétaires des terrains se mettent d’accord avec l’entreprise, celle-ci à tous les droits pour faire ses travaux d’exploration et ensuite demander une concession d’exploitation. »

Les consultations communautaires participent au processus d’appropriation de leurs droits par les populations indigènes guatémaltèques : la pratique de la consultation est en soi un élément qui tend à développer la capacité des populations à se reconnaître dans ces droits.

Les expériences présentées ici démontrent que les acteurs de la promotion des droits sont engagés dans un processus visant à rapprocher les peuples de leurs droits, à diminuer l’écart entre les standards internationaux et la pratique dans toutes les aires culturelles, et en fonction du contexte politique, social et culturel de chaque communauté. Cependant, l’universalité des droits énoncés dans la Déclaration Universelle de 1948 ne peut être remise en question sur la base d’un prétendu droit à la spécificité culturelle, car les droits humains constituent un catalyseur de l’exercice des droits culturels.

Notes

  • Analyse basée sur les fiches d’expériences d’Irenees.net, suivantes :

    • Des réformes pour prévenir la guerre en Nouvelle Calédonie via les Accords de Matignon de 1988.

    • La « red solidaria de comunidades autonomas ». Red i autonomia : el camino de la razon.

    • Develando sus intenciones.

    • El arte de la red.

    • Red y autonomia: el camino de la razon.

    • Mi experiencia en la Redsca.

    • En el principio.

    • El trabajo en equipo entre universitarios y pobladores de los barrios de caracas para favorecer la democracia local y la paz, el ejemplo de la “Red solidaria de comunidades autonomas”.

    • Redsca de Venezuela.

    • La place d l’individu dans la société chinoise.

    • L’implantation d’un centre d’aide juridique au sein d’un quartier défavorisé.

    • Luchar por el respecto de la dignidad de toda persona, el ejemplo de « Diaconia para Justicia y la Paz », en Piura y Tumbes, Peru.

    • Lutte pour l’égalité des droits aux Etats Unis - 1955.

    • Les communautés indigènes du Choco : une résistance fondée sur la dfense de l’identité culturelle et d l’autonomie.

    • Les engagements de la ligue rwandaise pour la promotion et la défense des droits de l’homme - Liprodhor.

    • Les cliniques juridiques du Comptoir juridique Junion ; Témoignages d’une expérience de résolution pacifique des conflits.

    • Guatemala : accompagnements international des consultations communautaires.

    • Como articular derecho positivo y derecho consuetudinario en la region andina ? El ejemplo de la casa campesina.

    • Conference report : Child Rights situation today.