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Anne Ollivier, Grenoble, France, February 2006

Renoncer à la terreur : étude comparative sur les terrorismes de Maurice Goldring

Ce document est une étude comparative entre les organisations paramilitaires en Irlande du Nord (IRA) et au Pays Basque (ETA) de 1999 à 2001. Il s’agit d’un ouvrage d’analyse qui essaye de faire comprendre les différents mécanismes du terrorisme et les moyens qui ont été utilisés pour en sortir.

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Ref.: « Renoncer à la terreur », de Maurice Goldring, Editions du Rocher, 2005.

Languages: French

Document type: 

Pour écrire ce livre, l’auteur se base sur une série d’entretiens avec les acteurs et les victimes de la lutte armée en Irlande du Nord et au Pays Basque (militants, clandestins, prisonniers, opposants, hommes politiques…).En outre, il fait constamment un parallèle entre les organisations irlandaises et basques en montrant leurs points communs et leurs différences. Ainsi, si l’IRA a atteint sa phase de maturité (arrêt de la lutte), l’ETA n’est pas encore parvenu à ce stade.

L’auteur a partagé l’ouvrage en deux parties. Dans la première, il décortique les fondements de ces organisations : leur fonctionnement et les discours sur lesquels la terreur s’appuient afin de pouvoir mieux les appréhender et les déconstruire. La seconde partie aborde les alternatives à la violence, c’est à dire les moyens mis en place pour « renoncer à la violence. »

Partie I : la terreur revendiquée

Dès le début du livre, il fait des passerelles entre son expérience en tant que militant communiste et le parcours de « terroristes » . D’ailleurs, il rappelle la filiation marxiste-léniniste des organisations paramilitaires. Il rappelle aussi que les partis communistes ont soutenu largement les organisations terroristes pendant les années 1970.

Ensuite, Maurice Goldring revient sur l’histoire de l’ETA (Euskadi Ta Askatasuna : Pays Basque et liberté), bras armé du parti nationaliste Batasuna et de l’IRA (Irish Republican Army), bras armé du Sinn Féin. Sans le recours à la violence, ces deux partis se confondraient avec les partis social-démocrates modérés.

Il évoque également les raisons de l’engagement des membres au sein de ces organisations. Pour la plupart, il s’agit de jeunes hommes qui s’ennuient et qui disent réagir aux injustices et aux violences commises par l’autre camp. S’engager, c’est entrer dans une vie « exaltante » pour des jeunes désœuvrés. D’ailleurs, les membres deviennent des martyrs quant ils meurent et des héros quand ils sont jetés en prison. Sans le soutien d’une partie de la société et des partis politiques nationalistes, ils ne pourraient pas survivre. Goldring analyse les explications utilisées pour légitimer la lutte armée. Il s’agit d’abord de l’expérience (injustices…), puis de la mémoire (celle des héros, de l’oppression étrangère subie depuis des siècles…) et enfin de la vérité, que seul le groupe détient. D’ailleurs, si l’on ne soutient pas l’ETA, on est contre elle. On devient un ennemi à la solde de « l’impérialisme » espagnol et donc une cible potentielle. Il en va de même des « traîtres » qui ont renoncé à la cause. C’est d’ailleurs, la raison pour laquelle, beaucoup préfèrent se taire.

Partie II : la terreur refusée

Dans cette seconde partie, l’auteur évoque la manière dont on est passé de la lutte armée et du terrorisme à la paix. Il évoque principalement le cas de l’Irlande du Nord, où l’IRA est entré dans un processus d’arrêt de la lutte. Pour « Renoncer à la terreur » , il ne suffit pas seulement de déposer les armes, il faut aussi changer les modes de pensée qui sont à l’origine du combat. Il évoque également la difficulté qu’ont les prisonniers à se réinsérer dans la société. En effet, ils sont très soutenus en prison où on les forme politiquement et professionnellement. A la sortie, ceux qui n’abandonnent pas l’action se reconvertissent souvent sur le terrain politique. En Irlande du Nord, la fin de la violence permet également de mettre en place des programmes de réinsertion. C’est un des devoirs de la société que de proposer des moyens de réinsertion des combattants au côté de sa lutte contre la terreur.

Il consacre un chapitre au passage de groupes armés à des partis politiques nationalistes. Ceux-ci « cristallisent encore les frustrations sociales » même si un des risques qu’ils encourent, est de perdre leur base en devenant un parti social-démocrate comme les autres (cf. critiques du Sinn Féin). Il existe un autre péril : l’ambiguïté de ces partis qui n’arrivent pas à rompre complètement avec la lutte armée (qui pourrait servir un jour).

Pour l’auteur, une des conditions de rupture avec la violence est « la capacité à percevoir le changement, entre autre la baisse des inégalités depuis le début de la lutte ou l’accroissement de l’autonomie du territoire. Cette étape nécessaire reste à réaliser au Pays Basque.

Puis, il évoque le rôle de la société. La majorité de la population n’est pas impliquée. Malgré cela, un des mécanismes des terroristes est de nier ce refus de la violence par la majorité de la population. C’est pour lutter contre cela que la société ne doit pas cesser de se battre (cf. les pacifistes). D’ailleurs, « le débat intellectuel ne doit pas cesser, il est facteur de paix civile » . En effet, si en Irlande du Nord, la terreur est ethnique (avec regroupement en quartiers homogènes), au Pays Basque, elle s’attaque même aux opinions et donc aux intellectuels. La réponse de l’Etat à la violence n’est pas aisée. Il ne doit ni légitimer la violence, ni avoir recours à son tour au terrorisme d’Etat tout en proposant une solution politique.

Finalement, il évoque les victimes, pour la plupart civiles (collatérales). Une des actions des pacifistes qui sont parties prenantes est de rendre visible les victimes, car la guerre les déshumanise. Les cibles de l’ETA n’ont pas encore ce droit. Comme il le fait remarquer, c’est à ces sociétés de commémorer et d’engager des processus de réconciliation qui sont souvent beaucoup plus laborieux que l’arrêt de la lutte. L’Irlande du Nord est déjà rentrée dans cette phase nécessaire à travers des commémorations ou des témoignages.

Pour conclure, Goldring fait un parallèle entre ces groupes terroristes et Al Quaida. Il repère un point commun essentiel: « au nom des valeurs considérées comme fondamentales, un groupe d’hommes auto-désignés s’arroge le droit de détruire des biens et des personnes en vue d’atteindre des objectifs politiques qu’il ne pourrait rêver d’atteindre par les moyens traditionnels d’une action démocratique. Là bas comme ici des discours justifient la violence par des injustices, des frustrations, des inégalités. »

Commentary

Cette étude intéressante, très bien documentée, met en lumière la genèse et les fondements des discours utilisés par les organisations terroristes en Irlande du Nord et au Pays Basque. La comparaison de ces deux organisations et de leur évolution est très enrichissante. L’exemple de l’Irlande du Nord, permet d’appréhender la sortie du conflit, et peut servir d’exemple pour l’ETA qui continue la lutte. Malgré tout, ce document n’apporte pas de recettes toutes faites sur le renoncement à la violence.

C’est un document agréable à lire qui alterne entre humour et description mais sans faire oublier pour autant les horreurs du terrorisme. Sans apporter de jugement, il essaye aussi de faire comprendre les raisons de l’engagement des combattants. Pour cela, l’auteur s’appuie sur l’analyse des expériences individuelles ou collectives.

Finalement, on peut se demander si la grille analytique qu’il utilise pour étudier des groupes terroristes en Europe, ne pourrait pas être reprise en vue d’étudier des groupes terroristes en Amérique Latine ou au Moyen Orient, par exemple ?