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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Gaël Bordet, Sénégal, Proche Orient, Paris, 2002

La Bataille de l’eau au Proche-Orient : un état des lieux de Christian Chesnot

Ce livre présente, sous forme d’argumentaire géopolitique, un état complet des « points noirs » du Proche-Orient en matière de partage et de gestion de l’eau.

Mots clefs : Fleuves et paix | Favoriser l'accès à l'eau à de populations exclues | Coopération scientifique au service de la paix | La responsabilité des autorités politiques à l'égard de la paix | Lutte contre la pauvreté | Réorganisation de l'économie pour le partage équitable des biens à l'échelle régionale | Gouvernement israélien | Autorité palestinienne | Gouvernement irakien | Gouvernement syrien | Gouvernement libyen | Gouvernement égyptien | ONU | Ligue des Etats Arabes | Prévenir des conflits | Etablir des concertations multilatérales pour préserver la paix | Etablir le dialogue entre les acteurs et les partenaires de la paix | Mener des négociations politiques pour rechercher la paix | Afrique du Nord | Proche Orient | Moyen Orient

Réf. : La Bataille de l’eau au Proche-Orient, Christian Chesnot, L’Harmattan, 1993.

Langues : français

Type de document :  Ouvrage

Au Proche-Orient, plus que jamais, la question de l’eau est dominée par des rapports de force. Et dans le contexte instable de cette région, penser que les seuls progrès technologiques règleront le problème de la raréfaction de l’eau est une erreur fondamentale : tout dépendra en effet de l’avenir du processus de paix israélo-arabe.

Quels sont les enjeux de l’eau au Proche-Orient ? Le Proche-Orient est la « ceinture de la soif »: les ressources disponibles sont faibles et mal réparties, ce qui implique un effort de rationalisation de la gestion de l’eau, si possible à l’échelle régionale.

Après un panorama des ressources en eau de la région, puis pays par pays, l’auteur aborde la délicate question du partage des ressources transfrontalières en faisant un rapide rappel des dispositions juridiques – très limitées et imparfaites – en ce domaine. A bien des égards, les frontières territoriales et politiques semblent ainsi constituer l’un des obstacles majeurs à un partage équitable et responsable des ressources hydriques de la région.

Un second obstacle relevé par l’auteur, est la croissance démographique accélérée de cette région, ce qui est préoccupant compte tenu de l’état des ressources ; sans compter que cet état de fait démographique incite les Etats du Proche-Orient à intensifier leur agriculture pour répondre aux besoins des populations, ce qui crée une pression énorme sur les réserves d’eau des pays respectifs et nécessite de se poser la question du bien fondé de la « sécurité alimentaire ».

Enfin, la question de la pollution généralisée des ressources constitue un troisième enjeu majeur à l’échelle régionale.

Dans le jeu des rivalités proche-orientales, les fleuves occupent une place centrale. Christian Chesnot aborde donc successivement les enjeux géopolitiques relatifs à cinq fleuves.

  • Tout d’abord, le Jourdain au cœur du conflit israélo-arabe. L’auteur fait remonter la question aux négociations concernant le plan Johnston, plan de partage des eaux du Jourdain, au début des années cinquante, puis replace la question dans le cadre des accords de paix d’Oslo(1993) et insiste enfin sur la situation problématique de la Jordanie, l’Etat « sans conteste le plus menacé » de la région.

  • Le second ensemble hydrographique est celui du Tigre et de l’Euphrate, traité sous l’angle des « ambitions turques », notamment à travers un projet d’aménagements hydrauliques consistant principalement en la construction de barrages (le GAP). Ce projet est susceptible de mettre la Turquie en position forte vis-à-vis de la Syrie et de l’Irak, riverains d’aval du Tigre et de l’Euphrate, en contrôlant le débit des deux grands fleuves et ainsi l’approvisionnement en eau des Etats qui en dépendent.

  • Le Litani (fleuve du sud Liban) occupe une position stratégique pour le Liban, dont il contribue pour une bonne part à la bonne tenue de l’agriculture mais aussi pour la production d’électricité et l’approvisionnement en eau potable. Cependant, selon l’auteur cette rivière ferait l’objet de toutes les convoitises de la part d’Israël qui aimerait le convoiter pour alimenter le Nord de la Galilée. Cet intérêt porté aux eaux du Litani justifierait en partie l’occupation pendant un temps du sud Liban…

  • Le Nil, fleuve majeur et creuset de civilisation s’il en est, est l’objet de nombreux désaccords : le barrage d’Assouan en Egypte d’abord ; d’autre part, l’Egypte entretient des relations tendues avec deux pays riverains du Nil, le Soudan – en pleine guerre civile – et l’Ethiopie, qui occupent par rapport à elle une position de riverains d’amont*. Les Egyptiens craignent notamment que les aménagements hydrauliques entrepris en amont du fleuve n’entravent ses disponibilités en eau, mais ils redoutent également les coopérations techniques que l’Ethiopie entretient avec Israël…

La maîtrise et la propriété des eaux souterraines au Proche-Orient sont bien souvent l’objet de rivalités complexes. Dans ce cadre, l’auteur étudie des problèmes aussi divers que le projet de la Nouvelle vallée dans le désert égyptien pour résoudre les problèmes d’alimentation de la vallée du Nil, le grand fleuve artificiel libyen pour contrer les aléas de la nature, l’hydrostratégie d’Israël pour la maîtrise des eaux souterraines (notamment le cas des aquifères transfrontaliers avec les territoires palestiniens, mais aussi la maîtrise du plateau syrien du Golan).

Enfin, Christian Chesnot traite des choix hydrauliques des émirats du Golfe arabo-persique, mettant notamment en perspective la question de l’adéquation des moyens technologiques avec les besoins en eau.

Commentaire

Ce livre présente, sous forme d’argumentaire géopolitique, un état complet des « points noirs » du Proche-Orient en matière de partage et de gestion de l’eau…

L’auteur, qui s’est formé à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et exerce la profession de journaliste, se contente de donner un aperçu d’ensemble des problèmes, sur le mode journalistique et informatif, mais il le fait très bien : ce livre, bien écrit et très agréable à lire, constitue une première approche des plus claires et des plus accessibles parmi l’ensemble des ouvrages parus sur ce thème.

Simplement, d’une part, les analyses des enjeux sont à peine ébauchées et ne semblent jamais vraiment prendre la mesure des véritables défis : comment l’eau entre-t-elle en ligne de compte dans les conflits culturels, sociaux, économiques et politiques qui traversent cette région ? ; comment la structuration sociale et culturelle de ces populations induit-elle les comportements et les attitudes qui sont ceux des pays du Proche-Orient à l’égard de la gestion de l’eau ? etc.

Il manque à cet ouvrage une dimension fondamentale, celle de la compréhension sociologique des sociétés du Proche-Orient.

Un livre indispensable, donc, pour se faire une idée des problèmes, mais ce « tour d’horizon de la question de l’eau au Proche-Orient » (p.217) est à compléter par des études plus abouties pour comprendre et analyser les enjeux fondamentaux qui dépassent de loin le cadre de cet ouvrage.

Notes

  • Voir l’ensemble des fiches d’analyse pour approfondir la question de la gestion de l’eau dans le bassin du Jourdain.

  • Voir également aux fiches d’expérience suivantes : « Ecologie et gestion durable de l’environnement : le cas de la Mer Morte » ; « L’eau, un problème de santé publique dans les Territoires Palestiniens » ; « Rencontres internationales du Mémorial de Caen en 1999 sur l’eau et la paix au Proche-Orient ».