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En librairie

Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Paris, septembre 2008

En action sur le terrain : des ateliers de « jeux pour la coopération »

« Equipes de paix dans les Balkans » a choisi de former des acteurs locaux à la technique des jeux coopératifs, en vue de favoriser la régulation non-violente des conflits.

Mots clefs : Intervention civile de paix | Travailler la compréhension des conflits | Espaces de partage et de transfert d’expériences pour la paix | Conflit yougoslave | Guerre du Kosovo | Equipes de Paix dans les Balkans | Les Balkans | Kosovo

I. Présentation et déroulement du projet

Le projet consistait à proposer des ateliers dans les écoles des différentes communautés de la ville de Mitrovica/ë, pour que ce travail soit connu et ainsi diffusé auprès de toutes les personnes faisant partie de l’environnement des élèves (le personnel des écoles, les parents, etc).

Les jeux représentent un outil pédagogique intéressant pour l’apprentissage de règles, l’amélioration des perceptions, l’expérimentation de façons d’être et de se comporter dans un cadre sécurisant.

Les « jeux coopératifs », issus des techniques de la non-violence, sont une manière simple et agréable pour développer la confiance - en soi et en l’autre -, la communication, la créativité et la coopération. Les temps de parole prévus à la fin de chaque atelier permettent l’expression des émotions et des ressentis.

Le projet s’est déroulé en plusieurs phases :

  • Formation des animateurs des différentes communautés ;

  • Expérimentation par des ateliers ponctuels pendant les vacances ;

  • Expérimentation dans une école de chacune des principales communautés ;

  • Evaluation et extension à d’autres écoles en fonction des possibilités ;

  • Passage de relais aux associations locales et mise en réseau de celles-ci ;

  • Formation de formateurs.

Dans le déroulement d’un projet de ce type, il est nécessaire de commencer par comprendre au mieux la situation afin d’adapter les intentions aux réalités rencontrées.

  • Une première phase consiste donc, pour tout volontaire, en la découverte et la compréhension des fonctionnements individuels et collectifs dans une culture différente, et dans un contexte très particulier, très militarisé et « sous occupation internationale ».

  • Parallèlement, il s’agit aussi de rencontrer et de se faire connaître des institutions et ONG existantes, locales et internationales, de repérer leurs compétences, leurs objectifs et leurs articulations.

  • Enfin, savoir créer une relation de confiance avec les interlocuteurs doit pouvoir se construire progressivement.

A mon arrivée, après les violents événements de mars, la plupart des projets sont arrêtés ou suspendus.

La priorité des équipes est alors de rencontrer les gens, pour parler avec eux et les écouter. Ils viennent de vivre des événements traumatisants et, parce que nous sommes extérieurs au conflit, sans autre parti pris que celui de la paix et qu’ils le savent, ils peuvent nous parler, se « décharger » de ce qui leur pèse trop lourd, leurs colères, leurs dépits, leurs désespoirs. Nous savons que c’est une étape indispensable avant d’envisager toute reprise d’un dialogue ; c’est aussi pour cela que nous sommes là.

Et puis peu à peu, les activités reprennent.

Nous relançons auprès des équipes d’animateurs, celles du Nord et du Sud de la ville, un rythme et une méthode de travail : préparation des ateliers, participation, « débriefings ».

Quand les premières évaluations de ce projet en font apparaître la pertinence, nous recherchons avec les partenaires locaux comment développer et pérenniser ces ateliers : recherche de financement, extension à d’autres écoles, autonomie des équipes et coopération entre elles, formation de formateurs, etc.

A l’aide de notre présence, les animateurs Kosovars, qu’ils soient d’origine albanaise, rom, serbe ou turque, peuvent au moins se rencontrer et se parler. Par le biais de réunions de travail autour d’un projet commun, les échanges, d’abord d’ordre professionnel, s’élargissent toujours à l’évocation de la situation actuelle, au partage de leurs difficultés quotidiennes, à la recherche du « comment vivre ensemble ».

Nous proposons un lieu et un cadre de rencontre sécurisant, lequel leur permet peu à peu de se confronter à leurs peurs (celles de rencontrer l’autre, d’aller « de l’autre coté du pont »), et de pouvoir les surmonter.

Notre présence apparaît stimulante et aidante pour surmonter les difficultés quelles qu’elles soient – matérielles ou psychologiques, imaginaires ou réelles.

Nous sommes aussi des interlocuteurs privilégiés pour ces animateurs, jeunes adultes qui souhaitent construire leur vie dans une atmosphère pacifiée.

Enfin, nous proposons une convivialité « multiculturelle » : parce que la confiance se crée aussi par la proximité et que nous vivons dans des conditions proches des leurs, nous pouvons partager et leur offrir des temps de loisirs communs « C’est quand même incroyable de voir ça ! De voir tous ces gens qui s’amusent ensemble, sans savoir qui est Serbe, qui est Albanais ou « international »… je ne le croyais pas possible… C’est merveilleux que vous fassiez des choses comme ça », souligne un jeune Kosovar participant à l’une ces soirées « meeting party ».

II. Les effets produits :

Par l’intermédiaire de projets similaires, proposés et réalisés dans les différentes communautés, la rencontre et le dialogue se sont donc révélés possibles – et toujours enrichissants pour ceux qui y participaient. Ces « simples » citoyens, habitants d’une même ville et parfois anciens voisins, appréciaient de pouvoir se retrouver « en sécurité », après des événements violents et traumatisants vécus par tous, mais à des places opposées. D’autres appréciaient de pouvoir simplement parler de leurs souffrances : « Ici, tout le monde est traumatisé par la guerre, même ceux qui croient vivre normalement ».

Soutenir et rassurer par une simple présence physique (et non armée !), permettre de parler à un tiers attentif et non jugeant de son vécu et de son ressenti, proposer à des anciens « ennemis » de se rencontrer et de se parler en direct, pour mieux se comprendre et construire un avenir, faciliter à chacun la liberté de mouvement et d’accéder à ses droits dans une région encore très contrôlée, ouvrir aussi à des « possibles » par d’autres manières de vivre, de travailler, de regarder le conflit.

Bénédicte Rivet, Volontaire ICP pour EPB

Commentaire

Toutes ces actions quotidiennes du volontaire en Intervention Civile de Paix contribuent à diminuer les peurs, à reconnaître la dignité de chacun, et peu à peu à diminuer le niveau de violence pour créer un climat propice au dialogue inter-communautaire, fondé sur le respect mutuel.