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Alternatives Non-violentes, Rouen, March 2006

Qui sont les adversaires du Collectif des déboulonneurs ?

Il est important de distinguer quels sont les véritables adversaires du Collectif des Déboulonneurs.

Keywords: | | | Principle of active subsidiarity | France

Quand les barbouilleurs se font arrêter par la police, cela ne se passe jamais deux fois de la même façon. Mais ils ont une règle : celle de la courtoisie, en toutes circonstances. Non, les adversaires des déboulonneurs ne sont pas les policiers. Ceux-ci ont un métier difficile, pour lequel, en outre, ils ne sont souvent pas suffisamment formés. On néglige souvent le fait que les policiers ont parfois peur avant d’intervenir sur un site. Ils ne savent pas à l’avance comment ils vont se faire accueillir.

Quand les policiers débarquent de leur voiture à gyrophare, les déboulonneurs, eux, leur lancent parfois en chœur un respectueux et joyeux « Bonjour ! ». Rien de tel pour donner le ton ! Il est normal ensuite que les barbouilleurs soient conduits au commissariat, où ils sont invités à faire une déposition. Car il leur faut une déposition pour ensuite être poursuivis soit par le Parquet soit par l’afficheur, ce qui les conduira, dans leurs villes respectives, aux procès si attendus.

Les adversaires des déboulonneurs de publicité ne sont ni les policiers ni les magistrats, mais les publicitaires et les afficheurs. Les premiers s’échinent à trouver des slogans et des images pour aguicher la « cible » visée par les annonceurs (les marques), alors que les afficheurs se chargent de louer leurs supports, lesquels vont être placardés d’affiches. En allant barbouiller un panneau JCDecaux ou Clear Channel, par exemple, le barbouilleur prend le risque d’être poursuivi par l’afficheur qui estime que la dégradation d’affiches est un préjudice, pour lui l’afficheur, mais aussi pour l’annonceur. Jusqu’à maintenant, aucun afficheur n’a encore porté plainte contre un barbouilleur du Collectif des déboulonneurs. Il faut souhaiter que cela arrive ! On comprend très bien que les afficheurs se questionnent actuellement, car s’ils commencent pour un, il faudra agir de la même façon pour tous. Le choix des afficheurs est donc simple : soit ils font le gros dos, en continuant à nettoyer les inscriptions qui s’en vont rapidement avec des produits spéciaux - pensant que les déboulonneurs se fatigueront un jour ou l’autre -, soit ils les poursuivent devant la Justice, mais ce sera leur faire de la publicité !

Que va-t-il se passer ? Personne n’en sait rien ! Il va y avoir probablement des événements imprévus dans les trimestres qui viennent. Mais une chose est certaine, la lutte non-violente conduite par le Collectif des déboulonneurs met en jeu des sommes colossales ! Il ne faut pas s’imaginer que les afficheurs vont abandonner facilement leur dégradation des paysages et de l’espace public, qui leur rapporte tant d’argent. JCDecaux et Publicis, pour ne parler que d’eux, ont des cotes qui ne cessent de monter en bourse, chaque année. Les adversaires des déboulonneurs sont les afficheurs, avec derrière tout le monde du système publicitaire. Il ne faut pas s’imaginer que celui-ci va lâcher prise facilement. Le combat va être féroce, il faut s’y attendre. Et comme l’adversaire a le pouvoir de l’argent et l’art de la manipulation, il n’agira pas dans la dentelle.

De fait, au bout du compte, c’est l’opinion publique qui décidera, en faisant pression ou non sur les pouvoirs publics. Le pouvoir est dans la rue, il est tout le temps dans la rue ! Pour le moment, c’est celui des afficheurs qui y est, pour nous vendre des « marques » ! Quand on découvre que « marque » en anglais se dit « brand », qui vient de « brandon », outil servant pour marquer au fer rouge les animaux, on a vraiment envie de rejoindre le groupe local des déboulonneurs le plus proche !

« Nous sommes les enfants de la publicité, elle a toujours été là, dès notre naissance, et seules les personnes âgées se souviennent du temps béni où la pub n’avait pas encore envahi la télévision, les journaux et la rue. Aujourd’hui la publicité est devenue une norme, nous ne l’avons pas choisie, elle est là, comme les arbres, les gens, les animaux, les voitures, et, de prime abord, aucune personne n’a le réflexe de la rejeter, dans la mesure où elle fait partie du quotidien. » (1)

On s’imagine facilement que les Renseignements Généraux de la Police Nationale suivent de plus en plus près les activités des groupes locaux du Collectif des déboulonneurs. Ils font leur travail. D’ailleurs, on ne voit pas très bien ce qu’ils peuvent faire puisque ces groupes locaux barbouillent à des dates sues à l’avance. Il est probable, cependant, que les afficheurs fassent de plus en plus pression sur les RG, et la police en général, pour que cessent les activités de barbouillage. Revoir le film Gandhi (1) peut être ici très utile psychologiquement, car que peut la police contre des activistes non-violents décidés à récidiver ?

Par ailleurs, les déboulonneurs se doutent bien qu’ils sont épiés par le monde publicitaire, à l’image d’un propos de M. Carisé, directeur technique de Métrobus, interrogé par un groupe d’étudiants de l’école Polytechnique, à l’occasion d’un rapport qu’ils ont rédigé en 2005, avec pour titre « Étude du mouvement antipublicitaire dans le métro. » Ce propos, relatif aux dégradations dans le métro parisien en automne 2003, est limpide : « À titre personnel, dès le mois d’octobre 2003, je suis allé à tous les rendez-vous antipublicitaires. Même si Métrobus n’a officiellement pas étudié le mouvement, nous, ici, à la direction technique, l’avons regardé de près. On est connecté en permanence sur les sites, on les analyse. Il y a d’ailleurs des gens à Métrobus qui font partie de leur mouvement. Nous ne sommes pas là pour les empêcher d’agir, mais pour voir ce qu’ils font, comment ils évoluent. » (2)

François VAILLANT (*)

Notes

  • (*) : Philosophe. Auteur notamment de La non-violence. Essai de morale fondamentale, Paris, Le Cerf, 1990.

  • (1) : Johann Lachèvre, 32 ans, activiste antipublicitaire.

  • (2) Le film Gandhi de Richard Attenborough, 1982, 180 minutes peut être commandé en vidéo (26,50 € + port) au magazine Non-Violence actualité : nonviolence.actualité@wanadoo.fr

  • (3) : Extrait du Publiphobe n° 88.