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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Paris, avril 2005

Mères et “folles” sur la place de Mai. Ouvrage d’Éric Sarner.

L’auteur passe en revue l’histoire de l’Argentine de 1976 à 2000, notamment du féroce régime militaire qui a gouverné le pays de 1976 à 1983, en suivant la constitution et l’évolution au cours des années du mouvement des Mères de la place de Mai.

Mots clefs : | | | |

Réf. : Eric Sarner, Declée Brouwer, coll. Culture de paix, 2000

Langues : français

Type de document : 

Les cinq premiers chapitres évoquent synthétiquement l’instabilité politique précédant le golfe militaire argentin de 1976 : depuis 1930, cinq régimes militaires se succèdent avant qu’une junte militaire ne s’installe au pouvoir. Elle devient le seul organe suprême de l’État et l’acteur principal d’une répression visant, au nom de la doctrine de la sécurité nationale, à attaquer toutes les personnes classées dans la catégorie de "subversifs" : militants syndicaux, membres des associations, intellectuels, étudiants…

Dans la guerre "antisubversive", l’armée argentine met au point, avec l’aide technique d’officiers français et d’instructeurs américains, la pratique de la disparition systématique des personnes. Elle est une arme terriblement efficace, car elle permet d’effacer les traces du crime, de soustraire les corps des victimes à leur famille, d’effacer leur existence.

  • Ce sont les mères des jeunes victimes de disparitions forcées qui, à partir d’avril 1977, se réunissent dans la Place de Mai, donnant ainsi vie à un extraordinaire mouvement de résistance face à la dictature.

L’auteur suit la chronologie de l’histoire de la constitution, de l’évolution et des actions de ce mouvement qui passe de 14 femmes à 150, puis à 20 000. Il s’agit de femmes provenant en majorité du milieu populaire, non politisées partageant la même tragédie et qui commencent à travers rondes et pétitions, à revendiquer le droit de savoir où sont leurs enfants. Si au début elles sont ridiculisées et considérées comme des "folles" par le pouvoir militaire, au fur et à mesure que leur mouvement se structure et reçoit un appui interne et international, elles ne peuvent plus être ignorées par les autorités en place. Commence ainsi une répression contre les Mères "folles", qui ne se rendent pas mais bien au contraire, intensifient leur combat en dépit des menaces, des contrôles croissants du régime. Elles arrivent à élire une représentante, à se doter d’un siège, à publier leur périodique et elles commencent à plaider leur cause à l’étranger.

Après la chute de la dictature militaire à laquelle les Mères argentines ont largement contribué, elles continuent à combattre pour faire la lumière sur les circonstances de la mort des disparus et pour obtenir le châtiment des coupables. À la suite de la déception provoquée par les lois d’amnisties approuvées par les présidents Alfonsin et Menem, l’action et le discours d’Hebe de Bonafini se durcit jusqu’à arriver à une scission du mouvement en 1986. L’association majoritaire est représentée par l’organisation d’opposition radicale Madres de la Plaza de Mayo (Place de Mai), dont l’actuelle présidente, Hebe de Bonafini, revendique une totale indépendance des partis politiques et refuse toute négociation avec le pouvoir en place. En revanche, le groupe dissident (Association Mères de la Place de Mai-Ligne fondatrice) opte pour une collaboration avec les institutions et les partis politiques.

Pendant ces douloureuses années de l’histoire argentine, deux autres associations voient le jour : les grand-mères de la Place de Mai qui arrivent à identifier environ 600 bébés nés en détention, et HIJOS, l’association des enfants des disparus.

Les derniers chapitres retracent la rage des Mères face à l’impunité dont jouissent les bourreaux de leurs enfants, leur combat infatigable à l’intérieur comme à l’extérieur pour lutter contre l’oubli et pour l’instauration d’une véritable démocratie dans leur pays.

Commentaire

Ce qui surprend le lecteur de cet ouvrage est la singularité du mouvement des Mères de la Place de Mai. Son unicité relève de différents facteurs : sa fondation, autour de la figure de "disparu", sa résistance aux menaces du régime militaire, sa créativité en trouvant toujours de nouveaux moyens d’action, son irruption sur la scène politique en tant que contre-pouvoir dans une période de l’histoire argentine où toute dissension était durement réprimée.

Au début, ces Mères ont commencé à se réunir et à faire des rondes sur la Place de Mai, poussées par la rage et la douleur à la suite de l’enlèvement de leurs enfants. Ces femmes, provenant pour la plupart d’un milieu populaire ou petit-bourgeois, sans aucune formation, initialement sans aucun moyen, ont réussi à créer un mouvement capable de promouvoir sa cause dans le monde entier, en obtenant ainsi le soutien des organismes internationaux et des gouvernements étrangers. De plus, elles ont contribué à attirer l’attention internationale sur le régime argentin qui faisait tout pour effacer les preuves de sa violence. Pendant la dictature, où toute forme de dissension et de contestation semblait impossible, elles ont créé un mouvement d’opposition politique face au régime, qui grossissait ses rangs de plus en plus dans le pays. Elles ne se sont pas laissées intimider où décourager par les risques, les menaces et la pression du régime, mais elles ont continué à se battre pour défendre leur cause.

Même après la fin de la dictature, leur énergie et leur militantisme continuent : elles sont au premier rang dans la contestation contre les lois d’amnistie qui garantissaient l’impunité aux responsables des disparitions.

Aujourd’hui elles sont toujours là, dans la Place de Mai, non seulement pour défendre leur cause première, la vérité sur les disparitions et les sanctions des responsables, mais également pour faire d’autres revendications dans les domaines social et économique, sur le plan national et international.

Les Mères de la Pace de Mai font partie désormais du paysage politique argentin et représentent un modèle unique dans l’histoire de la résistance et de l’action autonome contre le pouvoir. Elles sont aussi devenues la référence privilégiée de ce que peuvent faire les femmes avec leur force et leur courage.