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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Paris, septembre 2007

Eau, conflits et paix : enjeux à l’orée du XXIème siècle.

« Whiskey is for drinking Water is for fighting over » Mark Twain (1)

La problématique Eau a accédé aujourd’hui au rang de question mondiale et est très souvent à la une des médias.

Le phénomène du changement climatique a encore amplifié cette médiatisation proche de la saturation. Ainsi, la conférence de Londres (18 septembre 2007) demande aux gouvernements européens de tout faire pour empêcher que l’élévation de température ne dépasse les 2°C et avertit que « échouer à atteindre ce but fera que deux milliards d’êtres humains devront souffrir de pénurie d’eau » (Lewis Smith, « Damage to the planet « is already inevitable » », The Times, 19 septembre 2007, p. 22).

De l’avis général, les pénuries d’eau sont à nos portes.

Or, l’eau est essentiel pour la plupart des activités humaines. Elle commande le développement des sociétés humaines ainsi que leur alimentation.

Pour les experts sollicités par l’ONU, d’ici un demi-siècle, l’eau pourrait devenir un bien plus précieux que le pétrole. On notera ici que si les hydrocarbures peuvent avoir des substituts, tel n’est pas le cas de l’eau qui constitue près de 75 % de la cellule vivante.

Certains comme l’ancien vice–président égyptien de la Banque Mondiale estime que des guerres seraient à prévoir pour la conquête de « l’or bleu ». De même, le Président égyptien Anouar Sadate, le ministre des Affaires Etrangères israélien Shimon Pérez et le Secrétaire Général des Nations Unies Boutros Boutros Ghali ont parlé de guerre à propos de l’eau.

Le roi Hussein de Jordanie n’a-t-il pas déclaré qu’il n’entrerait jamais en guerre avec Israël sauf pour la question de l’eau ?

On notera enfin qu’un monde où 1, 2 milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable et où 2 milliards d’autres n’ont pas d’assainissement est un monde dangereux et un monde où la paix est constamment menacée.

A l’échelle de la planète, l’eau est devenue un enjeu géostratégique et une cause de tensions internationales fortes (Israël-Palestine ; Syrie-Turquie-Irak, pays riverains du Nil, du Niger, du Sénégal, le détournement de l’Okavango a créé un conflit entre la Namibie et le Botswana comme celui du Jourdain par Israël qui crée une situation explosive entre la Palestine, la Jordanie, la Syrie et Israël…). N’a-t-on pas vu aussi bien Mme Albright lors de la présidence de M. Clinton que M. Powell, lors de celle de M. Bush, parler de l’eau pour créer des alliances géostratégiques et proposer l’aide des Etats Unis pour ce faire ?

On notera que plus de 260 bassins versants sont transfrontaliers et les populations sont obligées de partager la ressource avec leurs voisins d’où des conflits récurrents notamment dans le cas où le cours d’eau traverse les frontières politiques.

Du reste, dans ce dernier cas, comme cela l’a été au cours de l’Histoire, l’eau devient un véritable instrument de pouvoir entre les mains du pays d’amont (à titre d’exemple : Turquie versus Syrie et Irak).

Les aquifères souterrains créent aussi, de leur côté, des tensions à l’égal des cours d’eau de surface comme on l’a vu lors de la construction du Grand Fleuve Artificiel en Libye ou en Amérique du Nord entre les Etats Unis et le Mexique.

Par ailleurs, historiens et anthropologues savent que des désordres sociaux coïncident souvent – en Afrique orientale au Moyen Age voire au jour d’aujourd’hui, par exemple et comme l’a montré le grand historien de l’Afrique Joseph Ki-Zerbo- avec des périodes de sécheresse.

Dans nombre de sociétés anciennes comme en Chine, en Mésopotamie ou en Egypte, l’eau était un instrument de puissance politique permettant de centraliser le pays et d’asseoir l’autorité de l’Empereur, du Roi ou du Pharaon. L’ordre social, la collecte des impôts, les crises politiques… dépendaient du bon vouloir de la pluie ou de la cote atteinte par l’inondation.

Avec l’amélioration du niveau de vie, avec l’essor démographique, les tensions sur l’eau pourraient se multiplier à l’avenir avec des risques de déflagrations, prédisent certains experts. Pour d’autres, la gestion de l’eau pourrait, bien au contraire, être un catalyseur de la pacification et de la coopération internationale comme le montre l’exemple de l’Inde et du Pakistan : en dépit de leur divergence religieuse, à propos du Cachemire ou de la bombe atomique, la coopération sur l’Indus s’est constamment maintenue. De même, avec bien des hauts et des bas, les cinq républiques d’Asie centrale, relevant jadis de l’URSS que sont le Kazakhstan, le Turkménistan, le Kirghizstan, l’Ouzbékistan et Tadjikistan – qui se partagent les eaux du Syr Daria et de l’Amou Daria qui se déversent dans la mer d’Aral - ont mis au point un système original d’échange de l’eau – avec, cependant, les encouragements de médiateurs étrangers - contre le gaz naturel ou le charbon pour diminuer les tensions relatives au partage de l’eau de ces deux fleuves et préserver la paix entre elles. .

Fadel Kaawash, sous-directeur de l’Autorité palestinienne chargé de l’eau affirme : « Israël ne pourra faire la paix avec des gens qui meurent de soif ».

Ainsi, l’eau montre toujours cette face de Janus : inondation/sécheresse ; santé/maladies hydriques, guerre/paix….

Il dépend des hommes qu’elle soit un facteur de paix, de concorde et de prospérité pour toute l’Humanité car, disait le poète Paul Claudel : « L’eau est le regard de la Terre, son appareil à regarder le Temps ».

Puissent les fiches Irenees qui suivent aider – modestement- à aller dans le sens de la concorde et de la paix pour garder toujours clair ce regard, si précieux et à nul autre pareil.

Notes :

1- « Le whisky, c’est pour boire ; l’eau, c’est pour se livrer bataille ».

Auteur du dossier :

  • Larbi BOUGUERRA

Fiches du dossier