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En librairie

Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Gaël Bordet, Sénégal, Proche Orient, Paris, 2002

Rencontres internationales du Mémorial de Caen en 1999 sur l’eau et la paix au Proche Orient

De l’importance des échanges en réseaux pour une approche plus complète des problèmes et un retour sur expérience. Les lignes de fracture intellectuelles qu’un colloque perce à jour.

Mots clefs : Exploitation durable et responsable de l'eau | Fleuves et paix | Favoriser l'accès à l'eau à de populations exclues | Coopération scientifique au service de la paix | La responsabilité des autorités politiques à l'égard de la paix | Travailler la compréhension des conflits | Chercheurs pour la paix | Instance locale de médiation | Militaires | Scientifiques | Prévenir des conflits | Agir à l'échelle internationale pour préserver la paix | Etablir le dialogue entre les acteurs et les partenaires de la paix | Présenter des réformes pour un nouveau projet de société | Elaborer des propositions pour la paix | Favoriser les rencontres multiculturelles | Proche Orient | France

« La guerre pour l’eau aura-t-elle lieu au Proche-Orient ?". Voici quel était le thème, volontiers provocateur et passionnel, des Sixièmes Rencontres Internationales du Mémorial de Caen (Normandie, France) qui se sont tenues les 18 et 19 novembre 1999.

Selon son Directeur Général, Jacques Belin, « le Mémorial de Caen s’est donné comme double objectif de conserver la mémoire historique et de tirer les leçons du passé, afin d’éviter de nouveaux conflits ». C’est donc dans cet esprit que se sont retrouvées des personnalités venues de tous les horizons (scientifiques, responsables politiques, acteurs de la société civile, militaires, religieux, etc.) pour débattre et échanger autour des enjeux liés à l’eau au Proche-Orient.

Très rapidement une fracture intellectuelle s’est fait jour entre les différents participants, avec ceux persuadés, d’un côté, que l’eau sera à terme facteur de paix, et ceux qui jugeaient plutôt que l’eau serait, sinon cause première de conflits plus violents, du moins facteur aggravant de ces conflits. A noter que le camp des indécis faisait pâle figure.

Par la suite, une seconde fracture s’est dessinée, dans l’approche des enjeux, entre les « acteurs de terrain » d’une part – la majorité des scientifiques, les humanitaires, les journalistes, les sociologues – et les « analystes » d’autre part – politologues, économistes, etc. Cela sur des questions d’activité, de méthode de travail et d’engagement personnel.

Cette seconde fracture s’est elle-même corrélée avec la première, partageant tant les « acteurs de terrain » que les « analystes » entre partisans de l’eau comme « facteur de paix », et ceux plus disposés à penser que l’eau est source de conflit.

Cette troisième fracture s’est elle-même sous-divisée entre « acteurs engagés » (hommes politiques de pays concernés, ressortissants de pays concernés, etc.) et « acteurs plus objectifs » (scientifiques, humanitaires, membres de réseaux citoyens parfois même ressortissants de pays concernés).

Une quatrième fracture s’est opérée entre les « acteurs engagés » selon leur position dans le conflit (nationalité, rôle, etc.)

Une cinquième facture s’est réalisée parmi les « acteurs plus objectifs », entre ceux que leur trajectoire biographique a soumis directement aux violences et aux difficultés propres aux pays en conflit, et ceux qui ne sont, culturellement et matériellement, qu’indirectement concernés par ces enjeux.

Toutes ces lignes de fracture intellectuelles se sont dessinées dans le cadre de débats contradictoires très corrects, de très bonne qualité et parfaitement argumentés…

Commentaire

L’apport principal de ce genre de confrontations entre experts, et les Rencontres de Caen sont de ce point de vue paradigmatiques, est de permettre à des acteurs clés de la gestion de l’eau de relativiser ou d’enrichir leurs positions et d’élargir ainsi leur point de vue sur la question. A défaut, de telles rencontres permettent à chacun d’écouter des points de vue contraires ou différents. Ces débats ont très clairement permis de se rendre compte à quel point une approche pratique de terrain est bien souvent orientée par l’idée que les acteurs se font du problème : en effet, selon que l’eau est perçue comme une chance pour la paix (intégration économique, problèmes communs, gestion partagée et réfléchie), ou au contraire comme un obstacle, parfois majeur, à la paix et donc un motif de conflit en soi (partage impossible des ressources pour cause de différends politiques et culturels, etc.), l’approche et les solutions préconisées seront tout à fait différentes. Comprendre ce processus de construction sociale et intellectuelle d’un objet scientifique est essentiel. Et c’est là que ce type de confrontation est irremplaçable : non seulement elle permet à chaque participant de prendre conscience que ses positions sont intellectuellement, idéologiquement et sociologiquement construites, mais encore elle offre la possibilité à chacun de sortir de son domaine de prédilection pour enrichir sa conception d’un problème par les apports d’autres acteurs qui peuvent avoir un angle d’approche différent professionnellement parlant. Ces interactions sociales sont une première étape dans la constitution de réseaux d’actions et de réflexions entre les différents acteurs. Finalement, tout commence lorsque, à la fin de la rencontre, les acteurs se séparent… pour peut-être mieux se retrouver, en terrain intellectuel plus équilibré.

Notes

  • Source : Actes des Sixièmes Rencontres Internationales du Mémorial de Caen, recueillis et rédigés par Jacques Tesnière. Site : www.memorial-caen.fr.

  • Voir l’ensemble des fiches d’analyse et d’expérience sur le partage équitable de l’eau dans le bassin du Jourdain.