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, Paris, 2002

Les actions partenariales de Vivendi environnement dans le domaine de l’eau

Le lien existant entre l’action humanitaire et le développement: un exemple d’action plurisectorielle pour favoriser la paix par le travail sur l’eau.

Keywords: | | | | | | | Kosovo | Balkan | Ex Yugoslavia

Sur le terrain de l’humanitaire, les acteurs ont parfois tendance à intervenir sans se concerter. La perception réciproque de leurs actions est même souvent médiocre, chacun visant des buts distincts. Pourtant, selon Thierry Vandevelde, directeur du département humanitaire de Vivendi Water, les entreprises privées doivent elles-aussi contribuer à l’action humanitaire. A son sens, le partenariat non-seulement peut et doit exister entre les organisations non-gouvernementales et le secteur privé, mais il est aussi source d’efficacité et d’enrichissement mutuel.

Après les terribles inondations du fleuve Yangtze en Chine puis le passage du cyclone Mitch au Nicaragua, l’entreprise Vivendi environnement, ex-Générale des Eaux, a mis en place une structure permanente d’alerte autour des questions humanitaires : la Water Force, qui repose sur la mise à disposition de personnels compétents et d’équipements techniques adaptés aux interventions dans le domaine de l’eau. Garantir un accès à l’eau potable aux populations victimes d’une catastrophe naturelle ou soumises aux conséquences d’un conflit est en effet à ses yeux une priorité. C’est ce qu’explique Thierry Vandevelde, directeur du département humanitaire de Vivendi Water depuis 1999. L’action doit alors impliquer à la fois les organisations non-gouvernementales, les collectivités locales et les professionnels. L’idée est de dépasser les clivages qui tendent traditionnellement à opposer ces différents acteurs, et de trouver des solutions communes aux gigantesques problèmes existant dans le domaine de l’eau. Vivendi environnement travaille ainsi au contact de plusieurs ONG : la Croix-Rouge française, Caritas, Care, Aide médicale internationale, MSF…. Pour Thierry Vandevelde, ce partenariat avec les ONG est véritablement source de synergie et d’un enrichissement mutuel, grâce au partage des connaissances et des compétences. Qui plus est, cela permet d’accroître la rapidité et l’efficacité de leurs interventions. En réponse à un appel de l’Organisation des Nations Unies, Vivendi environnement est ainsi resté au Kosovo durant toute une année, après la fin du conflit, pour équiper la régie des eaux de Mitrovica, installer les équipements nécessaires, gérer le système d’eau et former le personnel local.

Certes, il a fallu à ces acteurs dépasser la méfiance qui, paradoxalement les réunissait : aux yeux des ONG, Vivendi inscrivait son action dans une démarche commerciale ; à l’inverse, l’entreprise française tendait à considérer celles-ci comme des amateurs. Unis néanmoins par un même désir de service aux populations privées d’accès aux ressources en eau, les uns et les autres ont réalisé où était leur intérêt. Dans la complémentarité de leurs actions : à savoir l’expertise et la connaissance fine du terrain pour les organisations non-gouvernementales, le professionnalisme et les compétences techniques pour l’entreprise.

Thierry Vandevelde considère qu’en terme de développement, l’eau représente un enjeu majeur. A ces yeux, l’évolution environnementale actuelle, notamment l’urbanisation, complexifie les données du problème. Les ONG qui y sont confrontées ne peuvent agir seules. La collaboration avec ce secteur va donc être de plus en plus nécessaire. Cela est vrai d’ailleurs pour d’autres secteurs que celui de l’eau : l’électricité, les transports, la distribution. Par ailleurs, le directeur du département humanitaire de Vivendi Water ne s’étend pas sur les éventuelles retombées positives en terme d’image que pourrait retirer son groupe de son engagement. Il préfère insister sur l’enrichissement personnel que chacun des employés retire de sa mission « humanitaire » : ouverture d’esprit et regain de dynamisme et sur le fait que, finalement, chacun y trouve son compte.

Commentary

Bien souvent, l’action humanitaire, notamment dans les pays confrontés à la guerre, est compartimentée : les diplomates tentent de résoudre la crise sur le plan de la politique internationale, les militaires s’interposent sur le terrain, les organisations non-gouvernementales pourvoient aux besoins les plus urgents (sanitaires, alimentaires, médicaux)… La coordination entre ces acteurs fait bien souvent défaut ou bien est réduite au strict minimum, quand il faudrait au contraire une mise en complémentarité des compétences. A discuter avec les représentants de ces différents secteurs, on sent de manière tangible la méfiance, l’antipathie, le rejet qu’ils s’inspirent mutuellement. La logique de l’évolution actuelle veut pourtant que l’on s’oriente vers des processus de partenariat, répondant qui plus est aux intérêts de chacun. Cet interface humanitaire sert aussi bien les populations, les responsables politiques et économiques que les représentants de la société civile. Dans cette perspective, il est positif que certains grands groupes industriels, en l’occurrence Vivendi, mettent en place des structures permanentes au service de la paix et du développement. L’exemple qui nous est donné par Thierry Vandevelde est ainsi révélateur des changements dans les mentalités.

Placé du point de vue des organisations non-gouvernementales, se pose néanmoins la question de leur indépendance, aussi bien politique que financière, qui fonde leur identité : comment concilier liberté d’action et coopération plus poussé avec d’autres acteurs ? On sait à quel point les ONG sont attachées à quelques principes essentiels : neutralité, indépendance, impartialité…

Par ailleurs, la temporalité dans laquelle ces différents acteurs inscrivent leur action n’est pas la même ; leurs objectifs, leur vocation divergent également. Temps court ou temps long, rentabilité ou humanité, rapports de force ou solidarité, sont autant de notions incompatibles en apparence. Mais toutes entrent en jeu lors d’un processus de sortie de crise. Comprendre cela permet d’aborder la résolution des conflits dans sa globalité, selon une approche empruntant à la fois aux sciences humaines, politiques, économiques, symboliques… La difficulté est ainsi de parvenir à apporter des réponses spécifiques à des besoins particuliers, tout en ayant conscience de leur caractère partiel et donc limité. On peut penser que « l’humanitaire » aura fait un grand pas lorsque chacun des acteurs concernés acceptera l’idée qu’il n’est pas seul légitime à intervenir.

Notes

  • Source : « Nous devons dépasser l’opposition ONG-entreprise privée », article de la Revue des questions humanitaires, automne 2001